«Three Billboards»

DE MARTIN MCDONAGH

Voici donc le film qui a créé la surprise lors de la dernière cérémonie des Golden Globes, remis par la presse étrangère basée à Hollywood, en remportant quatre trophées, dont celui du Meilleur Drame, au nez et à la barbe de poids lourds tels que « Dunkerque » ou « Pentagon Papers », le prochain Steven Spielberg. Le succès de « Three Billboards », troisième long métrage de Martin Mcdonagh, n’est pourtant pas si étonnant que cela. Après avoir retourné la Belgique dans « Bons baisers de Bruges », puis marché sur les platesbandes du Tarantino de « Pulp Fiction » avec « 7 Psychopathes », le réalisateur britannique nous entraîne dans l’amérique d’aujourd’hui. Et plus précisément à Ebbing, dans le Missouri, où une femme loue trois panneaux publicitaires situés à l’extérieur de la ville pour interpeller le chef de la police locale pour dénoncer l’enquête sur le meurtre de sa fille, qui est au point mort. Un geste fort et osé qui attire l’attention des médias et redonne un coup d’accélérateur à l’investigation, même si le récit s’intéresse moins à l’identité du coupable qu’à la façon dont les principaux protagonistes affrontent leurs démons respectifs au quotidien. Tous ceux qui espèrent voir une énigme policière se résoudre risquent d’être déçus. Ou plutôt surpris par ce qui s’apparente davantage à une tragédie grecque. Dans un décor de western moderne que n’auraient pas renié les frères Coen, dont on retrouve ici un goût commun pour l’humour noir, ainsi que l’une de leurs muses, Frances Mcdormand, dans l’un des plus beaux rôles d’une carrière déjà riche en la matière et où l’on retrouve notamment « Fargo ». Opposée à un Sam Rockwell impeccable et qui pourrait profiter de cette saison des récompenses pour enfin être reconnu à sa juste valeur, elle porte cette oeuvre rugueuse dans laquelle il n’y a ni vrai gentil, ni grand méchant. Car c’est bien l’ambiguïté qui prédomine, pour mieux permette à Martin Mcdonagh de dresser un portrait de l’amérique actuelle, blessée, meurtrie par un passé récent et qui peine à trouver les solutions pour repartir de l’avant, sans que le message ne soit surligné pour autant. Et c’est ainsi que l’on comprend mieux le récent succès d’un film qui semble bien parti pour se retrouver dans les divers tops de fin d’année.