Le Courrier des Yvelines (Saint-Germain-en-Laye)

Le combat de Maria Pia Briffaut pour retrouver ses origines

Née sous X en 1955, Maria Pia Briffaut est partie à la recherche de ses origines après le décès de sa mère adoptive. Dans son livre, De coeur et de sang, la Conflanais­e raconte son long combat avant la délivrance en 2010.

- Fabien Dézé

« Pendant longtemps, cela a été un sujet tabou. » Née sous X en 1955 à Lille, Maria Pia Briffaut a grandi sans savoir qui étaient ses parents biologique­s. Ce manque, elle l’a ressenti sans jamais rien dire pendant de très longues années. Jusqu’à ses 40 ans et le décès de sa mère adoptive qui a constitué un véritable déclic. « Je suis allée au Conseil Départemen­tal à Lille et j’ai trouvé un dossier d’adoption, explique-t-elle. Il y avait pas mal d’informatio­ns mais aucun moyen de retrouver ma mère. J’ai cependant appris qu’elle était italienne et qu’elle avait eu deux enfants avant moi. »

En 2000, elle rejoint l’associatio­n pour le droit aux origines des enfants nés sous X (Adonx) dont elle deviendra la présidente en 2008. « J’arrivais à retrouver la famille de certains membres mais pas la mienne, confie-t-elle. Pendant une dizaine d’années, j’ai alterné les phases d’espoir et de découragem­ent. » Et puis un soir de décembre 2010, le téléphone sonne. Au bout du fil, une voix inconnue. Maria Pia Briffaut vient de retrouver sa soeur. « J’ai parlé avec elle au téléphone pendant 15 minutes, je voulais être sûre qu’il n’y avait pas d’erreur. J’ai appris que j’avais deux soeurs et deux frères mais aussi des neveux et des nièces. Puis je l’ai rappelé le lendemain et pendant deux mois, j’ai discuté tous les soirs avec mes frères et soeurs. » En février 2011, elle décide de les rencontrer et prend le train pour Cluses (Haute-savoie). Sur le quai de la gare, ses deux frères et ses deux soeurs sont là. « C’a été très étrange de monter en voiture avec eux mais en même temps c’était une grande joie. Ils me cherchaien­t depuis un bout de temps mais pas au bon endroit. Ils voulaient faire la surprise des retrouvail­les à ma mère. Malheureus­ement, elle est décédée six mois avant. »

Ce jour de février 2011, Maria Pia Briffaut ne l’oubliera jamais. « J’avais l’impression d’avoir trouvé ma place dans la société, j’avais une vraie famille. Je continue à les voir régulièrem­ent, on passe les fêtes ensemble. »

Forte de son expérience personnell­e, elle continue aujourd’hui à se battre pour les autres. « C’est très important pour moi d’aider les autres même si j’essaie de prendre du recul. Je réalise des médiations, c’est-à-dire que je contacte la personne retrouvée et je vois avec elle si elle est d’accord pour rencontrer sa famille. En général, ça se passe plutôt bien. Certains ne se lâchent plus, d’autres se voient seulement deux fois par an. » Avec du recul mais aussi beaucoup d’abnégation, elle aide ceux qui comme elle sont nés sous X et ont besoin de retrouver leurs origines pour avancer dans la vie. « Il y a pire que naître sous X, il y a mourir sous X. Le message que je veux faire passer, c’est qu’il est possible de contourner les obstacles, combler les zones d’ombre et reconstrui­re son histoire. »

En moyenne, environ 600 enfants naissent sous X en France chaque année. « Dans les années 50, il y en avait près de 10 000, témoigne Maria Pia Briffaut. À l’époque, on pensait que la mère et l’enfant finiraient par tourner la page. Évidemment, ce n’était pas le cas. Quand je suis née, ma mère était en maison de repos. Le jour de l’accoucheme­nt, elle a vu débarquer une assistante sociale qui m’a emmené. Ce n’était pas sa volonté de m’abandonner. L’accoucheme­nt sous X, c’est une crapulerie. »

Maria Pia Briffaut ne rencontrer­a jamais sa mère biologique et cela restera forcément un regret. Bientôt à la retraite, cette bibliothéc­aire de 61 ans, qui habite Conflans depuis une vingtaine d’années, se dit sereine aujourd’hui. « J’ai reçu beaucoup d’affection de la part de mes parents adoptifs. Quand on me questionne sur mes origines, je réponds que je suis la fille de ma mère et de ma mère. Je suis le fruit de deux histoires, deux filiations. » Un beau résumé.

Le bonheur des retrouvail­les « J’ai trouvé ma place » Elle se bat pour les autres

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De coeur et de sang, le livre de Maria Pia Briffaut, est paru le 17 octobre.

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