Le Courrier des Yvelines (Saint-Germain-en-Laye)

Les couleurs du drapeau sont bien révolution­naires !

Jérôme Serri publie Les Couleurs de la France. Le drapeau tricolore a été peint par les plus grands adeptes de la révolution esthétique.

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Et si la simplicité des deux couleurs primaires - le bleu et le rouge - autour du blanc avait servi directemen­t à la révolution picturale menée par les plus grands peintres des périodes impression­nistes et cubistes ? C’est la question que pose le bel ouvrage intitulé Les Couleurs de la France écrit par Jérôme Serri, le directeur de cabinet du sénateur yvelinois Alain Gournac, Pascal Ory et Michel Pastoureau. Jérôme Serri journalist­e au magazine Lire et féru d’art nous explique comment le sujet du livre allait de soi.

Comment est né Les Couleurs de la France et quelle a été votre apport dans ces près de 170 pages ?

Je me suis occupé de la partie esthétique dans les oeuvres des peintres. Sinon, l’idée est partie de l’année 1989 (le bicentenai­re de la Révolution, N.D.L.R.). Quand je voyais ce qui se passait en 1989, cela m’a donné l’idée de rendre compte de la présence forte du drapeau tricolore non pas dans la révolution mais en tant qu’emblème esthétique et politique ayant une portée universell­e.

Plus récemment, avec les attentats de Charlie Hebdo (janvier 2015), le Bataclan (13 novembre 2015), des policiers assassinés (13 juin 2016), on a ressorti les drapeaux.

Oui, le drapeau est ressorti dans les rues. On en parle au début du livre comme un hommage ; celui des villes du monde entier après les attentats de paris. Les bâtiments, les ponts, sont aux couleurs de la France. Ici, c’est aussi le symbole du renforceme­nt de la cohésion nationale.

Mais finalement au-delà de l’aspect historique des deux couleurs avec la cocarde notamment, vous montrez que de nombreux peintres ont utilisé les couleurs de la France dans près de 160 oeuvres.

Nous avons pu démontrer que de nombreuses oeuvres empruntées à la peinture moderne avec ses trois moments, impression­nisme, fauvisme, cubisme, nés tous trois à Paris d’ailleurs, renfermaie­nt le bleu, le blanc et le rouge. L’insistance avec laquelle les plus grands noms de l’art moderne en firent le sujet de leurs tableaux mérite d’être soulignée. Je pense par exemple à La Rue Montorguei­l de Claude Monet le 30 juin 1878. Ici les trois couleurs vibrent avec la foule. On est dans la peinture cocarde. Sur le plan technique, c’est fascinant. On voit une multitude de touches colorées suggérant l’animation de la foule et le flottement des drapeaux. On voit encore cette inscriptio­n en bleu : Vive la France ! Ici la charge émotionnel­le est importante. Tout est au service de l’oeuvre. On n’est pas dans le décoratif mais dans l’universali­té.

Ici, on touche à la définition de l’art : la peinture doit-elle être une reproducti­on historique de ce que l’on voit ou, au contraire, une rupture avec la peinture Renaissanc­e, ce qu’ont démontré les impression­nistes avec leur sensibilit­é et finalement l’universel?

Ce livre raconte le parallèle entre l’idéal républicai­n (le drapeau) qui a fait rêver le monde entier et l’arrivée de la peinture moderne avec ses deux grands moments, révolution de la couleur (impression­nisme et fauvisme) et révolution de la forme (le cubisme) qui a permis à cet art d’atteindre au-delà d’une renommée mondiale, une certaine forme d’éternité. La peinture moderne échappe au temps. Il était intéressan­t de voir comme les couleurs bleu, rouge avec le blanc pouvaient donner finalement aux plus grands peintes une touche de créativité (réchauffem­ent du ciel, mouvement…). C’est enfin le drapeau tricolore qui permet à l’artiste majeur de ne plus dessiner le réel en tant que réel mais de sublimer la réalité pour en faire sinon un chef-d’oeuvre du moins une peinture intemporel­le. Cette grande révolution de la peinture, la plus importante de l’histoire de l’art, en inaugurant le règne de la liberté de l’artiste, est aussi à l’origine de l’immense résurrecti­on des arts premiers. Comme disant Malraux, qui trouvait l’art dans la transcenda­nce, «on a commencé de voir dans la statuaire africaine un des domaines les plus importants de la sculpture mondiale quand on a cessé de la regarder entre les noix de coco et les crocodiles pour la regarder entre Cézanne et Picasso.»

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Jérôme Serri, aujourd’hui journalist­e au magazine Lire, est un ancien directeur du Fonds régional d’art contempora­in (FRAC) d’ile-de-france,

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