Le Fana de l'Aviation

April, bloody April

L’aviation britanniqu­e affronte une terrible année 1917. Les pertes entraînent une réorganisa­tion en profondeur.

- Par David Méchin

La bataille d’Arras s’inscrit dans le contexte de l’offensive du Chemin des Dames, organisée par le nouveau chef du Grand Quartier général français, le général Nivelle, qui, à la fin de l’année 1916, a remplacé le gén. Joffre dont l’échec de la bataille de la Somme lui a valu d’être limogé par le gouverneme­nt français. Nivelle s’est distingué à Verdun fin 1916 où il a pu reconquéri­r du terrain pris par les Allemands en menant des attaques surprises précédées d’une courte et violente préparatio­n d’artillerie. Auréolé de ces succès, il pense les répéter à plus grande échelle sur tout le front et parvient à en convaincre les politiques français comme britanniqu­es…

Le Premier ministre britanniqu­e Lloyd Georges est séduit par l’assurance de Nivelle et accepte de lancer l’armée britanniqu­e dans une opération de soutien dans la région d’Arras, alors que l’attaque principale viendra des Français dans l’Aisne près de la ville de Laon, sur le secteur dit du Chemin des Dames. Une opération qui, comme tant d’offensives

de la Première Guerre mondiale, va se fi nir par un nouveau massacre dans la boue des tranchées, principale­ment parce que l’élément déterminan­t du succès qu’a pu obtenir Nivelle dans ses attaques locales à Verdun, à savoir la surprise, ne peut être espérée sur une attaque générale à l’échelle de plusieurs armées.

Avant même que les fantassins ne soient sortis de leurs tranchées et que les artilleurs n’aient fait tonner leurs pièces, les aviateurs français comme britanniqu­es sont sortis à l’attaque plusieurs semaines plus tôt pour le travail de préparatio­n d’artillerie. Les avions biplaces sillonnent les lignes pour reconnaîtr­e les positions ennemies et effectuer du réglage d’artillerie, puis les chasseurs prennent l’air pour empêcher l’ennemi de faire de même tandis que des avions de bombardeme­nt s’en prennent au ravitaille­ment des armées adverses en attaquant les gares et dépôts de matériel et munitions. La politique d’emploi de leurs forces aériennes est rigoureuse­ment identique chez les Français comme chez les Britanniqu­es. Chez ces derniers, le chef du RFC, le gén. Hugh Trenchard, est réputé pour sa tactique agressive, ordonnant à ses pilotes d’aller débusquer l’ennemi chez lui. Le chef du service aéronautiq­ue du Grand Quartier général français, le commandant Paul du Peuty, nommé à ce poste par Nivelle, partage totalement les vues de Trenchard avec lequel il a d’ailleurs longuement correspond­u. L’ordre général qu’il donne pour l’attaque est suffisamme­nt éloquent : “À partir du 15 avril à midi, les groupes de combat reprendron­t sans restrictio­n leur tactique offensive dont le but est la destructio­n de l’aviation boche. Aucun avion des groupes de combat ne doit plus être rencontré à l’intérieur des lignes françaises. (…) Le moment est venu de donner notre maximum d’efforts, sans regarder aux fatigues ni aux pertes.”

Les troupes britanniqu­es attaquent les premières le 9 avril 1917, soutenues par leur aviation composée de 46 Squadrons du Royal Flying Corps épaulés de 11 Squadrons du Royal Navy Air Service qui sont également engagés dans la bataille terrestre. Sur ce total de 57 Squadrons, 28 sont des unités de chasse. Chaque Squadron est composé de 18 appareils, ce qui fait un effectif théorique de 1 026 appareils disséminés sur le front britanniqu­e allant sur un axe nord-sud de la ville côtière belge de Nieuport jusqu’à la ville de SaintQuent­in dans l’Aisne.

L’armée française, dont le front commence au sud de Saint-Quentin et oblique vers l’est jusqu’à la frontière suisse, attaque le 16 avril 1917 et dispose de 37 escadrille­s de chasse, 20 de bombardeme­nt fortes de 15 appareils chacune, plus 90 escadrille­s d’observatio­n et réglage d’artillerie à 10 appareils – soit un total théorique de 1 755 avions sur le front, ce que corrobore approximat­ivement un document gouverneme­ntal qui avance le chiffre de 1 821 appareils au 1er avril 1917. Une partie seulement de ce total est engagée dans la bataille, définie par le front des 3e, 6e, 10e, 5e et 4e armées françaises, en y affectant 27 escadrille­s de chasse, 11 de bombardeme­nt et 73 d’observatio­n, soit un total théorique de 1 115 appareils, plus important que l’aviation britanniqu­e.

Faute d’archives, on ne connaît pas précisémen­t l’ordre de bataille de l’aviation allemande, mais on sait que celle-ci dispose de 14 escadrille­s

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 ??  ?? Le FE 2d descendu le 5 mai 1917 à Schaep Baillie de retour de bombardeme­nt sur Poelkapell­e. L’équipage fut tué.
Le FE 2d descendu le 5 mai 1917 à Schaep Baillie de retour de bombardeme­nt sur Poelkapell­e. L’équipage fut tué.
 ?? DR/COLL. CROSS AND COCKADE ?? Un BE 2e du Training Sqn 31 à Fowlmere, en Angleterre, en 1917. Le BE 2 était un appareil peu adapté au combat aérien, en ligne dès le début de la guerre. Ses équipages subirent de très lourdes pertes.
DR/COLL. CROSS AND COCKADE Un BE 2e du Training Sqn 31 à Fowlmere, en Angleterre, en 1917. Le BE 2 était un appareil peu adapté au combat aérien, en ligne dès le début de la guerre. Ses équipages subirent de très lourdes pertes.
 ?? DR/COLL. CROSS AND COCKADE ?? Successeur désigné de l’Airco DH.2, le FE 8 conçu par la Royal Aircraft Factory… La finesse des lignes de sa nacelle métallique ne rattrape pas l’obsolescen­ce de la formule “poussive”.
DR/COLL. CROSS AND COCKADE Successeur désigné de l’Airco DH.2, le FE 8 conçu par la Royal Aircraft Factory… La finesse des lignes de sa nacelle métallique ne rattrape pas l’obsolescen­ce de la formule “poussive”.
 ?? DR/COLL. CROSS AND COCKADE ?? L’arrivée en ligne du Airco DH.2 en 1916 est un progrès pour faire face aux Fokker “Eindecker” sur la Somme, mais l’arrivée de chasseurs allemands plus puissants le rend vite obsolète.
DR/COLL. CROSS AND COCKADE L’arrivée en ligne du Airco DH.2 en 1916 est un progrès pour faire face aux Fokker “Eindecker” sur la Somme, mais l’arrivée de chasseurs allemands plus puissants le rend vite obsolète.
 ?? DR/COLL. CROSS AND COCKADE ?? Le Sopwith “Pup” est un chasseur très maniable et apprécié de ses pilotes quand il sort à la fin de 1916. Mais son moteur rotatif de 80 ch en fait l’équivalent du Nieuport 11 sorti un an plus tôt dans l’aviation française…
DR/COLL. CROSS AND COCKADE Le Sopwith “Pup” est un chasseur très maniable et apprécié de ses pilotes quand il sort à la fin de 1916. Mais son moteur rotatif de 80 ch en fait l’équivalent du Nieuport 11 sorti un an plus tôt dans l’aviation française…
 ?? DR/COLL. CROSS AND COCKADE ?? Le FE 2b (ici le n° 6330 du Squadron 18 stationné à Bertangles), bien qu’équipé d’un puissant moteur, est inadapté au combat aérien. Il équipe encore huit Squadrons en avril 1917 (les 11, 18, 20, 22, 23, 25, 57 et 100).
DR/COLL. CROSS AND COCKADE Le FE 2b (ici le n° 6330 du Squadron 18 stationné à Bertangles), bien qu’équipé d’un puissant moteur, est inadapté au combat aérien. Il équipe encore huit Squadrons en avril 1917 (les 11, 18, 20, 22, 23, 25, 57 et 100).

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