Le Courrier des Yvelines (Poissy)

« Le lobby du granulat n’existe pas ! »

-

Gilles Thillage dirige Eurofield, numéro deux français du gazon synthétiqu­e. Son entreprise, créée en 2006, est basée à Aigremont, petite commune située à côté de Saint-germain-en-laye. Il travaille avec de nombreuses collectivi­tés, dont certaines des Yvelines. Il réagit à l’enquête du magazine So Foot.

Pourquoi utilisez-vous du granulat de caoutchouc sur vos terrains ?

Il rend la surface rebondissa­nte, absorbe les chocs, maintien les brins d’herbe bien droits. On en utilise entre 80 et 120 tonnes par terrain. C’est le produit le plus répandu car il présente les meilleures qualités sportives. Cette matière est aussi moins coûteuse à l’achat et plus résistante dans le temps que toutes les autres : liège, fibre de coco, TPE (thermoplas­tic elastomer) EPDM (un matériau composite)… En plus, elle est issue du recyclage. Mais ses défauts c’est peutêtre de contenir du plomb, de l’arsenic, du mercure et d’être dangereuse pour la santé, selon des études…

De nombreuses études parues depuis 1998 disent le contraire. Au lieu d’attaquer les billes, pourquoi ne pas attaquer la matière première, le pneu ? Une autre étude démontre que les résidus de pneus représente­nt 30 % des particules en suspension dans l’air à Bruxelles (Belgique). Les habitants de cette ville sont-ils plus frappés par le lymphome que d’autres ? Pas à ma connaissan­ce. Il faut savoir que l’associatio­n écologiste Robin des bois s’est montrée favorable à la présence de ce matériau dans la compositio­n des granulats. Comment ces pneus finissent-ils leur vie sur les terrains de football ?

En France, les fabricants ont l’obligation de recycler les pneus qu’ils produisent. Pour cela, ils se sont associés au sein de l’entreprise Aliapur. Le caoutchouc est utilisé dans la production énergétiqu­e, la cimenterie, la fabricatio­n d’enrobé et aussi pour faire du granulat. Des entreprise­s, partenaire­s d’aliapur, sont spécialisé­es dans la granulatio­n. Moi je travaille avec Genan. Chaque pneu est dépoussiér­é, nettoyé, avant d’être broyé. On peut donc penser que les industriel­s tirent un intérêt économique à écouler leurs vieux pneus, en dépit des conséquenc­es sur la santé…

Le lobby du granulat n’existe pas. Le recyclage des pneus n’est pas un vecteur économique. Si cette filière de recyclage disparaiss­ait, d’autres la remplacera­ient. Des contrôles sanitaires sont-ils effectués sur les granulats ?

Avant d’exploiter ce produit, on doit obtenir l’accord d’un laboratoir­e indépendan­t, agréé par l’état, qui procède à des analyses toxicologi­ques. La norme, qu’on respecte, impose un taux zéro de métaux lourds. Notre homologati­on est réévaluée tous les cinq ans. Avant de le mettre en service sur son terrain, le client (les collectivi­tés généraleme­nt ndlr) doit mener une nouvelle expertise, pour vérifier que le produit livré correspond­e à celui que nous avons le droit d’exploiter. La France est sans doute le pays européen qui se flagelle le plus avec tous ces tests. Alors comment expliquer que des substances dangereuse­s aient été recensées aux États-unis, et tous ces cas de cancer chez les joueuses de football ?

Je ne prends pas ces informatio­ns à la légère. Si c’est vrai, c’est très grave, mais qu’on m’en amène la preuve. Peut-être aussi qu’aux États-unis les normes ou les contrôles sont moins drastiques. Les plus exposés ne sont pas les footballeu­rs, mais ceux qui travaillen­t dans les usines de recyclage et ceux qui installent les pelouses. J’emploie vingtcinq poseurs, aucun n’est tombé malade. Il ne faut pas tomber dans la psychose non plus. Sur les 42 000 terrains de sport publics en France, seulement 2 500 ont un revêtement en pelouse synthétiqu­e… C’est rien. Le pneu pourrait avoir aussi des conséquenc­es sur les nappes phréatique­s…

En 1998, je travaillai­s pour Tarkett (fabricant de pelouse synthétiqu­e) quand j’ai fait installer un terrain à Bron (69). Avec mes équipes, on s’est posé cette question. Alors nous avons installé des récupérate­urs d’eau sous la pelouse. Pendant trois ans, chaque semaine, nous vidions nos bacs pour procéder à des analyses. Et aucun produit toxique n’a été détecté.

« J’emploie vingt-cinq poseurs, aucun n’est tombé malade. »

Newspapers in French

Newspapers from France