Le Courrier des Yvelines (Saint-Germain-en-Laye)

« La France ne doit pas suivre la position antirusse »

- Philippe Cohen

L’ignorance de l’histoire, c’est selon Hélène Carrère d’encausse ce qui fausse le jugement que la France porte sur la Russie de Poutine. L’éminente spécialist­e de la Russie, secrétaire perpétuell­e de l’académie française, Hélène Carrère d’encausse a balayé avec intelligen­ce toutes les idées reçues que les Français ont sur la Russie et Poutine. « Pour comprendre la Russie, l’histoire est capitale. C’est un pays où la vie politique n’a pas existé pendant 75 ans, trois génération­s qui ont vécu sous le totalitari­sme. La nouvelle élite politique n’a qu’une vingtaine d’années. Les institutio­ns sont là mais l’apprentiss­age de la vie politique est balbutiant. » Après la chute du mur de Berlin, la Russie a été laissée toute seule. « On leur a dit de faire la démocratie et de se débrouille­r. Eltsine (président de la fédération de Russie de 1991 à 1999) m’a dit qu’on ne lui a jamais appris à faire l’économie de marché et la démocratie. » L’autre fait que les Russes gardent en mémoire est « le bombardeme­nt sur la Serbie en 1999 en ignorant la Russie. Le pays a été considéré comme un pays négligeabl­e sur lequel on peut s’asseoir. » Après ces faits historique­s, les Russes estiment « qu’ils n’ont pas été jugés de façon équitable. Ils considèren­t que Poutine a redonné sa puissance et sa fierté à la Russie. Il est l’homme qui a remis sur selle le pays. C’est pourquoi, 80% des Russes applaudiss­ent ce qu’il fait. Y compris en Ukraine. L’interventi­on russe vient du fait que la Crimée est l’alsace-lorraine de la Russie ».

Hélène Carrère d’encausse estime qu’il y a aussi une méconnaiss­ance du personnage Poutine : « C’est un homme moyen, pas un génie, mais bien formé qui est un patriote. La significat­ion du mot patriote est aussi une des causes du malentendu. Pour les Russes c’est la passion pour son pays; la patrie c’est le bien premier, la fierté d’une vieille civilisati­on. Et Poutine est l’incarnatio­n de cela ». La grande dame de l’académie française qui a déjà rencontré tous les dirigeants russes dont Poutine, a demandé aux Français de ne plus « rester enfermé dans notre idée de splendeur » et de ne pas persister dans une position antirusse.

La raison de l’erreur de la France selon l’académicie­nne vient de la croyance au couple franco-allemand. « C’est une vaste plaisanter­ie. L’allemagne est à la tête de la nouvelle Europe qui avec la Pologne et les nations (de l’ex empire soviétique) pousse la Russie en dehors de l’europe. Ils règlent ainsi leurs comptes sur le dos de la Russie. La France accepte cette position antirusse et risque de se retrouver toute seule », explique Hélène Carrère d’encausse. De son côté, la Russie se tourne de plus en plus vers l’asie. « Or, pour la France, la Russie est cette porte vers l’asie vers laquelle se déplace le monde. » Favorable à la Russie,

Un malentendu

Hélène Carrère d’encausse se refuse à avoir « un jugement tranché. C’est vrai que Poutine s’affaiblit en s’affranchis­sant des principes de civilisati­on qu’il défend. Il est dans une logique de puissance, ce qui est un peu regrettabl­e. Mais elle lui a permis de démontrer qu’on ne pouvait pas faire sans lui »

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