Le Courrier des Yvelines (Poissy)

Le jeune détenu avait signé sa lettre anonyme « Abou Hamza des Yvelines »

- Da. G.

Signé « Abou Hamza des Yvelines ». Nous sommes le 29 décembre dernier. Un étrange courrier atterrit sur le bureau du directeur départemen­tal du service pénitentia­ire d’insertion et de probation (Spip). Si le contenu de cette lettre anonyme est décousu et peu respectueu­x des règles grammatica­les, son esprit, lui, est parfaiteme­nt clair. Et inquiétant ! « Daech est plus fort que vous ! […] On vous frappera de devant, de derrière, de la gauche, de la droite […] Allah nous promet le Paradis […] Il y aura toujours des attentats. Si on voulait, il y en aurait en prison. »

Apologie du terrorisme et menaces de mort

Le courrier est donc signé « Abou Hamza des Yvelines », en référence à l’ancien chef d’al-qaida en Irak, tué en 2010 après une opération conjointe des armées américaine­s et irakiennes. Le Spip mène sa petite enquête et soupçonne rapidement un jeune détenu de Bois-d’arcy. Jérémy, 25 ans, est écroué depuis la mi-octobre. Après avoir été condamné à trois mois de détention pour un vol, il a écopé d’une peine ferme de 1 an pour apologie du terrorisme lors de sa détention. Il avait signé la notificati­on de son jugement par ces mots. « Je vous déteste la France ! Qu’allah vous maudisse ! »

Le 20 décembre, à l’occasion d’une rencontre avec son agent d’insertion et de probation, Jérémy avait eu un comporteme­nt qualifié d’étrange par son interlocut­eur. Dernier indice : on a identifié dans des courriers précédemme­nt adressés par Jérémy au Spip la même grossière faute d’orthograph­e aperçue sur l’enveloppe du 29 décembre. Le « i » de Spip est surmonté d’un accent circonflex­e.

C’est avec ces éléments confondant­s que le directeur du Spip se rend à la police le 5 janvier. Les empreintes génétiques retrouvées sur l’enveloppe et des analyses graphologi­ques confirmero­nt les soupçons. Jérémy est bien l’auteur de la lettre de menaces faisant en surplus l’apologie du terrorisme.

Décrit comme « antisocial » et « déséquilib­ré sur le plan psychologi­que » par l’expert psychiatri­que, Jérémy traîne derrière lui un passé judiciaire de petit délinquant riche de 19 condamnati­ons. À la recherche d’un sens à donner à sa vie d’errance, il s’est converti à l’islam il y a trois ans. Face aux juges, on a bien cru qu’aucun mot ne sortirait de sa bouche. Fermé, les yeux baissés, de longs et assourdiss­ants silences ont suivi les premières questions posées par la présidente du tribunal.

Et puis Jérémy s’est enfin décidé à parler. « On a inventé cette première histoire de terrorisme pour que je ne sorte pas de prison. Là, il y a une bonne raison de me condamner. Je resterai en prison pour quelque chose que j’ai vraiment fait. » Plein de rancoeur, le prévenu a ensuite évoqué son mal-être. « On est tout le temps rejetés, nous, les jeunes. On dirait qu’on est des déchets. Je suis un petit délinquant. Et on me met à cinq cellules du terroriste du Thalys (*). C’est la justice qui fabrique des bombes à retardemen­t. »

Son avocate a plaidé « la provocatio­n », faisant remarquer que Jérémy avait depuis les faits adressé un courrier d’excuses au Spip. « Il a voulu exprimer sa frustratio­n, pas faire l’apologie du terrorisme. » Peutêtre ? Cette argumentat­ion n’a toutefois pesé d’aucun poids dans la décision du tribunal.

18 mois de prison ferme à la clé

Les juges ont d’ailleurs été au-delà de la peine requise par le ministère public, qui avait réclamé une condamnati­on mixte (12 mois ferme + 6 mois avec sursis et mise à l’épreuve). Jérémy a écopé d’une peine ferme de 18 mois. « Vu la gravité des faits, il vaut mieux vous écarter un temps de la société », a même commenté la présidente.

(*) Ayoub el Khazzani, le tireur du Thalys en août 2015, est depuis les faits en détention provisoire à la maison d’arrêt de Bois-d’arcy.

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Jérémy est incarcéré depuis le mois d’octobre à la maison d’arrêt de Bois-d’arcy dans une cellule proche de l’assaillant du Thalys au mois d’août 2015.

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