«A Beautiful Day»

De l’avis quasi-général, la sélection du dernier Festival de Cannes n’a pas été un grand cru. Loin du feu d’artifice que cette soixante-dixième édition promettait, les films ont globalement suscité un consensus mou (voire joyeusement divisé comme la Palme d’or « The Square »), et rares ont été les chocs : « In the Fade », dont la fin a fait débat alors que la prestation de Diane Kruger a mis tout le monde d’accord ; mais surtout « 120 battements par minute » et « A Beautiful Day ». Lorsqu’il a débarqué sur la Croisette, ce dernier s’appelait encore « You Were Never Really Here » et arrivait entouré de mystère, car nous savions seulement que Joaquin Phoenix y incarnait un vétéran qui, en voulant sauver la fille d’un sénateur des griffes d’un réseau de prostitution, déchaînait une tempête de violence ; et qu’il s’agissait là du grand retour de Lynne Ramsay, après le couac « Jane Got A Gun », western féministe avec Natalie Portman dont elle avait quitté le tournage dès le premier jour. Qu’on se rassure : l’acteur américain et la réalisatrice écossaise sont en grande forme, et ils nous offrent l’un des sommets de cette année 2017. Brutal et sensoriel, « A Beautiful Day » rappelle, par certains aspects, « Taxi Driver », « Drive » ou « Old Boy », également présentés à Cannes, mais trace sa propre route, en ajoutant un soupçon de poésie à une violence majoritairement suggérée, mais nettement plus efficace sur le spectateur que si ce dernier découvrait les dégâts causés par le personnage principal de façon explicite. Un protagoniste à vif, comme ceux que Joaquin Phoenix affectionne et qu’il incarne avec une rage contenue qui explose par instants, pour mieux électriser le récit. Le jury de Pedro Almodovar ne s’y est d’ailleurs pas trompé en lui remettant un Prix d’interprétation Masculin qui ne souffre d’aucune contestation, quand le long métrage recevait un Prix du Scénario un peu plus étrange, tant c’est avant tout la mise en scène et le montage qui transcendent une histoire somme toute assez classique. De là à penser qu’il aurait mérité mieux (un Grand Prix ou la Palme), il n’y a qu’un pas que vous pouvez dès maintenant franchir avec nous.