Le Courrier des Yvelines (Saint-Germain-en-Laye)
La difficile reconstruction des proches de victimes
Quasiment un an après le drame, la blessure est loin d’être refermée. Laurent Camax, 40 ans, a perdu sa femme, Claire, le soir du 13 novembre 2015. Ce couple d’ovillois, parents de deux enfants âgés de 4 et 8 ans, se trouvait au Bataclan, avec six amis, pour assister au concert des Eagles of death metal. Son épouse est la seule de ce groupe de huit à être tombée sous les balles des terroristes. Laurent a eu la vie sauve en se réfugiant sous les combles de la salle de spectacle.
Hospitalisé deux mois fin décembre
Leur existence, et celles de leurs enfants, a basculé du jour au lendemain. « Heureusement, on a bénéficié de la solidarité des voisins, des parents d’élèves, de la municipalité et des Ovillois en général. La situation est plus facile à vivre quand on est entouré. » Avant même les funérailles de Claire, décédée à l’âge de 34 ans, Laurent s’est retrouvé pris dans « une avalanche » de démarches à effectuer : avocats, notaire, mise en place d’un suivi psychologique pour toute la famille… « J’ai essayé de tenir, mais fin décembre, j’étais épuisé. J’ai dû être hospitalisé pendant deux mois », confie ce cadre dans le privé, aujourd’hui encore en arrêt maladie.
Le contact avec les différentes administrations, que ce soit pour sa prise en charge, celle des enfants, l’obtention du statut de pupille de la nation pour eux, ou encore les formalités liées au décès de Claire, n’est pas des plus simple, selon Laurent, qui a gardé son alliance au doigt. « Tout le monde est plein de bonne volonté, explique-t-il. Mais j’ai l’impression que les institutions étaient aussi paumées que les victimes. Les consignes que l’on nous donnait étaient vagues, tout le monde se renvoyait la balle. Il a été très difficile de trouver le bon interlocuteur. »
En plus de ces complications administratives, cet Ovillois a découvert la gestion du quotidien à la maison, chose dont Claire, graphiste de profession, s’occupait quasiment à 100 %. « Je bossais beaucoup, je partais tôt, rentrait tard, et le weekend, rincé de la semaine, je me reposais beaucoup. J’avais l’impression de passer à côté de ma famille, indique celui qui est devenu, par la force des choses, papa à plein-temps. Quand je me suis retrouvé seul avec les enfants, j’étais largué. Je ne savais pas bien m’en occuper. Devant leur placard de vêtements, j’étais comme une poule qui a trouvé un couteau. »
Suite à la disparition subite de Claire, tout le monde a été déboussolé chez lui. Laurent témoigne, par exemple, que sa fille entrait dans des colères énormes, sans raison, plusieurs fois par jour. Le moment du coucher est toujours une épreuve pour la fillette. « Elle ne supporte plus la séparation », précise-t-il.
Aucune haine envers les terroristes
Étonnamment, Laurent n’a jamais ressenti de haine envers les assaillants du Bataclan. « Je ne leur pardonnerai pas, c’est impossible. Mais pourquoi les haïr, ils sont morts, poursuit-il, d’une voix posée. Je ne connais pas la responsabilité des protagonistes encore en vie, mais qu’ils restent en prison et ne ressortent jamais. » Après la vague d’attentats du 13 novembre, il s’est coupé des médias pendant plusieurs mois, ne voulant rien savoir de l’identité des terroristes et de la chronologie des faits.
Dans les jours précédant le drame, il prenait la menace d’attentat à la légère. Ironie du sort, il avait fait cette remarque à sa femme, dont il est encore très épris : « On a plus de chance de gagner au loto sans jouer que de tomber sous les balles d’un terroriste. » Désormais, ce quadragénaire vit sur le quivive. Hors de question pour lui de prendre les transports en commun aux heures de pointe. « Et avec les enfants, on se déplace en voiture uniquement ! »
Laurent n’a pas eu de flashs lui rappelant ces événements, il n’a pas fait non plus de cauchemars, mais il reste encore très marqué psychologiquement : « Juste après le décès de Claire, la moindre frustration me rendait très agressif. Ça va mieux aujourd’hui, même s’il y a encore des relents. » Il a perdu beaucoup de poids dans les mois qui ont suivi le 13 novembre, a encore besoin de médicaments pour dormir, et même si les rendez-vous chez le psychologue sont de plus en plus espacés, ce père de famille sait que toute cette affaire est loin, très loin, de faire partie du passé.