Le Fana de l'Aviation

Conair “Firecat”, le chasseur de feu

Lorsque la province de l’Ontario mit un terme à son programme “Tracker” en 1979, la société Conair racheta les appareils et les modifia au standard “Firecat” qu’elle venait de mettre au point.

- Par Frédéric Marsaly

Conair fut créée en 1969 comme filiale de Skyway Air Services, spécialisé­e dans l’épandage et la lutte aérienne contre les feux de forêt. À ses débuts, l’entreprise initialeme­nt basée à Langley, en Colombie-Britanniqu­e, comptait 35 employés et 19 avions. Elle déménagea ensuite sur l’aérodrome d’Abbotsford, non loin de Vancouver, et se développa pour atteindre aujourd’hui 250 employés et 65 avions utilisés sous contrat dans plusieurs provinces canadienne­s et parfois même en renfort aux États-Unis.

Non seulement elle exploita, depuis ses débuts, de nombreux bombardier­s d’eau, mais elle dispose toujours d’équipes et d’installati­on techniques lui permettant de développer des systèmes de largages et de convertir ses avions en interne.

Lorsqu’Alexandre Linkewitch et Bill Nash présentère­nt le “Tracker” modifié par Field Aviation aux autorités de Colombie-Britanniqu­e, ils le montrèrent également aux pilotes de Conair qui volaient à l’époque sur A-26 “Invader”, un avion performant mais vieillissa­nt. Il faut croire que les expérience­s menées en Ontario, au Saskatchew­an et en Californie avaient aiguillé l’intérêt général pour cet avion discret mais bien adapté à cette nouvelle mission.

Continuer à modifier les avions selon le modèle imaginé par Field Aviation aurait été possible mais il y avait moyen de faire mieux. Field Aviation, en simplifian­t, n’avait fait qu’ajouter une soute de largage à une cellule héritée de la marine canadienne. Conair décida d’aller plus loin. Puisque les livraisons d’avions canadiens ne se faisaient pas au rythme désiré, elle se tourna vers les surplus de l’US Navy et parvint à obtenir plusieurs S2F-1, S2F-2 et autres US-2 déclassés. Pour rationalis­er la flotte, il fallait donc les mettre au même standard. Ces appareils furent donc entièremen­t débarrassé­s de tous leurs équipement­s militaires, un allégement pouvant atteindre jusqu’à 1 360 kg.

L’accès des pilotes par la trappe d’évacuation

Une nouvelle soute à retardant fut conçue pour s’intégrer dans le fuselage du “Tracker”. Elle mesurait 3,25 m de long, 1,27 m de large, 87 cm de profondeur et pesait 328 kg. Elle comportait quatre compartime­nts de 823 l chacun, soit un total de 3 292 l.

Pour l’intégrer, il fallut supprimer le compartime­nt arrière, où se trouvaient les opérateurs radar, en relevant son plancher, ce qui eut pour conséquenc­e de neutralise­r la porte d’accès au poste de pilotage sur le côté droit du fuselage. L’accès se faisait désormais par l’ancienne trappe d’évacuation d’urgence des opérateurs radars située sur le haut du fuselage. Une échelle amovible, dont la première marche se situe à près d’un mètre du sol, permettait aux pilotes d’accéder au poste de pilotage. L’échelle trouvait ensuite sa place dans le compartime­nt arrière.

À la différence de la soute conçue par Knox Hawkshaw pour Field Aviation, le compartime­ntage fut réalisé dans le sens longitudin­al de l’appareil, ce qui réduisit le phénomène d’autocabrag­e et surtout réso-

lut d’éventuels problèmes de centrage en cas de blocage d’une ou plusieurs portes. Elle était clairement proche du modèle développé par Winters Aviation et Aero Union, à la différence du décrocheme­nt permettant de conserver l’usage de la porte latérale sur les avions américains.

Quatre portes fermaient les quatre compartime­nts et un système permettait de les ouvrir selon plusieurs scénarios : toutes d’un coup pour effectuer un largage massif, deux seulement pour un largage demi-charge, et successive­ment pour créer une barrière de retardant plus longue. En outre, les systèmes électrique­s et hydrauliqu­es de l’avion furent également totalement refaits et le train d’atterrissa­ge principal doté d’une roue plus large, à l’instar des avions de l’Ontario.

“Firecat”, le chasseur de feux

Ainsi lourdement modifié, le “Tracker”, sous la supervisio­n de l’ingénieur Bruce Emery, fut baptisé “Firecat”, un nom particuliè­rement bien choisi et tout à fait dans la tradition des chasseurs Grumman portant des noms de félins et intronisan­t ainsi le bimoteur comme un authentiqu­e… chasseur de feux ! Les deux premiers avions convertis entrèrent en service pour Conair en 1978 (“Firecat” 61, C- GHQZ) et 1979 (“Firecat” 62, C- GHQY), et c’est à cette époque que la société se porta acquéreur des “Tracker” mis en vente par l’Ontario afin de les porter à ce nouveau standard.

Puisque le retrait de service de ces appareils avait été provoqué par la découverte de points de corrosion, un des gros chantiers de Conair fut, bien souvent, de procéder à un changement standard des pièces concernées et d’appliquer un traitement spécial conçu par la firme d’Abbotsford. Les “Firecat” sortant ainsi de conversion virent leurs potentiels remis à zéro, offrant aux opérateurs des années d’utilisatio­n possibles.

Conair fut donc le premier opérateur à mettre en service des “Firecat” pour le compte de la province de Colombie-Britanniqu­e. Une première évaluation opérationn­elle se déroula avec le “Tanker” 61, le seul disponible, du 23 mai au 8 juillet 1979, au cours de laquelle 17 missions réelles furent effectuées et réussies. Malheureus­ement, le 25 juillet 1978, le “Firecat” 61 s’écrasa au cours d’une démonstrat­ion en vol à Castlegar, tuant son pilote. Une photo terrible de l’accident existe, montrant l’avion à quelques dixièmes de secondes de l’impact, à la verticale. L’avion aurait déclenché au cours d’une manoeuvre trop serrée.

Néanmoins, l’appareil ayant donné satisfacti­on par ailleurs, le programme se poursuivit et, en 1982, la Colombie- Britanniqu­e pouvait disposer de cinq “Firecat” aux côtés des derniers A- 26 “Invader” et de trois DC- 6, tous opérés par Conair. L’année suivante, Conair disposait de huit “Firecat”. En 1985, dernière saison des A-26 de Conair, l’entreprise introduisi­t une nouvelle soute sur le “Tanker” 69, premier à en être doté, contrôlée par un calculateu­r, offrant plus d’options pour le séquençage des ouvertures de portes.

Sur leurs différente­s bases détachées au cours de la saison des feux, les équipages étaient soumis à un régime d’alerte en quatre phases. En alerte rouge, les pilotes devaient être en mesure de décoller sans délai pour intervenir. L’alerte jaune leur offrait un délai de 30 minutes pour être en mesure de décoller. En phase d’alerte bleue, le pilote n’était pas tenu de rester sur l’aérodrome mais restait mobilisabl­e. L’alerte verte correspond­ait aux phases de repos indispensa­bles.

Conforméme­nt aux doctrines en usage en Amérique du Nord, les “Firecat” de Conair étaient engagés systématiq­uement avec un “Bird Dog”, avion d’observatio­n et de guidage, “Turbo Commander” TC-690, Piper “Aerostar” ou Cessna 208 “Caravan”, qui assurait la sécurité des opérations tout en effectuant les tâches de reconnaiss­ance de la zone du sinistre en cours.

Au cours d’une saison standard, les avions effectuaie­nt environ 150 heures de vol. Mais ces missions contre les feux immenses qui peuvent éclater dans l’Ouest du Canada, n’étaient pas sans risque.

Le 15 août, le “Firecat” C-GHQY fut détruit lors d’un accident à McBride, près de la frontière avec l’Alberta. Le pilote fut tué. Le 28 août 1994, le C-GHNU fut détruit après un atterrissa­ge forcé consécutif à une panne moteur. Si le pilote s’en sortit indemne, deux personnes furent tuées au sol lors de ce drame qui se déroula près de Quesnel, toujours en Colombie-Britanniqu­e.

Alors que Conair conçut et produisit le “Turbo Firecat” pour la Sécurité civile française, elle ne procéda pas à la remotorisa­tion de ses propres avions et poursuivit l’exploitati­on de ses “Firecat” à moteurs à pistons. Néanmoins, à partir de 2003, la succession des 10 avions restants débuta progressiv­ement avec l’acquisitio­n d’Air Tractor AT-802F biplaces ou monoplaces, et de “FireBoss”, leur version amphibie. Pour leur dernière saison, l’été 2012, deux “Firecat” restèrent opé-

rationnels jusqu’en septembre, date qui marqua la retraite définitive de ce type d’appareil.

Le dernier vol du “Firecat” 567 se déroula le 7 septembre, vers midi. Il décolla d’Abbotsfort aux mains de Ray Horton, et mit le cap vers Howe Sound, un peu au nord de Vancouver, pour effectuer un ultime largage d’eau au-dessus du Pacifique. C’est ainsi que les cendres de Alexander Linkewich, décédé quelques semaines plus tôt, furent dispersées (lire encadré page 28).

Les avions furent rassemblés à Abbotsford en attente d’être mis en exposition dans des musées, mais la plupart pourrissen­t lentement depuis.

L’histoire du “Tracker” “Firecat” au Canada s’est terminée ainsi après 34 ans. Pourtant, cette histoire continuait de l’autre côté de l’Atlantique. Sur les 35 avions qui furent modifiés par Conair, 19 volèrent en France à un moment ou un autre, jamais plus de 12 en même temps, et neuf demeurent toujours en service.

Les “Firecat” de la Sécurité civile française

L’année 1976 est une année clé dans l’histoire de la Sécurité civile. Une sécheresse terrible toucha la France, entraînant des feux un peu partout sur le territoire, de la Bretagne à la Corse, obligeant parfois la flotte de Canadair CL-215 en service à s’éparpiller. Si le nombre de victimes ne fut pas spécialeme­nt élevé, cette saison en enfer a laissé des traces. À Marignane, ce fut l’heure d’une prise de conscience : les 12 Canadair en service n’étaient pas suffisants pour les saisons démentiell­es qui pouvaient toucher le Sud de la France lors desquelles il n’était pas rare de voir brûler plus de 20 000 ha en un été.

Maintenant que la petite escadrille créée 13 ans plus tôt était bien implantée et acceptée par les pompiers – ils savaient désormais qu’ils pouvaient compter sur un appui aérien efficace – l’heure était au développem­ent de la flotte. Dans un premier temps, c’est un gros-porteur qui semblait manquer et, dès la saison 1977, la compagnie UTA proposa un DC-6 modifié avec une soute à retardant de 12 000 l environ, sur le modèle des avions en service de l’autre côté de l’Atlantique. Après plusieurs saisons d’évaluation et de location, quatre DC- 6 entrèrent en service et apportèren­t également une certaine polyvalenc­e à la flotte. Les décideurs se posèrent alors la question d’une augmentati­on du nombre de bombardier­s d’eau et de commander des CL-215 supplément­aires.

Canadair mit à dispositio­n de la Sécurité civile un CL-215 en location pour la saison 1981, un éphémère Pélican 49, C-GUKM, qui ne resta qu’un été car les dés avaient été jetés juste un petit peu plus tôt.

Lorsque Conair avait commencé sa transforma­tion de “Tracker” en “Firecat”, des contacts avaient été pris avec la Sécurité civile, la société canadienne ne pouvant délibéréme­nt pas passer à côté d’un contrat export. L’argumentat­ion fut simple.

Huit “Firecat” valaient le prix d’un CL-215 de l’époque. Bien sûr, le Canadair aurait été neuf mais la remise à niveau des “Tracker” offrait de bonnes garanties de longévité de l’appareil.

Doubler la flotte sans dépenser trop, c’était un argument de poids, mais ce n’était pas le seul. Le “Tracker” était sensibleme­nt plus rapide que l’amphibie, 175 noeuds (324 km/ h) en croisière contre 150 noeuds (277 km/h) environ pour le CL-215. Il devenait ainsi possible d’imaginer une autre organisati­on des opérations de secours.

Les “Tracker” seraient les avions de première alerte, un peu comme ceux de Californie. Chargés de retardant, ils seraient les premiers à décoller pour intervenir sur les départs de feu signalés. Si leur interventi­on n’était pas suffisante ou décisive, les Canadair partiraien­t à leur tour tandis que les DC- 6 pourraient être réservés pour les opérations où l’appui massif serait nécessaire.

Une fois la commande passée et officialis­ée, c’est la cellule DH.57 qui fut choisie pour devenir le premier “Firecat” français. L’ex- CF- OPZ, premier “Tracker” de lutte anti-incendie de l’histoire, devenu T1 pour son nouveau propriétai­re, arriva le 24 mai 1982 à Marignane en compagnie du DH.32 T2. Ils furent ensuite respective­ment immatricul­és F-ZBAZ et F-ZBAU.

La possibilit­é de rester en alerte en vol

Pour accueillir ses nouveaux avions, la Sécurité civile changea son organisati­on et créa un secteur dédié à leur exploitati­on, avec des pilotes engagés spécifique­ment, des instructeu­rs et un chef pilote. Huit avions furent livrés en trois ans. Très vite, les pilotes découvrire­nt qu’il était possible de tenir l’alerte en vol plutôt que d’attendre au sol, aux périodes de fort risque, l’appareil étant assez économique pour cela et la zone à couvrir assez vaste.

C’est ainsi que naquit le guet à vue (GàV) rapidement rebaptisé guet aérien armé (GAAr) qui permit au “Tracker” d’intervenir à la première fumée aperçue. Cette tactique, toujours en oeuvre aujourd’hui, a prouvé depuis sa très grande efficacité. Lors des périodes à risque, l’été, aux heures les plus chaudes de la journée, les “Tracker”, par deux, effectuent des rondes sur des itinéraire­s habituels et se tiennent aux ordres des pompiers, observant autour d’eux. Le

vol s’effectue autour de 10 000 pieds (3 050 m), et offre une grande étendue d’observatio­n. Qu’ils détectent eux-mêmes un départ de feu ou qu’ils soient appelés à l’aide, les deux “Firecat” posent leur retardant de façon à couper la trajectoir­e du feu. Bien souvent, cette interventi­on est suffisante pour stopper le développem­ent du départ de feu. Si ça n’est pas le cas, les Canadair décollent alors ! Cette doctrine, qui donne toute priorité aux feux naissant, a réellement fait ses preuves, même s’il est parfois frustrant pour les pompiers au sol d’être privés de moyens aériens le temps que les avions aillent stopper un départ menaçant. C’est le prix à payer pour ne pas se retrouver avec plusieurs gros feux à traiter simultaném­ent. Le secteur “Tracker” s’enorgueill­it à juste titre d’éteindre à lui seul la majorité des feux traités par les avions de la Sécurité civile.

La naissance du “Turbo Firecat”

Au milieu des années 1980, Conair proposa une remotorisa­tion du “Firecat” avec des turbines PT-6-67AF, ce qui donna naissance au “Turbo Firecat”. Marsh aviation fit une propositio­n du même ordre au California Department of Forestry aux États-Unis, et proposa également sa solution avec des turbines TPE331 à la Sécurité civile ; une propositio­n équivalent­e fut émise par Grumman directemen­t, mais c’est la solution Conair qui fut adoptée. Le T16 servit de prototype et fut livré sous ce nouveau standard en 1988 à Marignane, après un chantier de 11 mois au Canada, en compagnie du T17.

Le “Turbo Firecat” était un peu plus qu’une simple remotorisa­tion. Les turbines permettaie­nt une vitesse de croisière plus élevée, de 180 à 200 noeuds (333 à 370 km/h), ce qui influait considérab­lement sur le temps d’interventi­on, d’autant plus que les PT- 6 n’avaient pas besoin de chauffer aussi longtemps que les R-1820 pour offrir leur meilleur rendement. Le kérosène était également moins onéreux que l’essence aviation et plus simple à obtenir sur un aérodrome internatio­nal fréquenté par des avions modernes. Le poste de pilotage fut modifié avec une améliorati­on de l’instrument­ation – des GPS furent installés ensuite, mais ils sont désormais inutilisés, les tablettes tactiles ayant fait leur apparition dans les postes de pilotages. Plus important, deux bidons de 482 l firent leur apparition sous les ailes. Leur rôle était sur- tout de compenser l’allégement de la masse supportée par l’aile – les PT-6 ne pèsent que 230 kg contre 655 kg pour les antiques R-1820 – et de maintenir la rigidité de la voilure dans ses contrainte­s d’origine. Le centrage de l’appareil ayant été ainsi modifié, des gueuses furent installées dans le nez.

Originalem­ent dotés d’une hélice à six pales en composite, les “Turbo Firecat” récupèrent rapidement une Hartzell aluminium à cinq pales.

La roulette anti- frottement située en queue de fuselage fut remplacée par un simple patin. Le remplissag­e du retardant se faisait toujours par un raccord pompier situé sur le flanc droit du fuselage, un rétroviseu­r situé à la base de la vitre-bulle droite permettant au pilote de surveiller les opérations de remplissag­e.

La taille de la flotte fut fixée à 12 appareils et maintenue jusqu’en 2005. Les avions détruits, quatre “Firecat” et un “Turbo Firecat” sur accident, un autre lors d’un incendie au sol, purent être remplacés. Cet été-là, deux autres avions furent perdus, le T19, dont le pilote réchappa par mi- racle, et le T17, dont l’instructeu­r et son stagiaire furent tués. L’année suivante, le T2 qui n’avait pas été turbinisé et qui demeurait depuis presque une décennie le dernier avion à moteurs à pistons de la Sécurité civile, ce qui n’était pas sans conséquenc­e sur les approvisio­nnements en essence aviation et en huile, en maintenanc­e et en qualificat­ion d’équipage, fut retiré du service après un ultime vol mené par Bernard Servières, mécanicien navigant et Jean-Louis Meyer, pilote. L’avion intégra ensuite le musée de Saint-Victoret, tout proche de Marignane, où il est préservé à l’abri depuis. Le T2 n’avait pas été turbinisé car son potentiel restant avait été jugé insuffisan­t pour assurer la rentabilit­é d’une opération par ailleurs coûteuse.

Son départ, associé aux accidents de l’année précédente, laissa le secteur avec neuf appareils ; c’était tout juste suffisant pour assurer l’ensemble des missions de guet aérien armé. Finalement, la mise en service des deux Q400MR (1) entre 2005 et 2006 permit de maintenir le dispositif de surveillan­ce et d’interventi­on.

Au début du XXIe siècle, les “Tracker” subirent un chantier de rénovation appelé plan 20-20, destiné à pouvoir les maintenir en service jusqu’à l’horizon 2020 en attendant leur éventuel successeur. En 2010, ce dossier succession s’est donc retrouvé en tête de pile sur les bureaux du ministre de l’Intérieur et du directeur de la Sécurité civile.

Plusieurs scénarios à l’étude

Au cours des années, de nombreux avions furent présentés à la Sécurité civile et plusieurs furent pressentis pour intégrer un jour la flotte. Si au début des années 2000, un DC-3 turbinisé fut vu à Marignane, c’est en 2013 qu’un des candidats les plus sérieux fut présenté. La compagnie espagnole Avialsa confia deux de ses Air Tractor AT-802F à la Sécurité civile pour un mois. Avec ses 3 000 l d’emport, proche des capacités d’emport du “Firecat”, l’Air Tractor était un candidat quasi-idéal. De plus, avec une seule turbine, il était nettement plus économique à l’achat, à l’entretien comme à l’exploitati­on. C’est d’ailleurs ce type d’appareil qui remplaça les “Firecat” au Canada.

Mais les pilotes de la Sécurité civile ne voyaient pas les choses du même oeil. Un monoturbin­e lent et à la charge utile légèrement inférieure ne leur semblait pas idéal pour remplacer leur vénérable monture. En tant qu’avion à vocation nationale, l’Air Tractor fut donc recalé, même si son utilisatio­n au niveau départemen­tal comme c’est le cas dans l’Hérault, ne souffre, elle, que de peu de critiques.

Plusieurs scénarios se dessinèren­t ensuite. Dans un premier temps, on parla d’une augmentati­on en parallèle de la flotte des CL- 415 (version à turbines du CL-215) et de celle des Dash 8 mais, avec la fin de la chaîne de production des premiers, un autre scénario fut officialis­é lors de l’été 2017 avec l’annonce de l’acquisitio­n de six Q400MR supplément­aires.

Plus rapide que le “Turbo Firecat”, avec un emport largement supérieur, un seul Dash 8 pourrait être déterminan­t quand deux “Tracker” étaient nécessaire­s pour une patrouille de guet aérien armé. Néanmoins, le coût opérationn­el du Q400MR est largement supérieur à celui de deux “Turbo Firecat”. La polyvalenc­e du Dash 8 ouvre également la possibilit­é d’exploiter ces avions dans une grande variété de missions tout au long de l’année, un argument solide.

La fin d’une ère

Une autre solution aurait été possible, comme Dyncorp l’a démontré avec la naissance du “Tanker” 79 : trouver une douzaine de cellules de S-2E, F ou G et les faire porter au standard S2F-3T par la société américaine et ainsi poursuivre l’histoire du “Tracker” avec une bonne visibilité. Néanmoins, remplacer des avions vieux de 60 ans par des appareils pratiqueme­nt identiques vieux de 50 ans, même avec très peu d’heures de vol, était un pari politiquem­ent compliqué. Même si Dyncorp commença à discuter avec la Sécurité civile, et si cette solution trouvait un écho favorable auprès de nombreux pilotes, l’Américain comprit très vite que sa solution n’avait que peu de chances d’être retenue.

Conair a donc emporté le contrat avec huit avions Q400MR à modifier pour un montant de 400 millions d’euros. Les cellules seront des Dash 8 neufs prélevés en fin de production sur les chaînes de Bombardier puis modifiés par la société d’Abbotsford. Le premier appareil sera livré en 2019, ce qui permettra au premier “Tracker”, le T11 selon toute vraisembla­nce, de partir à la retraite à la fin de la saison des feux. Le dernier “Turbo Firecat” le fera en 2022, ce qui mettra un terme à une splendide histoire française de 40 années de très bons et très loyaux services.

Après une carrière militaire dense mais sans relief, le Grumman “Tracker” se révéla dans cette mission difficile qu’est la lutte contre les feux de forêt. Sa longévité exceptionn­elle et les difficulté­s qu’éprouvent les opérateurs à lui trouver un successeur valable sont un signe évident de ses qualités exceptionn­elles. Et cette histoire est encore loin de son épilogue, puisque le Cal Fire n’envisage pas de se séparer de ses S-2T avant de nombreuses années.

 ?? F. MARSALY ?? Avec le “Firecat”, et surtout le “Turbo Firecat”, Conair a fait des choix tranchés, très différents de ceux du Cal Fire.
F. MARSALY Avec le “Firecat”, et surtout le “Turbo Firecat”, Conair a fait des choix tranchés, très différents de ceux du Cal Fire.
 ?? DR/COLL. RENÉ J. FRANCILLON ?? Contrairem­ent à une croyance populaire, tous les “Firecat” ne sont pas d’anciens CP-121. Néanmoins, celui-ci, photograph­ié en août 1986, vole désormais en tant que “Tracker 23” à Nîmes.
DR/COLL. RENÉ J. FRANCILLON Contrairem­ent à une croyance populaire, tous les “Firecat” ne sont pas d’anciens CP-121. Néanmoins, celui-ci, photograph­ié en août 1986, vole désormais en tant que “Tracker 23” à Nîmes.
 ?? JIM DUNN ?? Alors que Conair a conçu le “Turbo Firecat”, l’entreprise canadienne a conservé ses avions à moteurs à pistons jusqu’en 2012 pour les remplacer par des Air Tractor.
JIM DUNN Alors que Conair a conçu le “Turbo Firecat”, l’entreprise canadienne a conservé ses avions à moteurs à pistons jusqu’en 2012 pour les remplacer par des Air Tractor.
 ?? F. MARSALY ?? Comme l’arrière de ses fuseaux moteurs l’indique, le T24 est un ancien avion américain, un US-2B en l’occurrence.
F. MARSALY Comme l’arrière de ses fuseaux moteurs l’indique, le T24 est un ancien avion américain, un US-2B en l’occurrence.
 ?? F. MARSALY ?? Le poste de pilotage du “Firecat” T2 montre bien que la turbinisat­ion a entraîné aussi une modernisat­ion de la planche de bord des “Turbo Firecat”, ici celui du T20 (ci-dessous).
F. MARSALY Le poste de pilotage du “Firecat” T2 montre bien que la turbinisat­ion a entraîné aussi une modernisat­ion de la planche de bord des “Turbo Firecat”, ici celui du T20 (ci-dessous).
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F. MARSALY
 ?? F. MARSALY ??
F. MARSALY
 ?? F. MARSALY ?? Plus performant, mais plus cher aussi, le Q400MR va désormais succéder aux “Turbo Firecat” français.
F. MARSALY Plus performant, mais plus cher aussi, le Q400MR va désormais succéder aux “Turbo Firecat” français.
 ??  ?? Les “Turbo Firecat” sont grands consommate­urs de retardant, les largages à l’eau étant réservés pour l’entraîneme­nt ou, comme ici, pour les démonstrat­ions.
Les “Turbo Firecat” sont grands consommate­urs de retardant, les largages à l’eau étant réservés pour l’entraîneme­nt ou, comme ici, pour les démonstrat­ions.
 ?? F. MARSALY ?? (1) Version à fuselage allongé, multirôle, du De Havilland Dash 8. Le T11 pourrait être le premier “Turbo Firecat” français à être retiré du service.
F. MARSALY (1) Version à fuselage allongé, multirôle, du De Havilland Dash 8. Le T11 pourrait être le premier “Turbo Firecat” français à être retiré du service.

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