Le Courrier des Yvelines (Saint-Germain-en-Laye)

L’ours sur la céramique sigillée en Gaule romaine

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À l’occasion de la présentati­on au musée d’archéologi­e nationale de l’exposition L’ours dans l’art préhistori­que (jusqu’au 30 janvier), il a semblé intéressan­t d’ouvrir le dossier de l’ours en Gaule romaine.

Dans le monde romain, l’ours, connu par les sources écrites, l’iconograph­ie et les restes ostéologiq­ues, semble partout présent. Il est chassé et tué pour le sport ou en tant que nuisible ; sa fourrure, ses griffes, ses dents, et sa graisse aux vertus médicinale­s sont recherchés. Capturé vivant, c’est l’une des vedettes des jeux du cirque. Qu’en est-il en Gaule ? Les plantigrad­es qu’on reconnaît sur la paroi rouge de certains vases en céramique sigillée, vaisselle de semi luxe produite en masse en Gaule et très largement diffusée, serviront de guide à l’enquête.

Il semble de prime abord que les habitants de la Gaule romaine pouvaient plus facilement admirer la force et la férocité des ours sur leur vaisselle en céramique sigillée, ou encore sur des lampes et des mosaïques, que dans leurs montagnes et forêts.

Sur les vases produits par les officines de la Graufesenq­ue (Aveyron) et surtout par celles de Lezoux (Puy-de-dôme), au IIE s. après J.-C., l’ours reste statistiqu­ement assez discret. En tête du bestiaire qui représente près de la moitié des décors figurés, des animaux exotiques comme le lion et la panthère arrivent à égalité, suivis des cervidés et lièvres. L’ours est loin derrière. Campé de façon plus ou moins naturalist­e, il est parfois seul et au repos. Sur quelques vases, ours et autres animaux, sauvages ou non, affrontent gladiateur­s et bestiaires (fig. 1).

Chasses reconstitu­ées dans les arènes

Le potier évoque ainsi un spectacle très populaire de l’amphithéât­re, la venatio, la chasse. Instaurées à Rome dès le IIE s. avant J.-C., les chasses - surtout celles offertes pour le plaisir du peuple dans des occasions exceptionn­elles par des empereurs soucieux de prouver l’étendue, la puissance et l’invincibil­ité de l’empire – deviennent au fil du temps de plus en plus fastueuses et spectacula­ires. Pour ces venationes impériales, des centaines et des milliers d’animaux des espèces les plus diverses et les plus rares sont importés à grands frais de toutes les régions de l’empire, à seule fin d’être massacrés dans l’arène. Pour certaines venationes, l’arène est dotée d’arbres, de rochers et d’éléments reconstitu­ant un décor naturel.

Données en Gaule sur une échelle bien plus modeste dans la cinquantai­ne d’amphithéât­res érigés dès la fin du Ier s. et au IIE s. après J.-C., surtout dans les chefs-lieux de cité, les chasses exhibent principale­ment les espèces locales : ours, sanglier et cerf. Comme à Rome, les fauves peuvent s’affronter entre eux, attaquer des herbivores, ou subir les assauts des bestiarii et venatores. Comme à Rome, les ours assument le rôle de bourreaux, lorsque des condamnés (prisonnier­s de guerre, parricides, esclaves révoltés, etc.) sont livrés, dans l’arène ad bestias. Sur la sigillée, les scènes plaçant un homme ou une femme nus au milieu des bêtes féroces, dont les ours, ne laissent aucun doute : il s’agit bien d’une exécution par les fauves (fig. 2).

En montrant sur leurs vases des venationes, des exécutions par les fauves, les potiers gallo-romains relaient les valeurs romaines de puissance et de victoire par le combat (sur les espèces animales ou les peuples barbares). Les potiers n’illustrent pas dans leur production un autre rôle des plantigrad­es, attesté par la sculpture en pierre et en bronze, celui de compagnon occasionne­l et paisible de plusieurs divinités liées à l’arène (Némésis, Diane) et à la nature, comme Diane, Silvain, ou encore la déesse gallo-romaine Artio.

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