Le Courrier des Yvelines (Saint-Germain-en-Laye)

Découvrez le talent artistique de Jean Moulin

- T.R.

Du 12 au 30 novembre, au château de Villiers, à Poissy, une exposition dévoile une facette méconnue du résistant Jean Moulin : ses dons pour le dessin et la peinture. 116 oeuvres provenant du musée des beaux-arts de Béziers sont à découvrir.

Peu importe que Jean Moulin (1899 - 1943) n’ait pas de liens directs avec la commune de saint Louis. La municipali­té a surtout saisi une opportunit­é rare de faire découvrir une facette méconnue du grand public concernant le célèbre résistant originaire de Béziers. « La maison de la famille de Jean Moulin a été rachetée par la Ville de Béziers pour y faire un nouveau musée, explique Vincent-richard Bloch, adjoint à la culture de Poissy. Les travaux sont en cours et la collection n’est pas exposée actuelleme­nt. J’ai pris contact avec la maire adjointe aux affaires culturelle­s de Béziers et on s’est mis d’accord pour exposer cent seize oeuvres. »

Romanin, son pseudo

L’élu a sélectionn­é des caricature­s, des dessins plus sérieux, des illustrati­ons de poèmes de Tristan Corbière ou de la parabole du fils prodigue (Luc 11-22), des aquarelles, des eaux-fortes, etc. « Ces oeuvres font partie des 550 oeuvres de la collection de Laure, la soeur de Jean Moulin et son héritière. Avant son décès, elle en avait fait don au musée des beaux-arts de Béziers. Nous avons choisi les oeuvres les plus emblématiq­ues. »

Vincent-richard Bloch a passé une année à lire toutes sortes d’ouvrages sur Jean Moulin avant de compiler tout un ensemble de données pour l’exposition. « La plupart des gens ignoraient qu’il était aussi un artiste. Sa notoriété est davantage liée à son rôle de résistant pendant la Seconde Guerre mondiale. En tant que résistant, il avait d’ailleurs une fausse carte d’identité où il avait fait indiquer qu’il était artiste peintre de profession. »

Diplômé en droit, Jean Moulin avait en réalité embrassé une carrière préfectora­le, devenant tour à tour le plus jeune souspréfet de France et le plus jeune préfet de France. Ses fonctions lui ont permis de fréquenter différents milieux de la société française de l’entre deux guerres… et d’alimenter ses oeuvres qu’il signait sous le pseudonyme Romanin.

« Romanin, c’est le nom d’un château en ruine, en Provence, auprès duquel sa famille passait ses vacances », explique Vincent-richard Bloch.

« Jean Moulin dessinait depuis tout jeune. On présente d’ailleurs des oeuvres de jeunesse. Vers 14 ou 15 ans, alors qu’il était au lycée Henri-iv, à Béziers, il publiait déjà des dessins. Il caricatura­it notamment ses professeur­s. »

S’il était trop jeune pour avoir participé aux batailles les plus terribles de la Grande Guerre, il a toutefois été mobilisé à 18 ans. « Il avait été affecté à Verdun. Il est arrivé après l’orage mais ce qu’il a vu, le territoire en ruine, les hôpitaux de guerre, l’a profondéme­nt marqué et cela se ressent dans ses dessins. »

Inclassabl­e

Esthétique­ment, son style est « inclassabl­e », selon l’élu. « Il n’a jamais suivi de cours, c’est un autodidact­e de l’art. Dans ses dessins, on peut noter une certaine économie de matière et une spontanéit­é. Comme le montre l’expo, il dessinait sur n’importe quel support y compris de simples bouts de papier. »

Beaucoup de dessins humoristiq­ues sont présentés. « Son trait était incisif. Il dessinait notamment la vie à Montparnas­se ou bien les gens importants qui se retrouvaie­nt aux sports d’hiver. » Ses dessins, signés Romanin, étaient régulièrem­ent publiés dans La baïonnette ou Le Rire, deux journaux très diffusés au début du XXE siècle.

Enfin, l’expo ne le montre pas, mais Jean Moulin était aussi un grand collection­neur d’art. « Lorsqu’il est devenu résistant, il avait ouvert une galerie de peinture à Nice en guise de couverture. Il avait mis sa collection en vente. Il avait un goût très affiné. » Parmi ces oeuvres de choix on trouvait des toiles de Sonia Delaunay, Survage, Soutine, etc. « des peintres méconnus à l’époque qui étaient issus du Dadaïsme et du Surréalism­e », conclut Vincent-richard Bloch.

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