Les “Tracker” en Californie : la ruée sur le feu
Au sein du California Department of Forestry, aujourd’hui Cal Fire, les “Tracker” ont pour mission l’attaque initiale des feux. Ils s’y montrent particulièrement efficaces.
L’expérience menée par l’Ontario avec les “Tracker” modifiés chez Field Aviation avait attiré l’attention jusqu’en Californie. L’État, qui pouvait disposer pour la protection de son territoire des “Tanker” lourds sous contrat avec l’US Forest Service, était sous une telle menace des feux de forêt qu’il contractait aussi des appareils complémentaires auprès de différentes compagnies pour son usage exclusif. Ainsi des F7F “Tigercat” de la compagnie SIS-Q basés dans le Nord de l’État épaulaient des TBM “Avenger” de différentes sociétés. L’ensemble de ces moyens étaient activés par le California Department of Forestry (CDF) par le biais de contrats de location saisonniers.
Au début des années 1970, une série d’accidents d’“Avenger” amenèrent l’ensemble des décideurs à se prononcer sur des changements profonds de la flotte avec dans l’idée de l’homogénéiser autour d’un seul type d’appareil, mais il fallait trouver la bonne machine, apte à la mission d’attaque initiale.
Les responsables du CDF s’intéressèrent au “Tracker” et débutèrent un programme d’évaluation en septembre 1971. L’Ontario accepta de fournir aux Californiens les plans des avions modifiés par Field Aviation, notamment ceux, cruciaux, de la soute conçue par Knox Hawkshaw. Par ailleurs, quatre TS-2A furent récupérés auprès de l’US Navy et confiés à la société Venable Aircraft Co, sur l’aérodrome Ryan Airfield à Hemet Valley, pour être convertis.
Le premier à sortir d’atelier fut le “Tanker” 70, immatriculé N400DF, ancien BuNo 136458, suivi rapidement par le “Tanker” 71, N403DF et ex-136514. Ils participèrent, au titre de l’évaluation opérationnelle de ces nouveaux avions, à la saison 1973, mais leur soute organisée de l’avant vers l’arrière et aux portes parfois un peu capricieuses ne donna pas vraiment satisfaction. Leur carrière fut d’ailleurs assez courte puisqu’ils furent arrêtés de vol et ferraillés en 1988.
Le CDF décida de poursuivre le projet “Tracker” en se portant acquéreur de 19 avions S-2A (S2F-1/ S2F-2) retirés du service par l’US Navy. La société Aero Union, basée à Chico, fut sélectionnée pour modifier ces appareils avec une nouvelle
soute, mieux agencée et plus fiable. À cette époque, Aero Union venait d’être sélectionnée pour construire les plateformes MAFFS ( Modular Airborne Fire Fighting System, système modulable aéroporté pour la lutte contre les incendies) destinées à équiper certain C-130 de l’US Air Force, preuve que l’entreprise disposait d’un niveau technique reconnu. La nouvelle soute des “Tracker” du CDF fut conçue en partenariat avec Winters Aviation, une société située à Los Angeles. D’une contenance de 800 gallons (3 028 l) et disposant toujours de quatre portes pouvant être ouvertes en séquence, son compartimentage était organisé dans le sens longitudinal de l’avion et elle ne dépassait pas sous l’appareil. Grâce à un décrochement idéalement placé, elle permettait à l’équipage de continuer à utiliser la porte latérale pour accéder au poste de pilotage. Très efficace, cette soute commença par équiper les avions exploités par Aero Union puis fut mise en service sur les appareils des autres contractants californiens, Hemet Valley, SIS-Q de Santa Rosa et enfin TBM Inc de Tulare.
Attaquer le feu le plus vite possible
Ces compagnies se partagèrent donc les opérations en Californie, avec des avions identiques qui ne se différenciaient que par des bandes de couleurs différentes. À partir de 1977, avec le retrait des derniers F7F “Tigercat” de SIS-Q, le CDF n’employa plus que des “Tracker” depuis ses différentes bases répar- ties sur l’ensemble de l’État. À partir du milieu des années 1980, le CDF décida de ne confier ses avions qu’à une seule entreprise sous contrat, sélectionnée sur appel d’offres, San Joachim Helicopters.
mission des “Tracker” du CDF est l’attaque initiale. Lorsqu’un feu est détecté, les avions de la base la plus proche décollent immédiatement en compagnie de leur guide, dans les premiers temps des Cessna O-2. Arrivés sur zone, ils procèdent sans tarder aux premiers largages pour tenter de stopper le développement du sinistre avec le retardant. Si cette intervention est suffisante, les avions retournent à leur base, rechargent leurs soutes de retardant et se mettent en attente pour la prochaine alerte. Sinon, ils repartent vers le feu pour continuer le travail
tandis que le Cessna maintient une présence sur zone pour observer les développements du sinistre. Si l’intervention initiale ne suffit pas et si la situation l’exige, le CDF demande l’intervention des avions lourds fédéraux et expédie sur place ses coordinateurs ainsi que ses soldats du feu qui auront aussi pour tâche de juguler l’incendie par les moyens habituels, c’est-à-dire en traçant des coupe-feu avec leurs bulldozers ou en utilisant la technique du contre-feu.
Le “Tracker” se montre particulièrement à son aise dans cette mission. Rapide, agile et disposant d’une charge significative, ses deux moteurs le rendent particulièrement sécurisants. Comme les pilotes canadiens l’avaient détecté dès le départ, il était donc idéalement calibré pour cette nouvelle mission.