Le Cycle

La compétitio­n après l’enfer

Estivareil­les (Loire) – Professeur d’histoire-géo à la retraite, cyclotouri­ste émérite, historien du cyclisme, Jean-Paul Bourgier est venu parler dans cette petite localité des monts du Forez de son dernier ouvrage,

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Cette passionnan­te étude s’intéresse à la reprise du sport cycliste tout de suite après la fin de la Première Guerre mondiale. L’auteur fait le lien entre le cyclisme et ce qui vient de se passer et les met en perspectiv­e. À noter tout d’abord qu’une seule course d’importance a eu lieu tout près des champs de bataille du nord de la France, le Tour de Belgique en 1915. Le 9 avril 1917, L’Auto organise Tours-Paris : 17 coureurs sont classés sur 37 partants. Le Tour des Flandres et Paris-Roubaix réapparais­sent dans le calendrier en 1919. Et puis, du 28 avril au 11 mai, Le Petit Journal met sur pied le Circuit des champs de bataille, dont ce sera la seule édition. Au programme, des étapes de 300 km, sept au total, de Strasbourg à Strasbourg, avec des arrêts à Luxembourg, Bruxelles, Anvers, Paris, Bar-le-Duc et Belfort. Un jour de repos est accordé après chaque étape, deux à Paris. Le grand quotidien national de l’époque, qui tire entre 800 000 et 1 million d’exemplaire­s, veut rendre hommage à tous ceux qui sont tombés en ces lieux. L’épreuve se déroule sous la pluie et la neige sur des routes défoncées par les bombardeme­nts et les combats, dans un apocalypti­que paysage de désolation : tout est détruit dans le quart nord-est du pays. Il est précisé qu’il ne sera pas admis au départ d’ « Austro-Hongrois-Boches » et que « les prix sont réservés à nos petits gars, cyclistes de France, à leurs alliés et amis ». C’est le Belge Charles Deruyter qui l’emporte. Sur 87 partants, 19 sont classés. Le traité de Versailles, rendant l’Allemagne responsabl­e de tous les maux, n’est pas encore signé, il le sera le 28 juin 1919. « L’Allemagne paiera », disait-on. Et le Tour de France, organisé par Henri Desgrange, part le lendemain. La première étape, Paris-Le Havre, intégralem­ent disputée sous la pluie, est remportée par Honoré Barthélémy, « Noré le Rouquin », qui va s’adjuger trois autres étapes au cours de cette édition. Le maillot jaune est créé : c’est Eugène Christophe qui le porte le premier au départ de l’étape de Grenoble. Le Belge Firmin Lambot s’impose au classement général. Onze courageux ont terminé à Paris ! De l’autre côté des Alpes, La Gazzetta dello Sport relance le Tour d’Italie. Le 7e Giro démarre le 11 mai 1919 avec dix étapes pour un total de 3 127 km. La course se dispute au Trentin, au Haut-Adige, et fait étape à Trieste qui furent des enjeux qui conduisire­nt l’Italie à entrer en guerre en 1915. Le premier campioniss­imo, Costante Girardengo, termine premier, confortant le souhait des organisate­urs d’intégrer la « nouvelle Italie ». Jean-Paul Bourgier voit dans cette année-là, 1919, une année charnière pleine de signes. Elle voit naître Fausto Coppi, le début du mouvement fasciste avec Mussolini, l’acquitteme­nt de Raoul Villain, l’assassin de Jaurès. On choisit également le 11 novembre comme date commémorat­ive de la fin des hostilités. L’auteur y voit là la fin d’un certain archaïsme dans le sport cycliste pour une autre histoire en lien avec d’autres événements.

G.P.

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