Le Courrier des Yvelines (Poissy)
Affaire Houacine : quinze ans après, sa fille parle
Le 7 juillet, cela fera quinze ans que Youssef Houacine (39 ans) perdait la vie en voulant intercepter le ravisseur et l’agresseur de sa fille. Un crime à ce jour non élucidé. Alissa, 20 ans aujourd’hui, livre un témoignage glaçant et poignant sur cette terrible journée.
Quel souvenir avez-vous du 7 juillet 2002 ?
Alissa Houacine (20 ans) : Ma mère avait invité une amie et ses deux filles à la maison. On a demandé à aller jouer en bas. On est descendus et une voiture est arrivée. Que s’est-il passé ensuite ?
Le conducteur nous a proposé des bonbons. Mes amies ont refusé. Il m’a dit : Viens dans la voiture, il y a plus de bonbons. Je suis montée et on est partis… Vous rappelez-vous des quelques minutes que vous avez passées dans le Scénic gris ?
Il m’a allongée puis m’a dit qu’on allait jouer au docteur. J’ai baissé mon pantalon quand il me l’a demandé, lui a baissé ma culotte. Il avait une mallette de docteur pour les enfants. Il a pris une seringue je crois, et il m’a touché le sexe avec. De quoi vous souvenez-vous d’autre ?
Il y avait plein de jouets dans la voiture et des pare-soleil à l’effigie de Titi. Avez-vous gardé une image précise du visage de l’agresseur ?
Je me souviens qu’il avait un tee-shirt et un tatouage sur le haut de son bras mais son visage, non, je ne m’en souviens plus. Avec le temps, c’est devenu flou. Il vous a ensuite ramenée chez vous…
Il m’a déposée mais m’a demandé de le rejoindre de l’autre côté de la résidence, où il y avait une deuxième entrée. Il m’a dit : Fais le tour, je vais te donner une Barbie. C’est sur le chemin que j’ai croisé ma mère. Votre père est ensuite mort en voulant l’arrêter. Quels souvenirs avez-vous de lui et des jours qui ont suivi le drame ?
J’étais très jeune. On n’a jamais trop parlé de lui ensuite à la maison. Je ne me souviens de rien sur lui. Je sais juste qu’il était très proche de ses enfants. Comment grandit-on avec un père absent ?
Petite, je disais simplement que je n’avais pas de papa. J’ai mis du temps à prendre conscience de qui s’était passé. Je devais avoir 10 ans. J’étais naïve. Je suis devenue méfiante maintenant. Un policier, qui a mis fin à ses jours en avril 2015, a été un moment suspecté. Vous croyez à sa responsabilité ?
Je ne sais pas. Mais c’est quand même étrange qu’il se soit suicidé. Il y a aussi une phrase bizarre dans la lettre qu’il a laissée : Je remercie ma hiérarchie de m’avoir muté mais c’était trop tard. Qu’attendez-vous de la justice ?
Si elle n’a pas bougé depuis quinze ans, je ne vois pas comment elle pourrait bouger maintenant… Votre famille propose une récompense de 100 000 euros pour obtenir des témoignages qui pourraient faire avancer l’enquête. Vous y croyez encore ?
On veut garder espoir. Si quelqu’un sait ou a vu quelque chose, il doit parler. Il ne faut pas que les gens restent sans rien dire.