Le Fana de l'Aviation

Un record et un drame

Le funeste premier vol à Mach 3.

- Par Alexis Rocher

Tout avait commencé dans la foulée du Bell X-1, premier avion et premier pilote supersoniq­ue – Chuck Yeager le 14 octobre 1947. Il n’avait pas atteint Mach 1 que déjà l’USAF demandait un appareil capable de pousser jusqu’à Mach 3. Pour répondre à cette ambition, Bell adopta l’aile en flèche sur une cellule adaptée au vol à grande vitesse. Deux démonstrat­eurs grande vitesse du X-2 (Bell Type 52) furent commandés fin 1945. Comme pour son prédécesse­ur, le X-2 devait être propulsé par un moteur-fusée – ici un Curtiss-Wright XLR25 fonctionna­nt avec un mélange d’alcool d’éthanol et d’oxygène liquide. Très ambitieux, le X-2 ne tarda pas à rencontrer beaucoup de difficulté­s. Le XLR25 produisait près de 7 t de poussée pendant 175 s. Particular­ité : sa puissance était réglable, alors que les moteurs-fusées de l’époque étaient le plus souvent en mode “tout ou rien”. Il se révéla néanmoins être un cauchemar lors de sa mise au point, retardant d’au moins deux ans les essais.

En attendant, faute d’être un sprinteur, le X-2 se fit planeur, avec un premier largage depuis son avion porteur B-50 en juin 1952. Le 12 mai 1953, probableme­nt à cause d’un problème sur le circuit d’oxygène liquide, le X-2 n° 2 explosa sous le B-50, tuant le pilote Jean “Skip” Ziegler et un observateu­r.

Pendant ce temps, la course aux grandes vitesses se poursuivai­t : le Douglas D558-2 “Skyrocket” avait dépassé Mach 2 le 20 novembre 1953 et Chuck Yeager avait atteint Mach 2,44 le 12 décembre sur Bell X-1A.

Les vols du X-2 reprirent à partir de mars 1955, toujours sur un rythme bien lent. Iven Kincheloe trouvait l’avion difficile, particuliè­rement instable à l’atterrissa­ge. Enfin, le 18 novembre 1955, le moteur-fusée daigna fonctionne­r correcteme­nt en vol. Le X-2 devint supersoniq­ue le 25 avril 1956. Il fallut attendre le mois de juillet pour que les premiers records tombent (1). Le 23, Everest poussa l’appareil à Mach 2,87, effaçant la performanc­e de Yeager sur le X-1A. Le 7 septembre, Le record d’altitude du X-1A (27 570 m) fut largement battu avec 38 465 m, cette fois-ci avec Kincheloe aux commandes du X-2. Longtemps nanti de la réputation de “reine du hangar”, le X-2 semblait désormais apte pour les records.

L’USAF voulut semble-t-il dépasser Mach 3 avant son transfert au NACA début octobre. La performanc­e semblait largement possible, si le moteur-fusée ne se montrait pas à nouveau capricieux ! Par contre les militaires furent quelque peu téméraires de confier pour la première fois les commandes à Milburn “Mel” Apt, pilote d’essais patenté, mais qui ne connaissai­t l’appareil qu’après un seul et unique passage au simulateur à terre.

Tout avait pourtant bien commencé…

Tout commence pourtant très bien le 27 septembre. Le moteurfusé­e fonctionne à merveille, Apt dirige sans difficulté le X-2 à haute altitude et contrôle la trajectoir­e. Le

X-2 dépasse Mach 3 ! C’est même Mach 3,19 qui est enregistré. Une première mondiale. À Edwards, l’euphorie est de courte durée. Alors qu’il entame le retour vers sa base en tirant le manche vers la droite, Apt perd le contrôle du X-2. L’appareil part en vrille. Il est en fait victime d’un phénomène dangereux, bien

(1) Les records n’étaient pas enregistré­s par la Fédération aéronautiq­ue internatio­nale car l’avion ne décollait pas par ses propres moyens, contrairem­ent au MiG-21 (lire page 14).

(2) Le principal remède consistait à augmenter la stabilité en lacet avec des plans verticaux de grandes dimensions. connu sur les chasseurs supersop niques : le couplage inertiel. Le changement de trajectoir­e, dû au lacet fait que l’aile à l’extérieur du virage accélère, et porte plus que l’autre,, qui, masqué par lee fuselage, porte moins.s. L’avion est très rapideemen­t déséquilib­ré (2).

Apt tente de s’éjecter er mais il est trop tard, il ne peut quitter la cabine éjectable, qu’il a pourtant actionnée, et s’écrase. C’était le 20e vol du X-2. Au sein du NACA, la fin dud X-2 provoqua une gran grande déception puisque l’avi l’avion n’avait pas pu se livrervre à une exploratio­n plus scientifiq­uescie du domaine de volvo que celle menée par les militaires,mi où la course à la performanc­e primait. Il fallut attendre le X-15 pourp retourner à Mach 3 en mai 1960. Dans la lignée des champions des grandes vitesses,vite malgré sa performanc­e, le X-2 tient toujours une place moins glorieuse que le X-1 ou le X-15.

 ?? NASA ?? De gauche à droite : Milburn “Mel” Apt, le colonel Horace Hanes, directeur des essais en vol de l’Air Force Flight Teste Center d’Edwards, et Iven Kincheloe.
NASA De gauche à droite : Milburn “Mel” Apt, le colonel Horace Hanes, directeur des essais en vol de l’Air Force Flight Teste Center d’Edwards, et Iven Kincheloe.
 ?? NASA ?? Le Bell X-2 fut longtemps handicapé par un moteur-fusée difficile à mettre au point. Il fallut attendre 3 ans avant d’attaquer les records.
NASA Le Bell X-2 fut longtemps handicapé par un moteur-fusée difficile à mettre au point. Il fallut attendre 3 ans avant d’attaquer les records.
 ?? NASA ?? Le Bell X-2 sous son avion porteur B-50. Il pouvait ainsi gagner de l’altitude avant d’enclencher son moteur-fusée.
NASA Le Bell X-2 sous son avion porteur B-50. Il pouvait ainsi gagner de l’altitude avant d’enclencher son moteur-fusée.
 ?? NASA ?? Les débris du X-2 après le vol funeste du 27 septembre. L’avion avait effectué seulement 20 vols.
NASA Les débris du X-2 après le vol funeste du 27 septembre. L’avion avait effectué seulement 20 vols.
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