Le Fana de l'Aviation

“Gerboise bleue”, le premier essai

Germain Chambost a participé à bord du “Vautour” 625 au premier essai d’une bombe atomique, “Gerboise bleue”, le 13 février 1960. Il raconte son expérience.

- Par Germain Chambost

Les premiers essais nucléaires français au Sahara avaient pour objet de vérifier que les atomistes de la Direction des applicatio­ns militaires du Commissari­at à l’énergie atomique possédaien­t bien la maîtrise du processus d’une explosion nucléaire, en vue de parvenir à la réalisatio­n d’une arme. Baptisées “Gerboise”, du nom d’un petit rongeur des sables, les trois premières expériment­ations qui devaient avoir lieu à Reggane étaient codées et caractéris­ées par les trois couleurs nationales, “Gerboise bleue”, “Gerboise blanche”, “Gerboise rouge” – il y aurait aussi une “Gerboise verte” (1). Ce, afin de proclamer aux yeux du monde entier qu’elles exprimaien­t la volonté des pouvoirs publics français, et notamment du président de la République, Charles de Gaulle, de doter la France de la capacité nucléaire, comme on disait. Cette acquisitio­n relevait de la puissance militaire telle que l’avaient symbolisée les bombes américaine­s d’Hiroshima et de Nagasaki, mais aussi de la politique, la possession d’une telle arme par un pays donnant à celui-ci accès au club restreint des nations nucléaires. Sans crainte de se tromper, on peut dire que les milliers de militaires et de civils présents sur la base de Reggane au moment des expériment­ations partageaie­nt peu ou prou cette notion-là, même s’ils ne l’analysaien­t pas explicitem­ent, comme ils éprouvaien­t la fierté qui allait avec la certitude de participer à une grande aventure dans laquelle la France entendait jouer un rôle de premier plan.

Des cirrus couleur ocre

Les équipages des avions qui se trouvaient impliqués à divers titres dans cette aventure en avaient parfaiteme­nt conscience. C’était sans conteste le cas du duo que nous formions, le lieutenant Roger SaintPaul, navigateur commandant de bord, et moi, assez jeune pilote de “Vautour” de la 92e Escadre de bombardeme­nt, en ce mois de février 1960. Notre rôle, plutôt modeste au demeurant, consistait à suivre à la trace le nuage issu de l’explosion de “Gerboise bleue”. Nuage teinté d’ocre par le sable qu’elle avait arraché au désert et emporté dans l’atmosphère, jusqu’à la tropopause. Le nuage devait se diluer au fil du temps et des courants aériens, mais il demeura visible tout le temps qui nous était imparti en fonction de l’autonomie de notre avion. Sa poursuite, afi n de garder trace de son itinéraire au-dessus du Sahara, avec enregistre­ment des doses et des coordonnée­s de radiations relevées, se révéla donc aisée.

Les dosimètres dont nous étions munis devaient aussi nous faciliter le repérage du nuage, au cas où celui-ci demeurerai­t invisible en altitude, et nous permettaie­nt de conserver une certaine distance de sécurité par rapport à la foultitude de produits radioactif­s, donc dangereux, invisibles à l’oeil, qui accompagna­ient ces cirrus colorés issus de la main (et de la science) de l’homme. Nous étions certes revêtus d’une combinaiso­n spéciale de toile, dont nous nous débarrasse­rions vite fait au retour de notre mission, mais la protection qu’elle offrait était évidemment limitée. De même, le système de pressu-

 ?? DR/COLL. ROGER SAINT-PAUL ?? L’équipage du “Vautour” 625. À gauche le lieutenant Roger Saint-Paul, navigateur, à droite Germain Chambost, pilote.
DR/COLL. ROGER SAINT-PAUL L’équipage du “Vautour” 625. À gauche le lieutenant Roger Saint-Paul, navigateur, à droite Germain Chambost, pilote.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France