Le Courrier des Yvelines (Poissy)

Rencontrez la réalisatri­ce de Paris la Blanche à Achères

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Comment jugez-vous le succès public de votre film sorti en salles depuis le 29 mars ?

Le film a eu une belle presse en général et j’ai des retours émus, touchés de la part des spectateur­s. Mais voilà, il y a beaucoup de sorties par semaine et forcément il faut laisser la place, surtout quand on est ce qu’on appelle « un petit film ». C’est la loi du marché. J’aime aller à la rencontre du public car il y a beaucoup d’échanges et de questions à l’issue de la projection.

Quelle est la question qui revient le plus de la part des spectateur­s ?

Ce ne sont pas vraiment des questions, ce sont plutôt des sentiments, des émotions : ceux qui me reviennent le plus et qui me touchent, c’est quand les gens me disent que la solidarité et l’humanité distillées ici et là dans le film, leur font du bien car c’est aussi quelque chose qu’ils ont en eux mais ne peuvent pas forcément l’exprimer.

Mon film parle de cela d’une façon décomplexé­e. C’est quelque chose que je souhaitais provoquer et j’ai dû me battre pour cela à l’étape même du scénario où l’on me demandait de justifier cette humanité par du « psychologi­que » dans mes personnage­s, de peur de faire « bons sentiments ». Comme si on était forcément solidaires et humains pour des raisons psychologi­ques. Pour moi, on est humain parce qu’on est humain, c’est tout. Il a fallu que je préserve cela jusqu’au montage final. Le retour des gens me dit que j’ai eu raison.

Le film raconte la quête d’une femme qui veut retrouver son mari qu’elle n’a plus revu depuis quatre ans. Comment est née cette histoire ?

C’est l’histoire de tellement d’immigrés à la retraite que je suis souvent surprise que l’on se demande pourquoi et comment cette histoire est possible. L’histoire des Chibanis est vouée décidément à rester invisible jusqu’au bout et cela me désole, car c’est pour les rendre visibles que j’ai fait ce film et en ce sens, j’ai l’impression d’avoir un peu échoué. Mais ce film existe en tant qu’histoire d’amour et c’est déjà ça ! Pour moi, cette femme qui part chercher son mari est un prétexte à raconter autre chose, au delà de l’histoire. C’est un film sur l’exil, sur le sacrifice d’hommes et de femmes sur l’autel du capitalism­e. J’ai lu cela dans une critique et c’est exactement ce que j’ai voulu faire.

De quels moyens avezvous disposé pour réaliser ce film ?

C’est un film à petit budget, qu’il a fallu aller chercher petit à petit, pendant longtemps. À chaque étape, à chaque scène, à chaque plan, il a fallu de l’inventivit­é car il me fallait gagner constammen­t du temps et en même temps faire passer mes différents niveaux de lecture pour que cette histoire soit au-delà d’une simple histoire d’amour et diffuse pendant son cheminemen­t des impression­s, émotions, images, questions, des sentiments vagues mais profonds, nichés dans l’histoire entre la France et l’algérie mais aussi dans les immigratio­ns d’aujourd’hui. J’ai le sentiment agréable que je suis assez juste avec mon cahier des charges personnel.

Paris la blanche, le titre évoque plein d’images : ethnique, liée à la drogue, au paradis ou à l’el dorado… Quelle est celle que vous privilégie­z ?

Il y a aussi l’évocation d’ Alger, la ville blanche, qui aurait dû être un lieu de travail pour tous ces hommes après l’indépendan­ce du pays pour lequel ils se sont battus. Il y a aussi l’idée de ces liens entre la France et l’algérie qui sont difficiles à exprimer tellement c’est encore tabou. Ce titre évoque tout cela pour moi. Une certaine poésie aussi. Ainsi qu’une partie de mes origines, liées à celles de mon père. Je ne privilégie rien en fait, je travaille de façon à ouvrir des voies, des pistes et laisser les choses s’exprimer en chacun. C’est la base de mon envie de cinéma.

Lidia Leber Terki sera présente au cinéma Le Pandora, ce mercredi 19 avril pour présenter son film Paris la Blanche, un émouvant portrait de femme doublé d’une histoire d’amour qui évoque le thème de l’exil.

Auriez-vous pu tourner votre film dans les Yvelines ? On imagine que Nour aurait très bien pu atterrir à Achères.

Je ne connais pas Achères particuliè­rement ni les Yvelines vraiment. Mais Nour aurait pu atterir partout où l’on a eu besoin de bras d’immigrés pour construire. Et l’on sait que notre monde a besoin de construire avec des bras toujours bon marché, et forcément cela entraîne des sacrifices de vies.

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