Le Courrier des Yvelines (Saint-Germain-en-Laye)
Outils de mineurs : de la Grèce à la France
Dans la salle d’archéologie comparée du musée d’archéologie nationale (MAN) de Saint-germain-en-laye figure en bonne place une collection rare et dans un très bon état de conservation provenant du Laurion (Attique).
Dans cette région du Laurion, en Grèce, se trouvaient les mines de plomb et d’argent exploitées jusqu’à l’époque byzantine par la cité d’athènes. La collection se compose d’outils de mineurs en fer, d’objets en plomb et en bronze, de poids en terre cuite, de lampes et de vases en céramique, et d’une paire d’entraves datés du VIE au IIE siècle avant J-C. Ces 75 objets ont été donnés le 30 juin 1879 par Alfred Huet, un ingénieur centralien, au musée des Antiquités nationales.
L’origine de l’ensemble conservé au MAN est longtemps restée mystérieuse mais la découverte dans les archives du musée d’une ancienne étiquette en grec a permis d’en retracer l’historique après une petite enquête.
D’après cette étiquette, les outils de mineurs étaient en 1875 la possession d’un certain Jean-baptiste Serpieri. Celui-ci était alors le directeur de la Compagnie Française des Mines du Laurion qui extrayait des minerais à partir des galeries des mines antiques. Alfred Huet arriva dans le Laurion dès 1873 pour seconder Serpieri car il était spécialisé dans la préparation mécanique des minerais. En 1878, Huet se retira des affaires et se consacra à l’étude du Laurion.
Lampes et marteaux au fond des galeries
Les travaux menés par la compagnie mirent très vite au jour des objets archéologiques en explorant les anciennes galeries. Nombre d’entre eux furent remis à l’université ou à la Société archéologique d’athènes mais d’autres étaient exposés dans la salle de direction de la compagnie.
Cette dernière ne s’en cachait pas et, au contraire, elle sut utiliser ses collections archéologiques pour servir ses intérêts commerciaux. L’étiquette révèle ainsi que les outils de mineurs ont été présentés lors des Olympiades de 1875 organisées à Athènes.
Ces Olympiades proposaient de faire renaître l’esprit des antiques Jeux Olympiques en organisant des compétitions qui concernaient tous les secteurs d’activité de la Grèce, afin de montrer que la Grèce moderne valait autant que la Grèce antique. Lors de la troisième compétition en 1875, à côté des minerais et lingots qu’elle produisait, la Compagnie Française des Mines du Laurion exposa des objets antiques : lingots, objets en plomb, lampes et outils. Serpieri, un étranger, montrait ainsi à l’état grec son attachement à l’histoire du pays et se mettait au service du prestige de la Grèce. Il vendait aussi une part de rêve : ses lingots de plomb du Laurion étaient quasi identiques à ceux qui étaient produits dans l’antiquité. Cela pouvait séduire les acheteurs, soucieux d’acquérir un métal de grande qualité, réputé depuis l’antiquité.
La stratégie commerciale de la Compagnie française des mines du Laurion fut reprise par l’état Grec lors de l’exposition universelle de 1878 à Paris. Le jeune État-nation était dans l’obligation de montrer qu’il était entré dans l’ère du progrès et de l’industrialisation mais sans oublier de subtiles références à son âge d’or, le siècle de Périclès, où les mines du Laurion avaient fait la richesse d’athènes. À l’issue de l’exposition, Alfred Huet récupéra une partie des objets exposés et en fit don au musée des antiquités nationales, le musée qui, depuis son ouverture en 1867, s’intéressait à l’évolution des techniques et à l’histoire du travail.