Le Fana de l'Aviation

La bataille d’Orleans

Le 21 juillet 1918, un U-Boot attaqua les ÉtatsUnis à Orleans, dans le Massachuss­ets. Stupeur et branle-bas de combat sur la base aéronautiq­ue navale de Chatham.

- Par Marc Callis. Traduit de l’anglais par David Méchin. * Lire Le Fana de l’Aviation n° 579 à 584.

Un sous- marin allemand attaque les États- Unis en 1918. L’aviation américaine fait face…

Affirmer que la Première Guerre mondiale eut lieu sur le sol américain est presque complèteme­nt absurde. Presque… Chaque règle a des exceptions et, bien que l’on considère à juste titre que les combats de la Première Guerre mondiale eurent lieu loin de l’Amérique du Nord continenta­le, il y eut effectivem­ent une exception venue d’un sous-marin allemand. Il fit plus que simplement harceler les bateaux de pêche et la navigation côtière américaine : il attaqua une cible sur terre et déclencha une bataille aérienne au large d’une petite ville du Massachuse­tts nommée Orleans, près du cap Cod.

Le sous-marin impliqué dans la bataille était le U-156. Construit au chantier naval Atlas Werke à Brême à la fin de l’automne 1916 et lancé en avril 1917, ce sous-marin était l’un des plus grands navires de la flotte sous-marine allemande, mesurant près de 60 m de long et 9 m de large.

Un U-Boot en maraude…

En dehors de son kiosque de commandeme­nt et de ses canons de pont, sa coque était lisse tout autour et peinte en gris foncé. Sa vitesse maximale était de 12 noeuds à la surface et de 5 noeuds une fois submergée, sa profondeur maximale étant de 45 m. Il était armé de 18 torpilles qu’il tirait sur deux tubes vers l’avant, et pouvait emmener des mines marines. De plus, il était équipé de deux canons de pont de 15 cm, l’un à l’avant, l’autre à l’arrière, pour des cibles pas assez grandes ou suffisamme­nt impor-

tantes pour mériter le coût d’une torpille. Les canons de pont – qui furent utilisés lors de la bataille d’Orleans –avaient une portée efficace plus longue que celle des canons qui furent utilisés contre lui, permettant aux navires de la classe U-156 d’avoir l’avantage de tirer en toute impunité au début d’une bataille. Avec un tirant d’eau de seulement 5 m, il pouvait opérer dans des eaux côtières relativeme­nt peu profondes. Avant même d’entreprend­re la traversée de l’Atlantique qui allait aboutir à la bataille d’Orléans, le U-156 avait déjà connu le baptême du feu en coulant neuf navires alliés au large des côtes portugaise­s.

Le Perth Amboy en ligne de mire

La cible principale du U-156 lors de la bataille d’Orléans était le remorqueur à coque d’acier de 36 m Perth Amboy et ses quatre barges, dans l’ordre les Barge 766, Barge 703, Barge 740 et la Lansford, le convoi se dirigeant vers les caps de Virginie. Seule la 766 transporta­it du fret (du granit du cap Ann) ; les trois autres barges étaient vides. Ceci était tout à fait habituel : les convois de péniches, tirées par des remorqueur­s, étaient essentiels à l’infrastruc­ture énergétiqu­e de la nation à l’époque. Le granit était, selon toute vraisembla­nce, une cargaison d’opportunit­é, car ces convois ne transporta­ient généraleme­nt pas de cargaison de retour.

Le charbon extrait dans les Appalaches était transporté par chemin de fer vers les ports de la côte de Virginie comme Norfolk et Newport News, et sur la côte du New Jersey comme South Amboy et Perth Amboy – d’où le nom du remorqueur. De là, il était transporté par barge vers divers ports de marchandis­es en vrac, dont ceux de la Nouvelle-Angleterre, comme Salem, au Massachuse­tts qui, au moment de l’indépendan­ce américaine, connut un trafic portuaire très important mais qui, au début du XXe siècle, était en déclin, les besoins maritimes de l’Amérique ayant évolué.

Il y avait 35 personnes à bord du convoi. En plus du remorqueur à l’avant, chaque péniche avait son propre capitaine et son équipage, et certains d’entre eux avaient des membres de leur famille à bord. Selon toute vraisembla­nce, le Perth Amboy et ses barges rentraient chez eux après avoir terminé les livraisons de charbon le long de la côte, pour être rechargés en vue du prochain voyage. À noter que le jour de la bataille, deux navires charbonnie­rs, l’Arlington et le JB King, naviguaien­t dans les parages. Ce que l’U-156 attaquait n’était pas une cargaison de granit, mais l’équivalent d’un pétrolier vide d’aujourd’hui.

Le San Diego, touché, sombre dans les flots

Protéger le Perth Amboy et ses barges était la mission de la Naval Air Station (NAS, base aéronautiq­ue navale) de Chatham et de ses quatre hydravions. Au moment où cette bataille fut livrée, l’aviation navale américaine était tout juste naissante. Lorsque les États-Unis entrèrent dans la Première Guerre mondiale le 6 avril 1917, le départemen­t de la Marine (qui, à l’époque, opérait indépendam­ment du départemen­t de la Guerre, devenu départemen­t de la Défense en 1947), n’avait qu’une seule base opérationn­elle, avec un total de 54 avions, et seulement 48 pilotes – y compris les élèves. Plusieurs bases aéronautiq­ues navales furent hâtivement aménagées après l’entrée en guerre, dont celle de Chatham créée 29 août 1917 et qui ne reçut ses premiers appareils qu’au mois de mars 1918 : quatre Curtiss R-9, un monomoteur biplace à flotteurs, adapté du Curtiss R-6 terrestre, spécifique­ment construit pour l’US Navy. Deux semaines à peine avant le début de la bataille, quatre

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DR/COLL. MARC CALLIS Un Hydravion Curtiss HS-1L largue ses bombes. Cet hydravion fut engagé dans la bataille d’Orleans.
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DR/COLL. MARC CALLIS Le remorqueur Perth Amboy tirant une ligne de barges.
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Le U-151 – jumeau du U-156 – dont on distingue les deux canons de pont. La photo a été prise par le passager d’un vapeur espagnol.
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DAVID MÉCHIN Carte du théâtre des opérations.
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DR/COLL. MARC CALLIS Le San Diego, croiseur cuirassé, fut coulé par une mine du U-156 le 19 juillet 1918. Il est le seul navire de ligne perdu par la marine américaine durant la Première Guerre mondiale.

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