Le Courrier des Yvelines (Poissy)
Le lur danois : aux sources de la musique
Cet instrument de musique figure parmi les créations les plus originales et les plus spectaculaires de l’âge du bronze nordique (entre 1500 et 500 avant J.-C.)
Sur une soixantaine d’exemplaires provenant exclusivement d’europe du Nord, 39 trompes – ou lurs en islandais - ont été découvertes au Danemark.
Formés d’un grand tube courbe et d’un disque en bronze formant pavillon orné d’un décor gravé ou de grosses bossettes en relief, ces instruments de musique figurent parmi les créations les plus originales et les plus spectaculaires de l’âge du bronze nordique (entre 1500 et 500 avant J.-C.).
Faisant appel à une parfaite maîtrise de la fonte à la cire perdue, leur fabrication consistait à couler et à souder successivement plusieurs cylindres de diamètre décroissant qui s’emboîtaient les uns dans les autres pour former la trompe elle-même. Des variations de conception et de taille semblent traduire une certaine évolution au fil du temps.
Au Danemark, les lurs étaient enfouis par paire, plutôt dans des contextes marécageux. Les gravures rupestres scandinaves ainsi que l’archéologie expérimentale permettent d’avoir une idée de la manière dont on pouvait jouer de ces instruments. Selon les spécialistes, ils se portaient à bout de bras, le pavillon en position haute. Certains d’entre eux avaient des possibilités tonales étendues (parfois 22 tons sur quatre octaves) qui nécessitaient vraisemblablement un long apprentissage et une grande puissance de souffle. Une douzaine d’entre eux ont pu servir lors d’expérimentations et produire des sons retentissants.
Des instruments de musique énigmatiques
Depuis les premières découvertes, ces pièces ont provoqué de nombreuses discussions. Il est impossible aujourd’hui de connaître les circonstances de leur utilisation. Certains pensent qu’ils pouvaient être accompagnés d’instruments rythmiques, bien identifiés au sud de la mer Baltique, afin d’aider les auditeurs à accéder à un état de transe.
La première et la plus retentissante découverte de lurs s’est produite dès 1797 dans le marais de Brudevaelte en Zélande du Nord. Lors d’une récolte de tourbe, le fermier Ole Pedersen trouva six tubes courbes en alliage cuivreux. Une semaine plus tard, au même endroit, furent découvertes les six embouchures qui leur correspondaient. Au moment de la découverte, il apparut que les objets avaient été soigneusement déposés dans le marais, après avoir été démontés et regroupés, les embouchures rassemblées en une sorte de botte liée d’une bande de tissu.
Le lur du Musée d’archéologie nationale a connu bien des péripéties. Découvert à Blidstrup en Zélande du Nord en compagnie d’un autre exemplaire, il fut donné au roi Frederik VII du Danemark qui l’exposa avec le reste de sa collection d’antiquités au palais Frederiksborg.
Ces objets furent très endommagés lors de l’incendie du palais en 1859. Les fragments de l’un d’entre eux purent cependant être récupérés pour en restaurer un exemplaire qui fut ensuite offert à Napoleon III, au moment où l’empereur menait à bien son projet de musée des antiquités celtiques et gallo-romaines. Dans un contexte d’échanges savants entre chefs d’etat européens de la seconde moitié du XIXE siècle, d’autres de ces pièces contribuèrent à enrichir les présentations muséographiques du British Museum et du musée de l’ermitage à Saint-pétersbourg.
Ces objets archéologiques ont connu un tel engouement qu’ils sont devenus emblématiques de la culture danoise. En témoignent par exemple le monument sculpté par S. Wagner en 1911-1914 sur la place de l’hôtel de ville de Copenhague ou les répliques utilisées lors de la célébration du bicentenaire de la fondation du Musée national du Danemark en 2007 Christine Lorre Conservateur en chef Responsable de la collection d’archéologie comparée MAN, Saint-germain-en-laye