La bataille d’Orleans
Le 21 juillet 1918, un U-Boot attaqua les ÉtatsUnis à Orleans, dans le Massachussets. Stupeur et branle-bas de combat sur la base aéronautique navale de Chatham.
Un sous- marin allemand attaque les États- Unis en 1918. L’aviation américaine fait face…
Affirmer que la Première Guerre mondiale eut lieu sur le sol américain est presque complètement absurde. Presque… Chaque règle a des exceptions et, bien que l’on considère à juste titre que les combats de la Première Guerre mondiale eurent lieu loin de l’Amérique du Nord continentale, il y eut effectivement une exception venue d’un sous-marin allemand. Il fit plus que simplement harceler les bateaux de pêche et la navigation côtière américaine : il attaqua une cible sur terre et déclencha une bataille aérienne au large d’une petite ville du Massachusetts nommée Orleans, près du cap Cod.
Le sous-marin impliqué dans la bataille était le U-156. Construit au chantier naval Atlas Werke à Brême à la fin de l’automne 1916 et lancé en avril 1917, ce sous-marin était l’un des plus grands navires de la flotte sous-marine allemande, mesurant près de 60 m de long et 9 m de large.
Un U-Boot en maraude…
En dehors de son kiosque de commandement et de ses canons de pont, sa coque était lisse tout autour et peinte en gris foncé. Sa vitesse maximale était de 12 noeuds à la surface et de 5 noeuds une fois submergée, sa profondeur maximale étant de 45 m. Il était armé de 18 torpilles qu’il tirait sur deux tubes vers l’avant, et pouvait emmener des mines marines. De plus, il était équipé de deux canons de pont de 15 cm, l’un à l’avant, l’autre à l’arrière, pour des cibles pas assez grandes ou suffisamment impor-
tantes pour mériter le coût d’une torpille. Les canons de pont – qui furent utilisés lors de la bataille d’Orleans –avaient une portée efficace plus longue que celle des canons qui furent utilisés contre lui, permettant aux navires de la classe U-156 d’avoir l’avantage de tirer en toute impunité au début d’une bataille. Avec un tirant d’eau de seulement 5 m, il pouvait opérer dans des eaux côtières relativement peu profondes. Avant même d’entreprendre la traversée de l’Atlantique qui allait aboutir à la bataille d’Orléans, le U-156 avait déjà connu le baptême du feu en coulant neuf navires alliés au large des côtes portugaises.
Le Perth Amboy en ligne de mire
La cible principale du U-156 lors de la bataille d’Orléans était le remorqueur à coque d’acier de 36 m Perth Amboy et ses quatre barges, dans l’ordre les Barge 766, Barge 703, Barge 740 et la Lansford, le convoi se dirigeant vers les caps de Virginie. Seule la 766 transportait du fret (du granit du cap Ann) ; les trois autres barges étaient vides. Ceci était tout à fait habituel : les convois de péniches, tirées par des remorqueurs, étaient essentiels à l’infrastructure énergétique de la nation à l’époque. Le granit était, selon toute vraisemblance, une cargaison d’opportunité, car ces convois ne transportaient généralement pas de cargaison de retour.
Le charbon extrait dans les Appalaches était transporté par chemin de fer vers les ports de la côte de Virginie comme Norfolk et Newport News, et sur la côte du New Jersey comme South Amboy et Perth Amboy – d’où le nom du remorqueur. De là, il était transporté par barge vers divers ports de marchandises en vrac, dont ceux de la Nouvelle-Angleterre, comme Salem, au Massachusetts qui, au moment de l’indépendance américaine, connut un trafic portuaire très important mais qui, au début du XXe siècle, était en déclin, les besoins maritimes de l’Amérique ayant évolué.
Il y avait 35 personnes à bord du convoi. En plus du remorqueur à l’avant, chaque péniche avait son propre capitaine et son équipage, et certains d’entre eux avaient des membres de leur famille à bord. Selon toute vraisemblance, le Perth Amboy et ses barges rentraient chez eux après avoir terminé les livraisons de charbon le long de la côte, pour être rechargés en vue du prochain voyage. À noter que le jour de la bataille, deux navires charbonniers, l’Arlington et le JB King, naviguaient dans les parages. Ce que l’U-156 attaquait n’était pas une cargaison de granit, mais l’équivalent d’un pétrolier vide d’aujourd’hui.
Le San Diego, touché, sombre dans les flots
Protéger le Perth Amboy et ses barges était la mission de la Naval Air Station (NAS, base aéronautique navale) de Chatham et de ses quatre hydravions. Au moment où cette bataille fut livrée, l’aviation navale américaine était tout juste naissante. Lorsque les États-Unis entrèrent dans la Première Guerre mondiale le 6 avril 1917, le département de la Marine (qui, à l’époque, opérait indépendamment du département de la Guerre, devenu département de la Défense en 1947), n’avait qu’une seule base opérationnelle, avec un total de 54 avions, et seulement 48 pilotes – y compris les élèves. Plusieurs bases aéronautiques navales furent hâtivement aménagées après l’entrée en guerre, dont celle de Chatham créée 29 août 1917 et qui ne reçut ses premiers appareils qu’au mois de mars 1918 : quatre Curtiss R-9, un monomoteur biplace à flotteurs, adapté du Curtiss R-6 terrestre, spécifiquement construit pour l’US Navy. Deux semaines à peine avant le début de la bataille, quatre