L’armée de l’Air et la crise de Suez Les aviateurs témoignent
Première partie. Face à la décision de l’Égypte de nationaliser la Compagnie du canal de Suez en juillet 1956, la France, la Grande-Bretagne et Israël envisagent le recours à la force pour faire plier Nasser.
Tout a-t-il été dit sur l’engagement de l’armée de l’Air lors de la crise de Suez en 1956 ? Certes, les grandes synthèses ont été écrites, les aspects particuliers analysés (lire notamment Le Fana de l’Aviation nos 251 à 253 et 376 à 377) et certains secrets dévoilés. Pour autant, celle qu’on désigne parfois comme la guerre “la plus courte de l’histoire” mérite, à l’occasion de ce 60e anniversaire, d’être revisitée à la lumière des témoignages laissés par les acteurs eux-mêmes. Retour sur une campagne aérienne qui n’est pas sans préfigurer l’ère des “opérations extérieures” d’aujourd’hui.
contexte dans lequel se déroule cette affaire mérite quelques précisions : le colonel Nasser, qui s’est imposé à la tête de l’Égypte deux ans plus tôt et cherche des capitaux pour financer la construction d’un barrage sur le haut cours du Nil à Assouan, annonce le 23 juillet 1956 sa décision de nationaliser la Compagnie du canal de Suez, une société mixte à capitaux en majorité anglais et français qui garantit le statut international et la libre circulation sur celui-ci. En Grande-Bretagne comme en France, la stupeur fait bientôt place à la colère et à la volonté de ne pas céder face à ce qui est considéré comme une violation flagrante du droit international et une provocation délibérée. Chacun des deux pays a des raisons bien différentes d’envisager le recours à la force pour faire céder Nasser. Les Britanniques considèrent que le dirigeant égyptien constitue un obstacle majeur à la politique menée par la Grande-Bretagne au Moyen-Orient et une menace pour la survie de leur pays comme grande puissance. Les Français voient pour leur part dans cette affaire une occasion inespérée de faciliter le règlement du problème algérien qui depuis près de deux ans constitue la préoccupation dominante des dirigeants de la IVe République, alors même que l’Égypte est accusée de fournir une aide militaire et logistique au FLN, d’accueillir sa délégation extérieure et d’internationaliser son action à travers les ondes de La Voix des Arabes dont les émetteurs se trouvent au Caire. Abattre Nasser revient donc à étrangler les nationalistes algériens dans leur sanctuaire.
Sous le sceau du secret
heures seulement après le discours de Nasser, le Premier ministre britannique Anthony Eden réunit immédiatement ses principaux ministres, les chefs d’états-majors et les ambassadeurs américain et français à Londres. Une action militaire est d’emblée envisagée, si nécessaire avec les seuls moyens de la Couronne. Toutefois, une intervention immédiate se révèle impossible dans la mesure où les moyens militaires de la Grande-Bretagne dans la région s’avèrent pour l’heure insuffisants pour opérer sans soutien face aux forces égyptiennes qui continuent à bénéficier de livraisons en matériel soviétique. Du côté français, les prévisions sont de même nature et aboutissent à la nécessité de mise en oeuvre