Le Courrier des Yvelines (Saint-Germain-en-Laye)
Quand des prévenus prennent les juges pour des cornichons
Pour certains avocats, la défense devient un sport acrobatique. Les personnes accusées donnent parfois des versions totalement farfelues pour se dédouaner.
Dans le box, plus personne n’assume. On tente le tout pour le tout. On dit souvent à tort, plus c’est gros, plus ça passe. C’est minimiser l’intelligence de son interlocuteur. Et quand ce dernier est un juge, on n’est pas loin de l’outrage.
Le jeudi 9 novembre, devant la 6e chambre du tribunal correctionnel de Versailles, les prévenus de deux affaires totalement différentes ont donné des versions laissant penser au public de l’audience qu’il se trouvait davantage dans un hôpital psychiatrique que dans un prétoire.
Ainsi pour Jacques, poursuivi pour vol par escalade, en clair pour un cambriolage dans un pavillon, le 19 mai dernier à Guyancourt. L’accusé a tenté de se disculper en expliquant : « Je n’ai rien cassé. J’ai récupéré les téléphones grâce à une branche d’arbre. Je ne suis même pas entré dans le pavillon. »
La présidente du tribunal explose : « Mais Monsieur, en correctionnelle on est sérieux ! Ne dites pas n’importe quoi. Vous avez volé en entrant une main dans la maison. » La procureure qui laisse de côté cette « histoire de jardinerie » rappelle sérieusement que « les téléphones se trouvaient dans la cuisine à l’opposé de la fenêtre cassée ». La branche d’arbre s’est allongée et s’est tordue dans la maison. Les magistrats ont frappé fort avec ou sans la branche : 8 mois de prison ferme avec mandat de dépôt.
Lucien, un autre cambrioleur, aux Mureaux, a fait plus fort. « Je suis entré dans le pavillon parce que j’étais poursuivi par des hommes qui voulaient me faire la peau ! Il y avait du monde dehors. J’avais peur. » Cet homme d’origine roumaine, âgé de 37 ans, explique avoir fracassé la porte vitrée de la maison parce qu’il se sentait menacé dans le cadre d’une affaire de drogue. « C’est James Bond, lui », commentent les magistrats agacés par cette version des faits. L’intrus, le 12 avril 2016, se retrouve dans le pavillon mais sans « aucune intention de voler ». Il n’en fallait pas plus pour que son avocat tente une plaidoirie orbitale : « Dans le cadre de la tentative d’une infraction punissable il faut une intention coupable, le commencement d’une exécution et l’absence de désistement volontaire. »
Une branche d’arbre pour voler les portables « C’est James Bond, lui »
L’effet de manche est surréaliste : le désistement volontaire, c’est quand l’auteur qui va commettre une infraction se ravise de lui-même, sans y avoir été poussé ou contraint. Ce désistement doit en outre être antérieur à la consommation de l’infraction. Les magistrats n’ont pas retenu l’argument : 6 mois ferme avec mandat de dépôt.
Moralité : quand on prend les magistrats pour des cornichons, on se retrouve dans le pâté.