Le Courrier des Yvelines (Saint-Germain-en-Laye)

« Je n’ai pas fait ce livre à ma gloire »

- Recueillis par T.R.

Karl Olive, maire de Poissy, publie, ce jeudi 25 août, Ma Ville, Ma Bataille. Il y explique sa stratégie pour gagner la mairie en 2014 et instaurer, une fois élu, un dialogue de proximité avec les habitants. Il souhaite ainsi rétablir la confiance entre élus et citoyens.

Pourquoi avoir voulu publier ce livre en 2016 et non pas à la fin du mandat ?

Parce qu’on arrive à un point où on a bouclé 80 % de notre programme. Il y a des choses auxquelles on ne s’attendait pas : la TGO, le PSG, les Terrasses de Poncy, la Villa Savoye. On a tiré la sonnette d’alarme très tôt pour les baisses de dotations. J’ai envoyé un courrier dès l’été 2014. J’ai pris la décision de mettre en place un plan de départ volontaire et d’alerter les chefs d’entreprise et les médecins. Je me suis aperçu que ces outils de démocratie de proximité fonctionna­ient plutôt bien. Le révélateur ce sont les élections et cela a payé en mars et en décembre 2015. Quelqu’un m’a dit : grâce à ce que tu mets en place à Poissy, tes réunions de quartier, tes préparatio­ns de conseils municipaux, etc., ta ville est en train de devenir un laboratoir­e national. Cela a fait tilt. Et comme je dis souvent, il faut battre le fer quand il est chaud. Faire un livre, c’est aussi une très belle aventure. C’est la face immergée de l’iceberg.

Y aura-t-il une suite ?

J’ai l’idée d’un autre livre qui ne sera pas forcément axé sur la politique. Avec Arnaud Bochurberg, on va interroger des personnali­tés de tous horizons pour savoir ce qu’elles pensaient au moment où. Par exemple, Yannick Noah au moment de la balle de match de la finale de Roland Garros en 1983 ; Renaud Lavillenie au moment de battre le record du monde (de saut à la perche) ; Barack Obama au moment de faire son discours, etc. On arrive à répertorie­r quatre facteurs qui, lorsqu’ils sont réunis, font qu’on a beaucoup plus confiance. Le fait d’être toujours dans un esprit positif. Je me dis souvent qu’il faut six muscles pour sourire et quarante-deux pour faire la gueule. Ce livre va s’appeler : Rendre possible l’impossible.

L’écriture de Ma Ville, Ma Bataille est proche du langage parlé et loin de l’emphase littéraire. Est-ce volontaire ?

L’intention, c’est d’être celui que je suis au quotidien, d’être avec mes lecteurs comme je suis avec mes administré­s, avec les personnali­tés politiques et institutio­nnelles. Les gens me voient comme ça. Je n’ai pas eu à me forcer pour livrer ce témoignage.

Vous ne parlez pas de vos doutes ni de vos faiblesses, pourquoi ?

Je ne parle pas des faiblesses. J’ai toujours considéré que le travail entraînait le talent et le talent, la réussite. Tu ne peux pas imaginer, une seule seconde, avoir de la réussite ou de la chance si tu ne bosses pas. Je passe ma vie à travailler. C’est un travail d’équipe. Dans le livre, j’emploie souvent la première personne du pluriel. Mandela disait : « Plus je travaille, plus la chance me sourit ». C’est aussi une forme de doute. Quand j’attaque la campagne des municipale­s en 2008, je pars de très loin pour pouvoir me laisser les moyens de penser à tout, d’imaginer de façon chirurgica­le comment on va s’organiser. J’ai des faiblesses évidemment. Mais je veux que ce livre soit porteur d’un message positif, quelque chose de frais. Si quelques administré­s se disent « tiens, la politique c’est aussi ça » et que ça va leur donner envie d’aller voter, alors j’aurais gagné une des missions que je me suis assignée silencieus­ement.

Dans le préambule, Gérard Larcher dit que vous entretenez une relation amoureuse avec votre commune. Êtes-vous d’accord ?

C’est une belle histoire avec Poissy. Ma maman m’a enfanté à la Coudraie. On était huit à la maison, mon père a passé 40 ans chez PSA, mes frères, entre 15 et 20 ans à l’école Chrysler, ma soeur a été championne de France avec L’AS Poissy, j’y ai joué au foot quand j’étais petit, mes enfants jouent au foot ici. J’ai rencontré ma femme à l’hôpital de Poissy… J’ai du sang de la Ville de Poissy qui coule dans mes veines.

Le football est une religion chez les Olive, écrivezvou­s. D’où vient cet amour pour ce sport ?

Il vient de mes frères et de l’époque. Dans les années soixante-dix, à Poissy, il y avait 22 000 salariés chez Simca, un club de 1 500 licenciés dont les trois quarts étaient des enfants de salariés de Simca. Dans les quartiers on jouait au foot avec un énorme plaisir, il y avait une vraie mixité sociale. J’ai passé mes journées à jouer au foot. Quand tu es issu des quartiers, il y a le foot et le foot. J’ai appris avec le sport que les règles s’appliquent et ne s’interprète­nt pas.

Comment est né votre goût pour la politique ?

J’ai obtenu ma maîtrise de sciences po, à Paris VIII. Quand on parle de politique, dans le sens « vie de la cité », oui, j’ai toujours été intéressé par ça. J’aime les gens, ça ne s’apprend pas dans le dictionnai­re. Si on n’aime pas les gens, si on ne veut pas être critiqué, il ne faut pas faire de politique. Si j’attendais des applaudiss­ements, je ne ferais pas de réunion de préparatio­n des conseils municipaux dans les quartiers.

Quand Gérard Larcher écrit : « Il ose, il innove et parfois il choque, je suis d’accord ». J’ose car je n’ai pas été élu pour attendre que ça se passe. J’innove, car on n’a pas le choix, il faut être imaginatif. On fera en sorte de ne pas augmenter les impôts sans baisser la qualité du service public. Je choque aussi, avec des initiative­s atypiques, je pense à la lettre aux chefs d’entreprise ou aux médecins. Le plan de départ volontaire n’est pas coutumier dans la fonction publique même s’il existe un décret.

Quelles valeurs vous tiennent à coeur aujourd’hui ?

Je me définis de la droite sociale. Je suis plus de droite que de gauche car je suis contre l’assistanat et pour l’accompagne­ment. Je suis pour un mouvement libéral. Comme disait Mao : je préfère apprendre à quelqu’un à pêcher plutôt que de lui donner du poisson tous les jours. Droite sociale, car je crois être sensible, à l’écoute des gens, j’ai été éduqué comme ça. Dans le livre, j’ai voulu mettre les prénoms des gens que je rencontrai­s. Le monsieur qui vient me voir pour parler des règles de sa fille à Coccimarke­t, c’est un truc de fou. Ma femme était à côté, mais il ne discute pas avec elle. Incroyable. J’ai failli appeler le livre comme ça : « Ma fille a ses règles, qu’est-ce que vous pouvez faire pour moi ? »

Quelles sont les grandes idées qui vous animent ?

Être au plus proche de la réalité de terrain. La légitimité d’un élu, c’est sa crédibilit­é auprès de ses administré­s à gérer les deniers publics, à décider et, parfois, à imposer. La relation avec les agents est la même qu’avec les administré­s. Les agents peuvent tout me dire et je peux leur dire les choses directemen­t. Je suis un maire minute, ils savent me trouver. Je leur demande d’oser, d’être force de propositio­n, de trouver des solutions plutôt que de chercher des excuses. Ce n’est pas compliqué quand on est respectueu­x, et qu’on fait en sorte de les valoriser quand on peut.

Je ne suis pas un modèle. Je fais mon travail avec ma personnali­té. Je crois au travail d’équipe. Je peux avoir une idée, un ressenti mais si dans le partage de l’idée, je m’aperçois que l’idée du collègue peut faire avancer la ville, je raye la mienne. S’il y avait moins d’orgueil de la part de nos élus, la société se porterait mieux. Il y a de bonnes idées à gauche comme à droite. Quand on voit ce qui se passe au niveau sécuritair­e, il est temps de se réunir autour de la table et de poser la question aux uns et aux autres : que proposez-vous pour notre pays? Car, tous, on a la passion et l’amour de notre pays.

La campagne pour prendre la mairie en 2014 a été un travail de longue haleine. Comment réussir à convaincre autant de gens à s’investir à vos côtés ?

Tous les mois, mois et demi, j’organise une réunion avec l’ensemble des militants, on est une centaine. Je prends souvent cette phrase de Diderot : « L’homme vrai est celui qui met des actes au bout de ses mots ». Quand on dit « on y va », on y va. Tout est travaillé. C’est une organisati­on qui prend beaucoup de temps, qui dépasse le périmètre des 35 heures et des six jours par semaine. C’est beaucoup d’argent investi. J’ai aussi intégré que, malgré tout, il pouvait y avoir un échec. Lors de l’élection partielle de 2009, il y a eu échec mais je l’ai traduit en victoire parce que j’étais majoritair­e sur Poissy. Je suis très humble dans ce que je fais, mais je me donne tous les atouts pour aller au bout des choses.

Ce qui a permis cette union, est-ce aussi un sentiment partagé de ras-le-bol de l’équipe en place ?

On nous a bien facilité les choses, il faut le dire. À mon grand regret pour la ville car j’aurais préféré récupérer une ville avec des finances meilleures et non pas avec des dépenses qui augmentaie­nt deux fois plus vite que les recettes, où il ne s’était rien passé pendant six ans. Le maire a été isolé très tôt par rapport à la désunion de l’équipe qui l’entourait. Cela a été un beau laboratoir­e de ce qu’il ne faut pas faire pendant six ans.

Vous confiez être catholique pratiquant. Qu’est-ce que cela vous apporte au quotidien ?

Ma mère - qui n’est plus avec nous malheureus­ement - a fait l’école des soeurs, elle était orpheline très tôt. Elle venait de Bretagne, une région très pratiquant­e. On a toujours été élevés dans ces valeurs-là. Une fois toutes les deux semaines, avec le plus jeune de mes fils on va prier à l’église Sainte-anne à Poissy. Je vis ma foi comme tout catholique, juif, musulman ou protestant. Je suis croyant mais pas à géométrie variable.

Vous avez rencontré votre femme à 25 ans. 22 ans plus tard, comment réussissez-vous à maintenir l’équilibre entre vie publique et vie privée ?

Si elle n’avait pas été là en 2008 pour m’encourager dans l’aventure, je n’aurais pas pu le faire. Quand je suis parti à Canal Plus, c’était pareil. Avec mon épouse, on a une vie à la fois différente et complément­aire, basée sur la relation humaine. Je l’ai connue infirmière en réanimatio­n, elle a été directrice de clinique, de crèche et aujourd’hui, elle est directrice d’une maison de retraite. Son quotidien n’est pas facile, le mien non plus en raison de l’exigence naturelle des patients/ résidants et des administré­s. Le fait de vivre ça de part et d’autre évite des engueulade­s à la maison. On a trois enfants extraordin­aires. Une fois par semaine, le vendredi soir, on mange tous ensemble au resto. Le triptyque famille travail et sport, c’est un trépied qui permet d’éclairer ta vie.

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Le livre de Karl Olive, Ma Ville, ma Bataille, paraît ce jeudi.

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