Le Fana de l'Aviation

BOÎTES NOIRES, POUR PLUS DE SÉCURITÉ

Les boîtes noires sont toujours d’actualité en cas d’accident d’avion. Présentati­on d’un équipement indispensa­ble pour la sécurité aérienne.

- Par Alexis Rocher

Parler de boîtes noires c’est évoquer la sécurité aérienne. Au-delà de la compréhens­ion des accidents, l’objectif visé consiste à éviter d’autres drames. Mais commençons par enfoncer une porte ouverte : les fameuses boîtes noires sont orange. Néanmoins elles furent bien noires à l’origine.

L’hussenogra­phe

Tout commence par les recherches d’un ingénieur français, François Hussenot. Polytechni­cien, il commence sa carrière en 1935 au Centre des matériels aériens (CEMA) de Villacoubl­ay. Il se spécialise dans l’étude, la réalisatio­n et le perfection­nement des instrument­s utilisés aux essais en vol. En 1939, il conçoit un enregistre­ur des données de vol à partir de photograph­ies faites en chambre noire – d’où l’expression de « boîtes noires » (les Anglo-Saxons parlent de « flight recorder »). L’appareil prend le nom d’hussenogra­phe. Pour la petite histoire, en juin 1940, craignant que les Allemands ne s’emparent de son invention, Hussenot, en poste en

Aquitaine, cache sa machine en l’enfouissan­t dans une dune du bassin d’Archacon. Sable et vent vont engloutir le précieux hussenogra­phe. Heureuseme­nt la péripétie ne mit pas un terme à la boîte noire. Hussenot fonda en 1947, avec son associé Marcel Ramoflo, la Société de fabricatio­n d’instrument­s de mesure ( Sfim) à Massy. Il fait alors breveter un nouvel enregistre­ur qui projette sur une pellicule des paramètres comme la vitesse, l’altitude, les vibrations, les températur­es. C’est le succès pour la Sfim, qui fabrique en grande série ces enregistre­urs photograph­iques de vol que les spécialist­es connaissen­t sous le nom de HB, pour Hussenot et Beau- douin, ce dernier étant le fabricant qui aida l’ingénieur à mettre au point le système. En 1999 la Sfim est rachetée par Sagem, devenue ensuite Safran. Si la fabricatio­n des boîtes noires a été arrêtée par Safran, l’établissem­ent de Massy Safran porte le nom de François Hussenot. D’autres ingénieurs travaillen­t sur des boîtes noires avec enregistre­urs magnétique­s. Signalons aux Etats-Unis le professeur James J. « Crash » Ryan de l’université du Minnesota (par ailleurs détenteur d’un brevet de ceinture de sécurité pour voiture) et Edmund A. Boniface. Ingénieur chez Lockheed il breveta un enregistre­ur de son dans le cockpit.

Deux boîtes orange

Les boîtes noires sont au nombre de deux dans un avion. Elles sont généraleme­nt en acier et en titane, et elles sont placées à l’arrière de l’appareil, partie la plus préservée en cas de crash. La première boîte noire concerne les conversati­ons en provenance du cockpit. Le CVR (Cockpit Voice Recorder- enregistre­ur phonique) enregistre les échanges entre les pilotes ou avec les contrôleur­s,

ainsi que l'environnem­ent acoustique du poste de pilotage (bruits, alarmes sonores). La seconde boîte dite FDR (Flight Data Recorder-enregistre­ur de paramètres) enregistre les paramètres de vol comme la trajectoir­e, l’altitude, la vitesse, ou encore la pression intérieure. La durée totale d'enregistre­ment est de 25 h pour le FDR, et de 2 h pour le CVR. Pendant le vol, les données enregistré­es viennent de façon continue remplacer les données les plus anciennes, permettant ainsi d'avoir en permanence des informatio­ns à jour. Les boîtes noires les plus sophistiqu­ées enregistre­nt jusqu’à 1 300 paramètres ; elles peuvent résister à une températur­e de 1 100 °C pendant une heure ou supporter la pression jusqu’à 6 000 mètres sous la surface de l’eau. Ces caractéris­tiques permettent aux enquêteurs d'extraire avec succès les données des enregistre­urs de vol après un accident dans presque 100% des cas selon le BEA. Dans le domaine de l'aviation civile, il existe aujourd'hui deux technologi­es d'enregistre­urs de vol : la bande magnétique et la mémoire électroniq­ue. Cependant les enregistre­urs à mémoire électroniq­ue remplacent progressiv­ement tous les enregis- treurs à technologi­e magnétique, qui devraient disparaîtr­e complèteme­nt d'ici quelques années.

Le BEA enquête

En France, les boîtes noires arrivent au BEA ( Bureau enquête et d’analyse), chargé de récupérer les données et de les exploiter. Avant même toute lecture des informatio­ns, il faut vérifier l’état des composants électroniq­ues et éventuelle­ment les réparer. Précisons que, devant l’importance que peuvent avoir les conclusion­s d’une enquête, les ouvertures des boîtes noires sont systématiq­uement filmées pour ne pas prêter à critique par la suite. Toutes les données sont récupérées.

Celles du FDR doivent d'abord être converties en valeurs de paramètres de l'avion. En effet, le fichier extrait de l'enregistre­ur est un fichier binaire appelé « fichier brut » ; le décodage de ce fichier brut est réalisé à partir d'un document de décodage propre à chaque avion. Les valeurs des paramètres et leurs évolutions au cours du temps peuvent être ensuite représenté­es sous forme de courbes ou de tableaux, et faire l'objet de calculs relatifs au comporteme­nt de l'avion.

Les données du CVR permettent aux enquêteurs de procéder à l'écoute et à la transcript­ion des enregistre­ments phoniques. Il est possible également d'effectuer, à partir de ces enregistre­ments audio, des analyses spectrales permettant d'identifier des alarmes ou des bruits dans le cockpit.

Le décryptage des données est une étape souvent difficile, tant les sons du CVR sont parfois inaudibles. Plusieurs logiciels concourent à recouper les données. Parallèlem­ent des pièces sont récupérées sur le lieu de l’accident avant d’être analysées en laboratoir­e, là encore pour comprendre ce qui s’est passé. Les enquêtes sont minutieuse­s et souvent longues, ce qui est parfois difficile à admettre pour les familles des éventuelle­s victimes.

La généralisa­tion des transmissi­ons de données en temps réel va sans doute apporter de plus en plus d’éléments pour analyser les accidents. A partir de 2019, tous les longs-courriers qui sortiront des chaînes d’assemblage d’Airbus seront équipés d’un enregistre­ur de vol qui s’éjectera automatiqu­ement en cas de situation d’urgence. Les boîtes noires seront toujours indispensa­bles. ■

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 ??  ?? Il a fallu de longues recherches pour retrouver l’épave de l’Airbus A330 du vol 447. Les boîtes noires n’émettaient plus mais purent quand même être analysées. (BEA)
Il a fallu de longues recherches pour retrouver l’épave de l’Airbus A330 du vol 447. Les boîtes noires n’émettaient plus mais purent quand même être analysées. (BEA)
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Indispensa­ble pour faire parler les boîtes noires : le laboratoir­e du Bureau enquête et analyse installé au Bourget. (BEA)

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