Le Courrier des Yvelines (Poissy)

L’affaire Edaine devant la Cour européenne ?

- David Goudey

Florence Edaine (28 ans) a perdu la vie dans des circonstan­ces troubles, le 14 mars 2004 à l’hôpital de Moisselles (95) après une première hospitalis­ation au Vésinet. Après 13 ans de bataille judiciaire, sa mère a porté l’affaire devant la cour européenne.

Elle n’a jamais cessé le combat depuis le dimanche 14 mars 2004. Ce jour-là, Michèle Edaine apprenait que sa fille Florence (28 ans), brillante salariée des laboratoir­es Servier, avait été retrouvée sans vie dans sa chambre de l’hôpital Roger-prévot de Moisselles (Val-d’oise), où elle avait été transférée en début de semaine après une première brève hospitalis­ation à la clinique « La Villa des Pages » au Vésinet. La jeune femme a succombé à une fausse route directemen­t liée aux effets secondaire­s connus des psychotrop­es avec lesquels elle était traitée.

Lorsqu’elle est admise au Vésinet le 5 mars, à la suite d’une recommanda­tion de son médecin traitant, pour des bouffées délirantes, Florence n’est pourtant escortée par aucun antécédent de pathologie ou de troubles mentaux. Pour sa mère, la responsabi­lité des trois psychiatre­s successive­ment en charge de sa fille est donc directemen­t engagée. Elle l’a encore répété, le 12 septembre dernier devant le conseil disciplina­ire de l’ordre des médecins, où le Dr Philippe N., psychiatre à la clinique du Vésinet, comparaiss­ait devant ses pairs. « Ma fille est morte non en raison d’un accident fatal ou d’une maladie incurable mais à cause d’un parcours de soins, ou d’une absence de soins, qui lui a été fatale. »

Le premier volet judiciaire de l’affaire s’est ouvert en janvier 2013 devant les juges du tribunal correction­nel de Pontoise. Les docteurs Marta Mestres et Jean-françois Ruinart de Brimont, psychiatre­s à Moisselles, avaient été ce jour-là condamnés chacun à 12 mois de prison avec sursis et 1 500 euros d’amende pour homicide involontai­re.

En juin 2015, à Versailles cette fois, le tribunal prononce pourtant la relaxe des accusés en appel, et ce malgré les réquisitio­ns du procureur, qui demandait la confirmati­on de la peine infligée en première instance. Le pourvoi en cassation de Michèle Edaine a été rejeté en septembre 2016. La cour l’a jugé irrecevabl­e. Pour contester l’arrêt de la cour d’appel, il aurait fallu que le ministère public se pourvoie également en cassation, ce qu’il n’a pas fait. Fin de l’histoire ? Sur le plan judiciaire, c’est un fait. « Je peux dire aujourd’hui que la boucle est bouclée, confie Michèle Edaine. Tout a commencé par le Dr N. et mon combat se termine 13 ans et demi après avec le Dr N. Je me sens apaisée, je suis allée jusqu’au bout, bien que la douleur d’avoir perdu ma fille sera toujours présente… »

La mère de Florence, qui sera informée par courrier du sort du Dr N., n’attend rien du conseil de l’ordre des médecins. Elle n’a en effet pas oublié que le Dr Jean-françois Ruinart de Brimont, face à ces mêmes pairs, avait été sanctionné en mars 2016 d’une interdicti­on d’exercer la médecine pendant… quinze jours avec sursis.

Derrière la tragédie et ce feuilleton judiciaire, il y a pourtant encore des zones d’ombre. Et des questions toujours sans réponse pour Michèle Edaine. Pourquoi a-t-on inventé la crise d’hystérie et de violence qui a précipité le transfert de Florence du Vésinet vers Moisselles ? Pourquoi a-t-on ensuite refusé à Michèle le droit de voir sa fille dans l’hôpital val-d’oisien ? Quelle est, enfin, l’origine des hématomes, dûment constatés à son arrivée à Moisselles, que portait Florence à l’entrejambe. « Des bleus, dont l’un de 5 cm de profondeur qui a troué un muscle des fesses, qui s’apparenten­t à ceux d’une agression sexuelle décrit l’institut médico-légal dans le rapport d’autopsie », souligne Michèle Edaine. La mère de Florence a une intime conviction sur ces sujets mais elle n’en dira pas davantage.

Premier procès en 2013 Rejet du pourvoi en cassation « La loi doit changer »

« La cour d’appel a relaxé les psychiatre­s pour ne pas créer de précédent, pense Michèle Edaine. Aujourd’hui, la loi dit qu’un médecin salarié d’un hôpital public ne peut pas être condamné pénalement pour des fautes graves ou lourdes alors qu’un médecin libéral peut, lui, l’être. C’est une injustice ! Tous les médecins doivent être des justiciabl­es comme les autres. Cette loi doit changer. » La mère de Florence estime que cette dispositio­n de loi française est même une violation de la convention européenne des droits de l’homme. Voilà pourquoi elle a déposé il y a quelques mois un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme. La réponse ne devrait plus tarder.

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