Le Courrier des Yvelines (Poissy)
Les clichés sur la maternité décortiqués à Poissy
Dans C’est (un peu) compliqué d’être l’origine du monde, Claire Fretel expose et dénonce les clichés et contradictions auxquelles sont confrontées les mères. Au théâtre Blanche-de-castille de Poissy, le 5 mai.
Comment est née l’idée de créer une pièce sur la maternité ?
À l’origine, les deux comédiennes sur scène sont devenues mamans au même moment, lorsqu’elles jouaient toutes les deux dans un spectacle. Elles se sont posé beaucoup de questions de par leur métier, qui fait que la maternité peut parfois devenir compliquée et de par leur éducation féministe. Nous avions déjà travaillé ensemble sur un autre spectacle et elles savaient que j’étais moi aussi sensible à ces questions. Puis lors de la première d’un autre projet, nous avons rencontré le directeur d’un centre national d’art dramatique qui a déclaré qu’on ne pouvait pas être femme et artiste. Ça a créé une colère en nous. On s’est dit qu’il fallait qu’on réponde à cela en actes et prouver aux autres par ce spectacle que l’on pouvait être artiste et mère. Vous avez gardé les prénoms des deux comédiennes, Tiphaine et Chloé, pour les personnages. Estce parce qu’elles parlent dans le spectacle de leur propre expérience ?
On joue sur un effet de réel effectivement, et ce dont on parle vient de nos expériences à toutes les trois que nous avons partagées, en répétitions. Mais ce sont aussi des expériences d’amies. Il y a de l’intime, qui n’appartient pas toujours à Chloé et Tiphaine. Vous avez travaillé toutes les trois à la conception du spectacle ?
Nous avons travaillé toutes les trois à partir de témoignages et échanges qu’on a eus. On a ensuite travaillé des scènes en improvisation. L’autre partie du travail a consisté à théâtraliser des textes théoriques que l’on a ensuite utilisés pour se questionner, comme les textes de Simone de Beauvoir. Tiphaine Gentilleau, l’une des comédiennes et plume du spectacle, a écrit le texte final à partir des improvisations et des textes qu’elle avait écrits de son côté. Elle a donné une unité de langue à tout le texte, qui est d’ailleurs maintenant édité chez Actes Sud. Vous vous décrivez comme « les filles de Simone ». À qui cela fait-il référence ?
Nous faisons référence à Simone de Beauvoir, Simone Veil. La mère de Chloé s’appelle aussi Simone. C’est un clin d’oeil personnel et on s’est dit que c’était rigolo de s’appeler comme ça. Ça fait également référence à la filiation, à la transmission, qui n’est d’ailleurs pas toujours faite sur la maternité. Nos mères ne nous ont pas tout raconté, parce qu’il y a des tabous et nous avons appris sur le tas. Vous avez dit que votre spectacle n’avait pas pour but d’apporter des réponses mais de poser des questions. Pour vous, c’est un but de l’artiste de questionner les spectateurs ?
Complètement. On a fait très attention à ne jamais être didactiques mais plutôt présenter des moments de crise pour poser des questions plutôt que de résoudre des crises. Théâtralement, c’est aussi beaucoup plus intéressant. Quel type de spectateurs vient voir la pièce ?
Le spectacle fonctionne avec tout type de spectateurs même si c’est vrai qu’il y a beaucoup de femmes qui viennent voir le spectacle parce qu’elles en ont besoin et se le recommandent entre elles. Mais en même temps, ce n’est pas un spectacle destiné aux femmes et d’ailleurs le public masculin est ravi car il découvre des problématiques qu’il n’avait pas perçues. Quel est le pire cliché sur la maternité à l’heure actuelle, selon vous ?
On entend qu’en devenant mère on va être freiné dans sa vie professionnelle ou sociale. Les mères sont aussi très surveillées dans tout ce qu’elles mangent lorsqu’elles sont enceintes. Au restaurant, si on voit une future mère manger une huître on va juger de son comportement. C’est en général tous les clichés de la mauvaise mère. En cette période électorale, quelles mesures aimeriezvous voir adoptées par le futur gouvernement pour améliorer le quotidien des mères ?
Redonner une place aux pères en augmentant la durée du congé de paternité comme dans certains pays, afin de créer le partage et la prise en compte de cette question-là dans le monde professionnel, sans que ce soit une tare. Et bien sûr, faciliter les gardes d’enfants pour permettre de concilier vie professionnelle et vie de famille. Quels sont vos liens avec Poissy et les Yvelines ?
On a un gros lien avec les Yvelines car on a beaucoup travaillé avec le théâtre du Prisme à Élancourt et on a eu une aide du réseau Créat’yve, qui nous a soutenues. Nous avons aussi fait des représentations au théâtre Eurydice à Plaisir. Propos recueillis par Marine Delcros