Le Courrier des Yvelines (Saint-Germain-en-Laye)

Les trois minots chipaient des jeux vidéo

- F. D. Da. G.

C’était la journée des jeux vidéo au tribunal de Versailles, le 12 janvier. Mais pas au sens littéral de l’expression. Dans la même après-midi, les juges ont vu passer deux dossiers ayant pour victimes des grandes enseignes et des best-sellers de l’univers des jeux vidéo.

Un réfugié politique… et des fils de bonne famille

Lasha, 29 ans, originaire de Géorgie, a ouvert le bal. La veille, à Auchan Vélizy 2, il avait mis la main sur 8 boîtes de jeu pour une valeur totale de 400 €. « C’était pour me payer une nuit à l’hôtel car je dors dans la rue. J’attends ma reconnaiss­ance de réfugié politique. Je ne fais pas ça par habitude ou par plaisir. » « Si vous voulez rester hébergé sur le sol français, vous devez respecter les lois », lui a lancé le procureur. Le magistrat a demandé 3 mois de détention, s’appuyant sur une récente condamnati­on pour des faits similaires. Les juges ont suivi. Direction la maison d’arrêt de Bois-d’arcy.

Vingt minutes plus tard, ce sont trois minots de Courbevoie (92) qui sont montés dans la salle. On trouve Antoine, 20 ans, étudiant en génie civil pour devenir ingénieur pour les autoroutes, Alexandre, 18 ans, en première année de licence en écogestion, qui rêve d’un master et de grandes écoles de commerce, et enfin Orlando, encore en terminale, qui aspirerait à entrer dans une école d’informatiq­ue pour faire de la cyber-sécurité. Le trio s’est fait prendre la main dans le sac, comme Lasha. Même jour, même endroit. Dans une enveloppe tapissée d’aluminium pour tromper les détecteurs, les vigiles ont trouvé huit jeux. Les policiers ont pris la relève. Ils en ont découvert une dizaine d’autres dans la voiture d’antoine. Que des titres incontourn­ables pour les geeks.

En poussant leurs investigat­ions, les enquêteurs ont découvert qu’alexandre s’adonnait au vol depuis le mois d’octobre. Vélizy-villacoubl­ay, Paris mais aussi La Défense étaient ses terrains de chasse. Il revendait le tout sur le site Ebay, faisant grimper sa cagnotte à plus de 3 700 € avec 87 jeux revendus. Antoine marchait plus modestemen­t dans ses traces, avec un total de 24 jeux volés et vendus. Sa moisson lui a rapporté plus de 1 130 €. Avec deux bestseller­s, Orlando souhaitait juste rembourser un pari perdu de 100 €.

Face aux juges ce sont donc trois jeunes adultes, au visage encore poupon, qui ont tenté de se justifier. « J’ai été appâté par l’argent », lance Orlando. « Moi, c’était par curiosité au début, raconte Alexandre. Puis je me suis pris au jeu. J’ai eu l’idée de l’alu en voyant une vidéo sur Twitter. C’était facile. J’ai essayé. Mais ce n’était pas pour l’argent. C’était pour exister. Ça me faisait briller auprès de mes copains. » « Si vous jouez à ça, vous allez perdre avec la justice, coupe d’emblée le président du tribunal avant de s’adresser à Antoine. Et vous ? » « J’étais en négatif sur mon compte. J’avais payé une semaine de vacances et une voiture. Je n’arrivais pas à m’en sortir. » « Messieurs. Vous savez où cela peut vous mener ? En prison. Pas plus tard que tout à l’heure, c’est ce qui est arrivé à un homme. Pour la même chose. »

70 à 210 heures de travail d’intérêt général

Les visages des trois garçons deviennent livides. « Vous êtes insérés, souligne le procureur. Vous faites des études. Vos familles vous ont donné une éducation normale, plus que normale avec des loisirs, de l’argent de poche. Vous n’avez pas d’excuse. Il existe d’autres façons d’exister, de se faire remarquer. Comme réussir ses études et décrocher le travail que l’on souhaite. » La leçon de morale se poursuit. « C’était en réalité pour améliorer votre ordinaire, un ordinaire que beaucoup voudraient avoir. »

Des peines allant de 1 à 4 mois de prison avec sursis et des amendes de 300, 1 200 et 3 700 € ont été requises. Ce sera finalement de 70 à 210 heures de travail d’intérêt général, à exécuter sous 18 mois. Passé ce délai, ce sera entre 1 et 2 mois de prison ferme. Il faudra aussi payer les amendes demandées par le procureur.

Il a donc avancé la thèse de l’automutila­tion. Mais sa femme n’a pas vacillé et raconté à nouveau ce qu’il s’était passé, ce matin-là rue de Dreux, dans le huis clos de l’appartemen­t de la mère de l’accusé, où le couple marié depuis trois ans est installé depuis son départ en septembre dernier de la Guadeloupe.

3 ans de prison dont 6 mois avec sursis

D’après Josepha (*), son mari aurait eu un nouvel accès de jalousie. Alors qu’elle s’apprêtait à rejoindre son travail, Alexandre, qui se trouvait dans la salle de bain, aurait saisi une lame de rasoir. Avant de se déchaîner sur son visage. La jeune femme portait encore les stigmates de cette violence à l’audience. Un total de 21 points de suture lui a été posé. L’une des entailles, du front jusqu’au haut de l’oreille, mesure 10 cm de long et est profonde de 6 mm.

Alexandre et sa mère, qui n’était pas poursuivie, ont d’après la victime tenté de dissimuler l’agression en la séquestran­t. Josepha a finalement pu sortir le lendemain. Direction l’hôpital avec une tante, avant de se tourner vers la police.

L’accusé a réfuté le mobile de la jalousie. « On est un couple libertin, et même inscrits ensemble sur un site sous les noms de Thibault et Cindy. Je ne peux pas être jaloux. Je le répète, je n’ai rien fait ! Je l’aime ! »

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