Le Courrier des Yvelines (Saint-Germain-en-Laye)
La plaquette, de l’or en barre !
Mercredi 1er novembre. Dans le rayon laitier du magasin Carrefour de Chambourcy, il était impossible de trouver une plaquette de beurre. Idem dans le rayon bio. Les barquettes étaient remplacées par des affichettes expliquant que le produit n’était plus disponible. La faute à qui ?
A la Fédération nationale des produits laitiers (FNPL), on explique : « C’est une histoire entre les distributeurs et les transformateurs de produits laitiers. Ces derniers veulent que les grandes surfaces prennent en compte le prix du beurre qui a explosé depuis des mois (voir encadré). Ce que refusent les hypermarchés. »
Ce bras de fer entre industriels et grandes surfaces semble bien être au coeur de la pénurie qui n’est pas près de se terminer (lire ci-dessous). Au moment même où viennent de se tenir les Etats généraux de l’alimentation - au cours desquels le gouvernement a indiqué prendre en compte le prix de revient dans le prix de vente des produits issus de l’agriculture - les choses ne marchent pas dans la filière grasse.
Plusieurs raisons expliquent aujourd’hui ce dysfonctionnement : ▲La demande mondiale en beurre a explosé ces dernières années. « Il est de plus en plus demandé comme en Chine, poursuit-on à la FNPL. Vu les difficultés pour fixer un prix acceptable sur le territoire français, les producteurs préfèrent vendre sur le marché international. » ▲C’est l’asie qui pousse cette demande : le produit a vu sa consommation exploser, notamment via les viennoiseries. ▲Parallèlement la fabrication a nettement reculé : selon Franceagrimer, établissement national des produits de l’agriculture et de la mer, la fabrication de beurre a baissé de 8 % cette année. La Nouvellezélande, plus gros exportateur mondial de lait, ainsi que l’europe ont diminué la production laitière. La fin des quotas laitiers, il y a deux ans, avait provoqué une surproduction et donc une chute des cours poussant les éleveurs à réduire leurs tonnages. Toujours selon Franceagrimer, la Nouvelle-zélande, gros producteur de beurre, a diminué ses exportations de 11 %, de janvier à août 2017. ▲Comme pour les pénuries de carburant. Les premiers articles dans les journaux à la mi-octobre ont fait réagir. A l’instar de ce qui se passe lors des pénuries de carburants, les consommateurs surréagissent et stockent des plaquettes de beurre qu’ils congèlent. ▲La pénurie de beurre « ne va pas durer », assure le ministre de l’agriculture. « C’est une situation inédite à laquelle nous assistons aujourd’hui sur les produits laitiers… Cette pénurie est liée au fait que les consommateurs ont beaucoup acheté de beurre. Ce que l’on voit sur le beurre, la même chose se produit souvent sur l’essence et le gazole. […] La crainte de pénurie crée la pénurie », a expliqué le ministre, interrogé mardi 31 octobre par RTL. Pour autant, il envisage de « saisir le médiateur des relations commerciales agricoles. Le médiateur pourrait trouver les moyens de remettre autour de la table les distributeurs et les transformateurs pour trouver un accord », a estimé le ministre. La preuve que la France n’a toujours pas structuré le dialogue entre la grande distribution, les producteurs et les transformateurs. ▲Cet écueil date, selon les agriculteurs furieux, de la loi dite LME (Loi de modernisation de l’économie). Adoptée en août 2008, au début du quinquennat de Nicolas Sarkozy, la loi LME instaure la liberté de négociation des prix entre les centrales d’achat des grandes surfaces et leurs fournisseurs. L’idée sousjacente à l’époque étant d’augmenter le pouvoir d’achat des consommateurs, en favorisant des baisses de tarifs. ▲Les agriculteurs reprochent au système actuel d’avoir trop dérégulé les négociations et de ne pas prendre en compte les intérêts des producteurs, qui ne sont pas partie prenante dans les négociations, organisées principalement entre les enseignes de distribution et les industriels de l’agroalimentaire.
La demande mondiale explose Le syndrome essence Le ministre se veut rassurant mais… Changer la loi LME ?