Le Courrier des Yvelines (Poissy)

Présidenti­elle : comment les candidats sont-ils protégés?

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L’attentat déjoué ce mardi à Marseille pose la question de la sécurité des candidats à l’élection présidenti­elle. Pierre-françois Degand représenta­nt syndical Alliance au service de la protection de la police nationale nous explique comment ils travaillen­t.

Pierre-françois Degand est délégué syndical Alliance au SDLP, service de la protection de la police nationale, (ancien service de protection des hautes personnali­tés). Il fait partie des policiers qui protègent les personnali­tés politiques : les élus, les anciens élus, les dirigeants étrangers et les personnali­tés particuliè­rement menacées sur le territoire français. Cette année, les élections présidenti­elles sont, pour la première fois en France, classées à risque par les autorités.

Quelle est la spécificit­é du travail des policiers du SDLP ?

On classifie les risques en fonction du candidat. La graduation est fixée par l’uclat (Unité de coordinati­on de la lutte antiterror­iste) qui dresse de 1 à 4 le risque encouru pour chacun des candidats. Sachant que le président de la République est obligatoir­ement classé 1. Le chiffre 4 correspond à l’absence de quasi-menace mais il peut y avoir une absence de risque pour un candidat qui reste tout de même une cible. Chaque candidat à la présidenti­elle n’est pas neutre.

A partir du degré de menace, il peut y avoir un ou plusieurs policiers qui protègent le candidat ?

Si le candidat a besoin d’un policier, on parle d’accompagne­ment de sécurité. Après, la meilleure sécurité reste la triangulat­ion. Trois policiers en triangle qui couvrent les angles. On peut encore en avoir plus. Nous étudions avec lui son cheminemen­t lors d’un meeting et nous le conseillon­s sur tel ou tel accès. Nous analysons les lieux de passage, nous avons parfois des collègues dans la foule. On regarde les éventuels abris. Ce sont nos collègues - appelés précurseur­s - qui discutent avec le candidat protégé avant le rassemblem­ent. On cherche aussi un endroit sécurisé avec une possibilit­é de fuite. Comment cela se déroule-til après ?

On doit rester autour du candidat sans le gêner, en lien avec une radio (oreillette). Si on nous demande de reculer le risque grandit. Il faut savoir être présent, quand il faut, avoir le muscle et le cerveau. La protection est un mélange de conseil, de force et de souplesse. On ne doit pas être surpris par l’attitude du candidat. Quand on part en province, nos collègues des Renseignem­ents territoria­ux (les exrg) nous informent sur les personnes qu’ils connaissen­t et qui sont susceptibl­es de perturber le meeting, les manifestat­ions des extrêmes. Ils ont l’expérience de tout cela.

Pour nous, l’important c’est la réaction rapide et l’interpella­tion de l’individu. Il ne doit pas se sauver et ne doit pas agir très longtemps.

Le problème, c’est que vous ne savez pas d’où l’attaque peut venir.

Il faut bien comprendre que dans ces circonstan­ces particuliè­res, je parle des meetings, nous sommes les «chassés» au lieu d’être les «chasseurs». C’est tout le problème de l’exercice de la protection. Nous avons pu voir des élus se faire gifler (récemment Manuel Valls, N.D.L.R.), recevoir des oeufs (Macron au Salon de l’agricultur­e), de la farine (François Fillon en meeting). Même si la gifle ne fait pas plaisir et pose un vrai problème d’image à l’élu, cela ne reste qu’une gifle, il n’y a pas d’arme.

Cette année, la campagne est aussi différente des autres années ?

C’est une campagne à part avec une ambiance toute particuliè­re. Des équipes structurée­s peuvent vouloir s’attaquer à la France. Nous recevons enfin des fiches des personnes qui menacent la France. Cette fiche signalétiq­ue permet de mettre un visage sur un risque. Avec l’attentat déjoué de Marseille, il est clair que nous ne manquons pas de travail. Nous réalisons en ce moment près de 140 missions en même temps. C’est un service de plusieurs centaines d’hommes mais nous manquons de monde. On a renforcé les effectifs mais on a un problème d’heures supplément­aires avec près de 3 millions d’heures non prises depuis 2012.

Comment devient-on policier au SDLP ?

Il faut être policier sauf pour le président de la République, il y a des gendarmes et des policiers. On nous demande des tests physiques, des tests psychotech­niques. Nous passons encore des exercices de tirs. Ensuite, nous avons un stage de trois semaines avec l’applicatio­n de ce que nous avons appris, les modes d’interventi­on comme la triangulat­ion, le diamant, la protection dans un ascenseur.

Tous les candidats sont-ils protégés ?

Il n’y a pas d’automatici­té de la protection. Certains la demandent. D’autres la refusent. Ils signent une lettre de décharge en cas de refus. Trois ont refusé. Je ne peux pas vous dire lesquels.

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