Le Courrier des Yvelines (Saint-Germain-en-Laye)
Les propulseurs aux poissons
Les propulseurs sont des armes de jet qui servent à lancer des projectiles, tels que des sagaies ou des harpons. Ils ont pour finalité d’augmenter la vitesse de ces derniers et donc leur efficacité. Ils permettent soit un tir puissant et précis à courte distance (moins de trente mètres), soit un tir à longue distance (plus de cent mètres).
Les propulseurs sont le plus souvent constitués d’une baguette ou d’une planchette rigide munie d’un dispositif, crochet ou gouttière, sur lequel vient s’insérer le projectile.
Durant la Préhistoire, les propulseurs sont connus en Europe occidentale, du Solutréen supérieur au début du Magdalénien supérieur, entre – 20 000 et – 14 000 ans environ. Les éléments conservés et retrouvés lors des fouilles ne sont que les extrémités des propulseurs, en bois de renne ou en ivoire de mammouth.
Certains exemplaires présentent un aménagement, biseau ou perforation, qui témoigne d’un emmanchement sur une hampe en bois végétal.
Les propulseurs sont parfaitement adaptés à la chasse en milieu ouvert : désert, toundra, steppe, prairie ou littoral. Ils ont été utilisés jusqu’à très récemment en Océanie (Australie et Nouvelle-guinée), en Amérique tropicale (Mexique et Amazonie) et dans les régions arctiques. La comparaison entre les propulseurs ethnologiques et archéologiques a apporté des informations très intéressantes sur leurs modes de fabrication et d’utilisation, ainsi que sur leurs possibles connotations sociales et culturelles.
Des objets superbement décorés
Nombre d’entre eux sont superbement décorés, sculptés en bas-relief ou en ronde-bosse aplatie.
Comme dans l’art paléolithique en général, les propulseurs ornés représentent le plus souvent des animaux isolés, surtout de grands herbivores : chevaux, bisons ou mammouths. Certains figurent des groupes ou des espèces plus rares dans le bestiaire artistique : poisson, oiseaux, carnivores…
De rares figurations de poissons
Les poissons ne sont pas très nombreux dans l’art paléolithique et l’on peut dire des propulseurs décorés de poissons qu’ils sont exceptionnels. Les deux exemplaires provenant des grottes d’isturitz (Pyrénéesatlantiques) et des Espélugues (Hautes-pyrénées) sont sculptés avec de nombreux détails gravés. Ils représentent des salmonidés, c’est-à-dire des saumons ou des truites, parfaitement reconnaissables à leur silhouette et à leurs caractères anatomiques.
Les nageoires sont toutes figurées ou suggérées. L’artiste magdalénien n’a pas non plus oublié les lignes sensorielles latérales, profondément incisées sur les flancs des salmonidés. Des ponctuations représentent peutêtre des écailles ou des taches de couleurs. Enfin, les têtes sont délimitées par les ouïes et représentées avec les détails des yeux et de la bouche.
Dans leur ouvrage intitulé Les poissons, les batraciens et les reptiles dans l’art quaternaire publié en 1927, Henri Breuil et René de Saint-périer considèrent le salmonidé de la grotte des Espélugues comme « la plus belle figure sculptée de poisson que l’on connaisse jusqu’ici dans l’art quaternaire ». Quelques années plus tard, c’est René de Saint-périer lui-même qui découvre le salmonidé de la grotte d’isturitz, plus admirable encore !