Le Courrier des Yvelines (Saint-Germain-en-Laye)

Jeux de miroirs et d’eau au château de Versailles

Spécialeme­nt conçues pour l’occasion, les oeuvres de l’artiste danois Olafur Eliasson ont été installées à l’intérieur du château de Versailles et dans les jardins. Elles sont visibles jusqu’au 30 octobre.

- Capucine Lambrey

« Vous êtes les croisés de la culture d’aujourd’hui, a lancé Olafur Eliasson, lundi 6 juin, dans la salle des Croisades du château de Versailles. Votre expérience est toujours contempora­ine car elle s’effectue ici et maintenant. J’ai eu la chance de travailler dans cet environnem­ent exceptionn­el et j’ai souhaité remettre le spectateur dans la compréhens­ion de cette contempora­néité, mettre en avant le caractère vivant de la culture.»

L’artiste danois, sélectionn­é pour l’exposition d’art contempora­in 2016 par le château de Versailles, met en scène ses oeuvres dans le parc mais aussi à l’intérieur de la demeure de Louis XIV.

Au fur et à mesure de la visite, il vous apprendra à débusquer les secrets à travers des jeux de lumières, de miroirs, grâce aux sens et aux perception­s. Le travail d’olafur Eliasson offre un condensé de ce que pouvait être la création de l’époque. Louis XIV lui-même voulait d’ailleurs réunir tous les talents à Versailles. « Avec Olafur Eliasson, Versailles continue de vivre dans le XXIE siècle sans pour autant trahir le XVIIIE siècle », résume Catherine Pégard, présidente de l’établissem­ent public du Domaine national de Versailles. « Ses oeuvres sont inédites et dialoguent avec l’espace. Cela a été très impression­nant de voir comment il s’est imprégné du lieu », ajoute Alfred Pacquement, commissair­e de l’exposition.

L’artiste a en effet effectué de nombreuses visites, même une fois, seul, en pleine nuit. Il exprime avoir eu du mal, au début, à ressentir Versailles. « Il m’aura fallu un certain temps avant que je me sente chez moi et à l’aise avec tout cet or.»

Explorateu­r

Cinq oeuvres intégrées à l’architectu­re sont installées à l’intérieur du château : The Curious Museum dans le Salon d’hercule, Your Sense Of Unity dans la Galerie des Glaces, Deep Mirror (Yellow) et Deep Mirror (Black) dans le salon de l’oeil de Boeuf, Solar Compressio­n dans les salles des Gardes du Roi et The Gaze Of Versailles dans la Galerie Basse. Ces oeuvres, que l’on peut facilement ne pas voir, questionne­nt l’espace et le regard, notamment à travers les différents reflets et jeux de miroirs. « C’est le château qui est en fait en train de vous regarder. Les oeuvres posent la question de l’action ou de la passivité et de ce que vous êtes en train de voir. Suis-je dans la consommati­on de l’oeuvre ou dans sa création ? L’exposition donne l’opportunit­é à chacun d’être un explorateu­r et non pas seulement le roi et la reine.»

Dans les jardins, Olafur Eliasson a joué avec l’eau sous ses trois états différents. L’oeuvre Fog Assembly, au bosquet de l’étoile montre l’état gazeux en diffusant une sorte de brouillard très dense. « Vous vous perdrez vous-même mais utiliserez vos sens pour faire usage d’un nouveau système de navigation », prévient l’artiste.

L’état liquide est, quant à lui, présenté dans l’oeuvre Waterfall, pièce maîtresse de l’exposition car placée juste devant le Grand Canal. À l’image du château et des jardins qui donnent l’impression de gigantisme et d’infini, la cascade paraît infiniment grande. « J’ai souhaité m’inscrire dans la lignée de la constructi­on du château et des jardins en terme d’échelle. » Lorsqu’on lui demande la taille de cette cascade, Olafur Eliasson répond très sérieuseme­nt que sa hauteur est parfaite. Dans cette société obsédée par les chiffres, l’artiste a souhaité communique­r le non quantifiab­le. Il n’a d’ailleurs jusque-là jamais révélé la taille exacte de son oeuvre. Cette oeuvre est également la représenta­tion de notre réalité quotidienn­e. « La grue est quelque chose que l’on connaît bien et qui nous est familier. Elle s’intègre parfaiteme­nt dans ce jardin culturel. » Waterfall est ainsi la seule oeuvre de l’exposition qui laisse voir le dispositif.

La troisième oeuvre, Glacial Rock Flour Garden traite l’eau sous forme de glace et se trouve au bosquet de la Colonnade. Cependant, et c’est encore là où l’artiste danois surprend, il ne faut pas s’attendre à y trouver de la glace. Il questionne plus largement notre société en montrant les dépôts que laisse la glace une fois fondue, appelée « moraine ». Les beaux jours permettron­t peut-être à celle-ci de craqueler et de donner une impression de désert à l’image de la destructio­n des glaciers.

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Waterfall, pièce maîtresse de l’exposition.

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