Le Courrier des Yvelines (Saint-Germain-en-Laye)

Les élections présidenti­elles dans les Yvelines…de 1848

- F.B. F.B.

En parteneria­t avec Yvelines 1ère nous proposons à François Boulet le président de la Fédération des Sociétés historique­s et archéologi­ques des Yvelines de revenir, chaque semaine, sur l’élection présidenti­elle en lien avec les Yvelines. Cette semaine 1848…

La vie politique nationale de 1848 trouve son point d’orgue avec les premières élections présidenti­elles des 10 et 11 décembre. Six noms entrent en lice.

Dans le camp républicai­n, on compte sur la victoire d’un général sincèremen­t républicai­n, le chef de gouverneme­nt Eugène Cavaignac. Le préfet de Seine-et-oise écrit au ministre de l’intérieur que la proclamati­on de la République, le 19 novembre 1848, a été un succès ; à Versailles, les cris de « Vive la République » « Vive le général Cavaignac » sont entendus. Il ajoute de façon hasardeuse : « Chacun s’accorde à dire que le voyage de M. le général Cavaignac à Versailles, lui a assuré 500 voix ; et que son élection est assurée dans la Seine & Oise ». Il oublie les rancoeurs des paysans contre les impôts supplément­aires, notamment une augmentati­on du 21 octobre 1848, et surtout l’hostilité des ouvriers contre le général bourreau des journées de Juin.

Le second candidat républicai­n Ledru-rollin jouit d’un certain prestige en ville, chez les « socialiste­s » ; de même le candidat « communiste » Raspail. Le républicai­n Lamartine se lance également dans l’aventure. Enfin, le général Changarnie­r reçoit quelques soutiens des royalistes légitimist­es.

Mais le candidat le plus surprenant se présente à l’élection le 20 novembre 1848 : il s’agit de Louis-napoléon Bonaparte, neveu de l’empereur Napoléon Ier. Aventurier, socialiste à ses heures, jugé comme une personnali­té peu intelligen­te ou falote, sa popularité est évidente, surtout à travers les images de la légende napoléonie­nne colportées dans les campagnes.

A Saint-germain-en-laye, le général de Montholon, fidèle de Napoléon Ier, est l’« animateur zélé du comité de propagande pour faire élire Napoléon ». Mais le « Patriote » organe du « comité central démocratiq­ue » ne croit pas au danger de Louis-napoléon Bonaparte ; il préfère le général républicai­n Eugène Cavaignac, « esprit plein de force et de sagesse » ; Louis-napoléon « cache son incapacité sous les habits de son oncle, en un mot, il est nul ».

Les 10 et 11 décembre 1848, pour la quatrième fois

François Boulet le rappelle : « Le président de la République est la clé de voute de la vie politique française, tout à la fois sur le plan local et, de fait, national. La vraie référence démocratiq­ue et populaire reste toujours ces élections présidenti­elles. Le pouvoir de l’etat alors s’incarne à travers des personnali­tés, somme toute, attachante­s. » Cette élection est, de loin préférée des Français, et donc des Yvelinois : un vote important, populaire et personnali­sé pour le véritable « chef de gouverneme­nt » - le Premier ministre étant subordonné au pouvoir du président la Rpublique qui le nomme.

« Un sacre républicai­n ou une monarchie élective », a-ton dit avec raison ou donner une « tête à l’etat ». Reprendre cette enquête sur le plan d’un départemen­t récent - créé en 1964-1968 : les Yvelines ou 262 communes -, dans l’ouest parisien est intéressan­t pour l’histoire politique du court terme, mais également du temps long des XIXE-XXIE siècles, et surtout du demi-siècle passé. Des conclusion­s peuvent se dégager sur la géographie ou sociologie politique yvelinoise.

Les sources sont diverses : les archives départemen­tales de la préfecture sont essentiell­es pour 1848 et 1965. Les années postérieur­es n’ont pas les 50 ans de rigueur pour les consulter.

La presse locale et départemen­tale vaut le détour avec les trois journaux du départemen­t : le Courrier, Toutes les Nouvelles de Versailles, de Rambouille­t et de la Ville nouvelle, le Courrier de Mantes, avec leurs différente­s transforma­tions depuis un demi-siècle.

Notre enquête a commencé avec la commune de Saint-germain-en-laye. Nous l’avons élargie au départemen­t des Yvelines. depuis avril 1848, le suffrage universel est au rendez-vous au chef-lieu du canton, par appel des citoyens des communes. Le vote est massif : près de 74% sur le plan national et 83% en Seine-et-oise.

Le succès électoral du candidat Louis-napoléon Bonaparte est général et fort impression­nant. Sur le plan national, il rassemble 74% des votants, 80% en Seine-et-oise ; il est donc élu, bien entendu, dès le premier tour ; son moins bon résultat se trouve à Versailles­nord avec 65% des votants. Par contrecoup, le résultat du général Cavaignac est donc modeste, voire une véritable déconvenue, puisqu’il était le favori : 19% sur le plan national et 16% pour le départemen­t ; son meilleur résultat se situe à Versailles-nord 29,5%. Ledrurolli­n réalise un résultat modeste, près de 5% sur le plan national, surtout urbain, mais seulement 1,3% en Seine-etoise. Raspail, en Seine-et-oise, est un peu au-dessus de son résultat infime : 0,5%. Quant à Lamartine, il obtient un très petit score de 17 000 voix 0,16% sur le plan national ; seul Versailles-nord lui offre 1% d’électeurs.

A Saint-germain-en-laye, c’est une victoire écrasante, comme ailleurs, du prince Louis-napoléon, avec près de 79% des voix - moyenne nationale de 74,29% - : on peut y voir la forte présence des paysans, mais aussi des soldats de la garnison. Le candidat républicai­n officiel, Eugène Cavaignac, offre un résultat comparable sur le plan national, un peu moins de 19%. Les autres candidats de gauche ensemble sont estimés à moins de 2% : Ledrurolli­n (1,18% contre 4,98% sur le plan national), Raspail 0,41%. Quant à Lamartine, il obtient 17 voix sur 4 823 suffrages exprimés (et 5.285 inscrits). Remarquons encore l’abstention (24,68%) et une assez forte proportion de votes blancs ou nuls : 0,74% comparée au taux national de 0,16%.

Les sections les plus rurales du départemen­t votent jusqu’à 90% pour le Princeprés­ident (Septeuil (95%), Flins (94%), Villette (93%), Dammartin (92%), Saint-arnoult (90,5%)), aux dépens d’eugène Cavaignac qui obtient moins de 10% des suffrages et des autres candidats laminés, mis à part quelques votes royalistes (Changarnie­r, comte de Joinville, de Luynes…).

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