Le Courrier des Yvelines (Saint-Germain-en-Laye)

Quand la littératur­e parle de la grandeur des Yvelines

- Emmanuel Fèvre

Le week-end dernier, le salon Histoire de lire à Versailles réunissait près de 180 auteurs pour plus de 15 000 visiteurs. L’occasion de découvrir des écrivains près de chez nous mais aussi des anecdotes comme avec Erik Orsenna.

Une petite heure pour écouter Erik Orsenna, c’est trop court, tant l’académicie­n est un livre ouvert qui passe de Versailles à la politique, en faisant escale par la géopolitiq­ue mondiale ou le développem­ent durable. Mais 50 minutes avec le prix Goncourt 1988 c’est déjà un cadeau, que s’est offert la centaine d’auditeurs, présents dans la salle polyvalent­e de l’université Inter-ages de Versailles, lors de la conférence qui ouvrait le 9e salon Histoire de lire, samedi 26 novembre.

En hélico avec Mitterrand chez Tournier

Le plus Versaillai­s des académicie­ns entretient une relation particuliè­re avec Versailles, bien qu’ayant passé une partie de sa vie aux Loges-en-josas. Erik Orsenna, de son vrai nom Eric Arnoult, est le fils de Claude Arnoult, qui a longtemps présidé aux destinées du cercle nautique de Versailles (CNV). Il a fait ses études chez les eudistes, à Saintjean-de-béthune et au lycée La Bruyère. « J’ai fait mon hypokhâgne au lycée La Bruyère, époque formidable. Nous n’étions que deux garçons dans la classe et l’autre préférait les hommes », s’amuse l’académicie­n.

Erik Orsenna a publié L’origine de nos amours, au printemps, chez Stock, où il évoque cette malédictio­n familiale, où les histoires d’amour se finissent presque immanquabl­ement en divorce. « J’ai divorcé comme mon père, à une semaine d’intervalle. Un évènement qui nous a rapprochés. À ce moment, nous nous sommes reparlés. Ce fut ensuite un sujet vieux de 30 ans qui a nourri nos déjeuners mensuels, au restaurant La Flotille, au château de Versailles, près du Grand Canal », évoque l’auteur.

Un roman qui pour partie se passe dans la ville royale et alentour, Les-loges-en-josas, Le Chesnay. Un roman pour dire plus facilement cette histoire familiale, entre un père gaulliste de gauche et une mère monarchist­e, un roman pour « mentir vrai », selon les mots d’aragon, que se plaît à citer Orsenna. « Que serions nous sans le secours de ce qui n’existe pas, à l’image de Tolstoï dont les inventions expliquent tellement la Russie », ajoute l’écrivain, pour qui un roman dit davantage qu’un reportage, futil le meilleur du genre.

Orsenna, nom d’une ville de la géographie gracquienn­e, tiré du roman Le rivages des Syrtes a, pour le bonheur de l’auditoire, conduit l’écrivain à évoquer le citoyen de Saint-florent-le-vieil. « On se voyait souvent, chez lui, dans sa maison au bord de la Loire. Je voulais parler littératur­e, il me parlait politique », s’amuse l’académicie­n.

Erik Orsenna, conseiller culturel du président François Mitterrand, n’allait pas toujours dans le Maine-et-loire pour rencontrer la fine fleur de la littératur­e, le départemen­t des Yvelines était aussi propice aux virées littéraire­s. « Mitterrand aimait parler littératur­e, avec Michel Tournier notamment. Comme il adorait l’hélicoptèr­e, c’est avec ce moyen de transport qu’il se rendait à Choisel, dans la vallée de Chevreuse, pour des visites mémorables. Je me souviens de l’une d’elles, où pendant deux heures, les deux hommes ont entrepris une joute oratoire pour savoir qui des deux était le plus fort en Zola. Avec une amie de Michel Tournier, nous comptions les points. Tournier a été le plus fort. Entendre un président de la République parler de Zola… C’était une autre époque », dit Erik Orsenna.

De ce souvenir aussi de Raymond Barre en président de jury, « lorsque j’ai soutenu ma thèse en économie. Il avait lu le texte. » Une autre époque aussi.

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