Le Courrier des Yvelines (Saint-Germain-en-Laye)

6 mois de prison pour Cédric, la fausse victime du Bataclan

Cédric R. , l’homme qui s’était fait passer pour une victime de l’attentat du Bataclan, le 13 novembre 2015, a écopé d’une peine de 6 mois de prison ferme (plus 18 mois avec sursis) à l’issue de son procès au tribunal correction­nel de Versailles, le 1er d

- F. Desserre

Visage fermé, caban bleu ouvert, Cédric est apparu les traits tirés dans le box du tribunal correction­nel de Versailles. Ce vendredi 1er décembre, il avait rendez-vous avec la justice, avec la presse, nombreuse, avec ses mensonges et celles et ceux qui les ont subis. Ce sont les victimes des attentats du Bataclan du 13 novembre 2015.

L’homme de 29 ans était poursuivi pour avoir tenté d’escroquer le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infraction­s. Il avait déposé un dossier en affirmant qu’il se trouvait là, pendant la tuerie. Il avait tout inventé.

Ce soir-là, Cédric est dans les Yvelines lorsqu’il apprend le drame qui vient de se jouer à Paris. Il part en trombe se disant qu’il pourrait aider, fort de sa formation en secourisme. Il a été ambulancie­r et pompier volontaire. Sur place, il est refoulé. Son amour-propre est piqué au vif.

Dans les jours suivants, il retourne à Paris, presque nuit et jour. Et un après-midi, il croise une jeune femme pleurant au pied d’une montagne de fleurs. « Elle m’a dit qu’elle y était. Je voulais lui parler. Pour ne pas faire le curieux, je lui ai dit que moi aussi j’y étais ». C’est à ce moment qu’il va plonger tête baissée dans le mensonge.

Cédric témoigne auprès des médias français et étrangers. Il décrit la scène, une femme enceinte touchée mortelleme­nt à sa place, montre un pantalon taché de sang, rejoint un groupe d’entraide.

Face à sa demande d’indemnisat­ion, la section antiterror­iste de Paris s’interroge. Pourquoi Cédric refuse-t-il de porter plainte ? Pourquoi s’est-il trompé sur le nombre d’assaillant­s ? Pourquoi évoque-t-il une future maman parmi les victimes, alors qu’il n’y en a aucune ? Une seule réponse est valable : il ment.

Et son téléphone va le prouver. À l’heure de l’attaque, il borne encore dans les Yvelines. La localisati­on montre son périple jusqu’à Paris où il arrivera bien après minuit.

Pour cet habitant du Chesnay, ancien ambulancie­r et ancien pompier, il ne reste qu’une chose à faire. Fuir. Ce sera Toulouse puis les États-unis et Nouméa (Nouvelle-calédonie). C’est en revenant en France, fin octobre, pour rendre visite à ses parents près de Versailles qu’il est arrêté.

Lors du procès, Cédric a voulu montrer le visage d’un homme rongé par le remords. « Je vais être honnête et ne pas me cacher derrière des mensonges, comme je l’ai fait toute ma vie. Je voulais aider. On n’a pas voulu de moi. J’en étais malade. Après ma rencontre avec une vraie victime, je me suis laissé dépasser. Je me

sentais au fond du trou. Ces rescapés m’aidaient. Je me sentais mieux. L’argent n’a jamais été mon but. »

« Pourquoi tout cela », interroge le président, Christophe Morgan. Cédric détaille son malêtre, la réussite profession­nelle de ses trois grands frères, une rupture sentimenta­le. Mais aussi un événement qui l’a marqué : les attentats du 11-Septembre. Il avait 13 ans. « Par la suite, je me suis fait tatouer les tours avec le visage de la Vierge

Marie et cette phrase : Ils ont tous donné quelque chose. Certains ont tout donné.»

Il se fera aussi tatouer sur le bras la devanture du Bataclan avec, à l’intérieur, la représenta­tion d’une Marianne pleurant. « J’ai voulu ancrer ces événements. Je voulais être comme eux, avec eux. Quand je vais sortir, je vais serrer mes parents contre moi. Ce sont eux que j’aurais dû aller voir pour obtenir de l’affection. Aujourd’hui, tout le monde me montre du doigt comme un paria. C’est normal », lâche Cédric en courbant la tête.

Pas de quoi émouvoir la représenta­nte du parquet, Corinne Moreau. « À ce jour, 131 personnes sont décédées suite à ces attentats ; 1644 personnes ont été blessées ou choquées. Le nom de Monsieur ne figure pas parmi elles. D’habitude, le parquet fait plus du droit que de la morale. Mais je prends en compte l’émotion de la société, ce sentiment d’avoir été trompé. Pour les vraies victimes, pour le prix de l’imposture, je demande deux ans avec incarcérat­ion. »

Quand le mensonge éclate

« Je vais être honnête »

« Pour les vraies victimes, pour le prix de l’imposture »

Pour sa défense, maître Elodie Vareiro a estimé que « la sanction ne devait pas être proportion­nelle à l’émotion suscitée ». « Oui il a menti. Mais il a aussi été décoré pour avoir sauvé une personne de la noyade. À vouloir bien se faire voir, il a fait beaucoup de mal. Maintenant, sa famille l’attend pour Noël, elle l’espère. »

Il faudra attendre un peu. Cédric R., a écopé de deux ans, dont 18 mois avec sursis. Cela signifie qu’il devra passer 6 mois en détention. À sa sortie, il devra suivre des soins et trouver un travail. Avant de quitter le tribunal sous bonne escorte, l’homme a pris une dernière fois la parole. « Je me suis repenti. J’ai réfléchi en adulte cette fois. J’ai été en dessous de tout. »

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C’est en allant déposer des fleurs au Bataclan que Cédric a basculé dans le mensonge.

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