Le Courrier des Yvelines (Poissy)

Le Vésinet. Vanessa, la reine du poker

Tous les joueurs de poker ont un jour rêvé de Las Vegas. Peu y arrivent. Vanessa Hellebuyck fait partie de ces rares élus.

- Cédric Simon-lorière

En 2007, c’est d’abord le jeu vidéo qui passionne cette graphiste. « A l’époque je jouais à des MMO (jeu en ligne massivemen­t multijoueu­r) et sur consoles. Mes grands-mères m’avaient aussi appris la belote que j’aime beaucoup », se souvient-elle. Dans sa communauté de joueurs, Cyril, son frère, lui parle alors du poker. « Son jeu du moment. Il m’explique les règles et me raconte ses coups. Pendant un an, il me briefe sur la discipline », explique la joueuse.

L’année suivante, la jeune femme qui habite Le Vésinet, fait ses premières armes en « play money », un système d’argent virtuel, avant de sauter le pas en 2009 avec 50 dollars sur un site de poker américain. « Quelques mois après, je fais mon premier live au casino de St-amand-les-eaux dans le Nord. » L’occasion de se qualifier pour le tournoi Ladies après la finale qui doit se dérouler six mois plus tard à Cannes. « Je termine dans le carré final. A cette époque, le poker est un monde de mecs. Nous, les filles, on brillait. Les room online et les casinos essayaient de nous attirer », précise-t-elle.

C’est justement ce que cherche à faire le patron de la room Poker 770. A sa tête, Eric, décide de monter une des premières équipes féminines. « A Cannes je termine aussi dans les 10 premières. Et à l’issue je suis recruté par Poker

770 », poursuit Vanessa. Las Vegas apparaît en ligne de mire. Après cette épreuve du feu, elle s’attaque au tournoi européen. Londres, Prague, Berlin, Barcelone, tout s’enchaîne très vite. « Une fois par mois on part à l’étranger. C’est vraiment sympa, j’ai l’impression de partir à l’aventure avec mes copines. » Une aventure qui va la mener au World Series of Poker (WSOP) ladies de Las Vegas, au mois de juin 2010. « C’était la première fois que j’allais làbas. Je rêvais de voir le Grand Canyon. Mais à peine arrivée, je comprends qu’il faut jouer le lendemain », se remémoret-elle.

« Au championna­t du monde, il y a 8 000 places assises, les salles sont complèteme­nt dingues. Je suis impression­née. » Pour son tournoi ladies, au Rio Hotel and Casino, 1 054 joueuses sont prêtes à en découdre. « Je me dis qu’il va falloir toutes les battre, ça va être dur. On dort peu, c’est physique. On termine à 4 heures du matin pour reprendre à midi », expliquet-elle. Sa stratégie est d’« être sans pitié. J’étouffe les autres joueuses. Même avec une main moyenne j’agresse le coup et ça marche. » Une prise de risque pour faire grossir son tapis. « Le 2e jour je fais pareil. Certaines se disent que je suis tapée ! J’ai de plus en plus de jetons », poursuit la joueuse de cartes. Le troisième et dernier jour, son jeu ne lui permet plus de bluffer. « Mon tapis me permet d’attendre et il est encore conséquent lorsque j’arrive à la dernière table. » Elles sont une petite dizaine à convoiter le titre.

Lorsqu’elles ne sont plus que quatre, Vanessa prend un gros avantage. « Une des joueuses fait all in alors que j’ai une paire d’as en main. Elle avait une paire de deux. Je l’élimine. » Face à elle, il reste l’américaine Timmi Derosa et la Danoise Sidsel Boesen. « Deux très bonnes joueuses et je craignais la Danoise », confie la Française. « Avec le recul, je crois que ça s’est joué sur un coup. Je suis face à l’américaine. Il n’y a rien au flop : 5 de trèfle, 3 et 9 de carreau. Dans ma main, 7 et 6 de carreau. » Au milieu de la table, la mise est importante. La quatrième carte est un 6 de coeur. « Timmi fait tapis. Si je gagne, je double mon tapis pour faire face à la Danoise et en plus de sortir l’américaine. Si je perds, il ne me reste plus rien. »

Vanessa réfléchit longuement, elle n’a qu’une paire de 6. « Dans le Rio, il y a un silence de mort. Tout le clan français est en attente. J’ai une possibilit­é que ma main devienne énorme et je me dis c’est bizarre. » Elle suit avec 650 000 jetons. L’américaine ne bronche pas puis retourne sa main : dame et valet de coeur. Elle bluffait. « Je ne m’attendais pas à ce qu’elle fasse ça. » La dernière carte, un quatre, lui offre une quinte mais elle a déjà gagné avec sa paire. « Après j’ai joué très agressif face à la Danoise pour ne pas la laisser revenir », indique-t-elle. La nordique finit par envoyer son tapis que la Française remporte avec une paire de 5. « J’étais super-contente, c’était le championna­t qu’il fallait gagner. Mais sur le moment, je n’ai pas vraiment réalisé. Ensuite, on est happé par Las Vegas. Le clan français nous a mis dans un Hummer pour aller faire la fête », se souvient-elle.

Avec cette victoire, elle est la première et seule Française à décrocher le titre de championne du monde de poker ladies. Son gain de 192 000 dollars est accompagné du cinquième bracelet français. « J’ai gagné le jour de l’anniversai­re de mon frère et c’est cette date qui est inscrite au dos du bracelet », souligne la championne. Une dame du tapis vert qui se considère plus comme une passionnée qu’une profession­nelle. « Le poker est magique pour ça, c’était une opportunit­é. » Elle fera ensuite des commentair­es sur la chaîne RTL9 avant de s’éloigner petit à petit des tables de jeu. La mère de famille met aujourd’hui cette expérience au service des entreprise­s.

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Vanessa Hellebuyck, lors de sa victoire au WSOP de Las Vegas le 13 juin 2010.
 ??  ?? Vanessa Hellebuyck, la première et seul Française à avoir gagné le WSOP Ladies.
Vanessa Hellebuyck, la première et seul Française à avoir gagné le WSOP Ladies.

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