Le Courrier des Yvelines (Poissy)

Un policier, des menaces et une sombre querelle familiale

- David Goudey

Sur le papier, il s’agissait d’une « simple » affaire de menace à policier, le genre de dossier dont les tribunaux sont souvent saisis. Mais lorsque Me Frédéric Landon, bâtonnier des Yvelines, s’est installé ce 26 avril dans le box de la défense, on s’est dit que quelque chose d’inhabituel se préparait…

Thomas (*), officier de police judiciaire au commissari­at des Mureaux, a-t-il profité de son statut et de l’esprit de corps de ses collègues pour mener Benji (19 ans), dont le casier était vierge jusque-là, devant les juges du tribunal correction­nel ? A-til inventé les menaces de crime dont il dit avoir été la cible pour se venger de son épouse, avec qui il est en instance de divorce, et de sa belle-fille de 16 ans, qui l’ignore depuis trois ans et vit une belle histoire sentimenta­le avec Benji depuis onze mois ? C’est en tout cas la thèse qu’ont défendue à la barre la mère et sa fille après un début d’audience pour le moins houleux.

La présidente et la procureure ont en effet, dans un premier temps, refusé fermement la requête du bâtonnier des Yvelines, qui souhaitait voir ces témoignage­s de dernière minute recueillis sous serment et ajoutés à la procédure. Me Landon a crié au déni de justice. Et rappelé au ministère public qu’un témoin était d’abord « un témoin de la vérité ».

La juge Pascale Humbertmas­sa s’est finalement retirée quelques minutes avec ses assesseurs pour étudier la demande de la défense. « Nous allons les entendre à titre de simple renseignem­ent, pas avec le statut de témoin », a-t-elle lancé à son retour comme pour garder la main. « C’est une violation du code de procédure pénale, a tonné Me Landon. Je demande la suspension de l’audience. Voilà un bel exemple de ce que doivent supporter les avocats du barreau de Versailles depuis des mois. On nous considère comme des plantes vertes. »

C’est dans ce climat glacial que l’épouse du policier est venue la première à la barre. Elle n’a pas eu un regard pour l’homme avec qui elle partage encore le même toit. Elle a raconté que le seul tort de Benji, domicilié à Élancourt, était d’appartenir à la communauté des gens du voyage. « Ça lui déplaisait que notre petite fille de 6 ans soit de temps en temps en présence d’un gitan. Le seul souci de Benji et de ma fille aînée, c’est de s’aimer. Ils sont sans cesse contrôlés par la police. »

Concernant les faits reprochés au prévenu, en date du 8 avril à Tessancour­t-sur-aubette, elle a affirmé, comme sa fille un peu plus tard, n’avoir jamais entendu le jeune homme proférer une quelconque menace, même si le dialogue était houleux. Surtout, elle a raconté comment, selon elle, la police avait écarté tout élément à décharge depuis l’arrestatio­n de Benji, le 24 avril.

« Je me suis présentée au commissari­at des Mureaux, on m’a renvoyée à Mantesla-jolie. Mais on n’a pas voulu m’auditionne­r. J’ai dit que j’avais des SMS qui prouvaient l’animosité de mon mari. On m’a dit d’en faire des impression­s et de les ramener. Je devais aussi être reçue par un officier ce matin. En arrivant, cette personne ne travaillai­t soi-disant pas. On m’a aussi annoncé que l’instructio­n était terminée. J’ai eu la désagréabl­e impression qu’ils se serraient les coudes entre eux. »

Dans cette affaire, Benji était, en effet, également accusé d’avoir réitéré ses menaces lors d’un contrôle survenu dans la nuit du 21 au 22 avril, puis le 24 avril lors de son arrestatio­n. Le jeune homme nie en bloc ces assertions. Il affirme même qu’un policier lui aurait dit, en parlant de Thomas : « Fais attention à lui, c’est un connard ! »

Thomas, lui, a confirmé sa version. Il a déposé plainte après les faits du 8 avril pour se protéger, au cas où. Durement éprouvé, comme tous ses collègues du commissari­at des Mureaux, par l’assassinat en juin dernier à Magnanvill­e de Jean-baptiste Salvaing, « mon ami », et de sa compagne Jessica Schneider, Thomas a raconté qu’il vivait depuis escorté par la peur.

« C’est un combat perdu d’avance, je lui ai dit avant l’audience, a poursuivi Me Landon dans son plaidoyer. Face à un policier, forcément, sa parole n’a aucune valeur. Mais s’il y a eu menace, ce n’est pas le policier qui était visé mais l’homme. Je ne dis pas que Monsieur est un menteur. Mais dans ce dossier à la procédure inacceptab­le et inadmissib­le, il existe un doute raisonnabl­e. »

Bras de fer entre la présidente et le bâtonnier L’épouse du policier sème le doute Clémence ou embarras des juges ?

Suivant les réquisitio­ns de la procureure, pour le moins clémentes pour une affaire de ce type, le tribunal a finalement condamné Benji à 4 mois avec sursis. Une peine assortie d’une mise à l’épreuve d’une durée de deux ans. Le jeune homme s’est également vu interdire d’approcher « sa victime » et son domicile, présent et à venir. (*) Le prénom a été modifié.

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