EN SERVICE JUSQU’EN 2030 ?
Au prix d’acrobaties diplomatiques, l’Iran arrive à conserver ses F-14. Ils sont même modernisés pour servir jusqu’en 2030.
Avec plusieurs années de retard, la société IACI (Iranian Aircraft Industries) a finalement commencé à réviser les F- 14A de l’IRIAF en 1981. Cela a commencé par le premier « Tomcat » matricule 3-6001. Selon un contrat qui avait été finalisé entre l’IACI et l’IRIAF, une révision de dix F-14A par an était prévue. Mais en raison du manque de main-d’oeuvre (purges excessives dans la société IACI) et également à cause de l’absence de pièces détachées, IACI n’a pas réussi à effectuer rapidement la maintenance. Il a fallu un an pour que la révision du 3-6001 soit terminée. Ensuite, trois autres « Tomcat » sont passés en maintenance en 1983.
Une affaire pour des pièces de rechange
Grâce à la livraison d’un grand lot de pièces de rechange de F-14 par les États-Unis à la suite de l’accord IranContra, la révision des « Tomcat » a été accélérée en 1985. (1) Mais avant l’af
fectation de « Tomcat », le 72nd TFS, qui disposait de 16 appareils, a été dissous et ses avions ont été envoyés à Ispahan en 1986. Pour protéger les installations pétrolières iraniennes dans le Golfe Persique, en particulier le terminal pétrolier de Khark, l’IRIAF a décidé de déployer huit F-14A au sein du 6th TFB en novembre 1986. Ils ont joué un rôle clé dans la protec
1 : L’administration américaine contourna l’embargo en passant notamment par des intermédiaires israéliens. Ces ventes provoquèrent un scandale aux USA en 1986. tion des installations pétrochimiques, des terminaux pétroliers, des pétroliers et des navires commerciaux dans le Golfe Persique.
Lorsque la guerre Iran-Irak a pris fin en juillet 1988, l’IRIAF avait une flotte de 27 F-14A en état de vol, parmi lesquels beaucoup disposaient encore de radars AN/AWG-9 pleinement opérationnels. Mais plus aucun missile AIM-54A Phoenix n’était disponible. Pour le remplacer, la recherche industrielle et l’autosuffisance Jihad de l’IRIAF ont adopté le missile solair MIM-23B Hawk avec le système d’arme du F-14A. Un ordinateur faisait l’interface entre le radar et le missile. Les MIM-23B Hawk furent aussi modifiés, notamment pour que leurs moteurs-fusées soient mis à feu quelques secondes après le largage du pylône. Grâce à eux, l’IRIAF a réussi à abattre plusieurs avions de chasse au cours des derniers mois de la guerre, mais avant cela, les AIM-9J et AIM-7E avaient été bien adoptés avec le système d’armes de l’appareil. Plusieurs pilotes de « Tomcat » avaient
réussi à remporter des victoires contre des avions ennemis en utilisant ces missiles, qui étaient inférieurs à Phoenix.
Les gardiens de Bushehr
En 1991, le commandant de l’IRIAF, le brigadier-général Mansur Sattari, a lancé un ambitieux plan d’expansion qui passait par l’achat de matériel russe, dont 24 MiG-29B/ UB et 12 Su-24MK. Des plans étaient par ailleurs en place pour acquérir 48 MiG-29 et 24 MiG-31 supplémentaires, plus 100 Su-24M d’occasion.
Le nombre de « Tomcat » en état de vol a doublé en 1991, à la suite de leurs révisions. Un peu plus de la moitié des 16 « Tomcat » qui étaient désormais en service du 83nd TTS nouvellement formé ont été transférés au 6th TFB à Bushehr pour constituer le 62nd TFS, anciennement sur F-4E.
Bushehr subissait un climat étouffant et humide. La corrosion a toujours été un problème pour les avions de la force aérienne et de la marine basés là-bas. Avant la révolution, un département anti-corrosion spécialement équipé avait été créé sur la base pour s’occuper des F-4E. Pendant la guerre, les « Tomcat » détachés à Bushehr tournaient tous les deux mois pour éviter les problèmes de corrosion affectant les équipements électriques et les autres composants.
En 1991, la plupart de ces équipements étaient usés et le personnel du département n’était pas familier avec les procédures de contrôle de la corrosion du « Tomcat ». Presque tous les techniciens du 62nd TFS ont été choisis parmi le personnel inexpérimenté du 8th TFB. En conséquence, l’efficacité de l’unité a progressivement diminué à mesure que des sous-systèmes délicats succombaient aux conditions hostiles. Bushehr était important pour une raison capitale. En effet, avant la révolution islamique, les travaux avaient commencé ici sur un réacteur nucléaire. Pendant la guerre avec l’Irak, il avait fait l’objet de nombreuses attaques. Avec l’aide de la Russie, il a été achevé et mis en service en septembre 2011.
Le mauvais état de ses F-14 a conduit au démantèlement du 62nd TFS en 2007. La plupart des avions au sol ont été envoyés à l’IACI pour une révision majeure. Les autres exemplaires en état de vol furent envoyés au 8th TFB. L’IRIAF garda sur place trois F-14A en alerte QRA avec trois F-4E du 61st TFS. Le numéro de série 3-6062 du 6th TFB piloté par le capitaine Alireza Karimaiee et le lieutenant Mostafa Fasihi a été mystérieusement abattu le 26 janvier 2012 quelques instants après avoir décollé pour intercepter un objet lumineux
inconnu planant au-dessus de l’île de Khark. On pense qu’une batterie de missiles sol-air Tor-M1 d’origine russe (SA-15 Gauntlet dans le code Otan), basée près de la centrale nucléaire de Bushehr, l’a abattu par erreur. Après cela, les deux F-14A restants en QRA ont été redéployés vers le 8th TFB.
F-14 contre drone espion
Peu de temps après la révélation du programme nucléaire iranien et l’accusation du régime iranien de tenter de fabriquer une arme nucléaire, les drones espions de la CIA qui étaient appelés « OVNI » ou « objets lumineux » dans les médias iraniens, apparurent au-dessus des sites nucléaires iraniens, comme celui de l’IR-40, réacteur à eau lourde en construction près d’Arak début 2003. Les vols se poursuivirent en 2004 et 2005 sur tous
les sites nucléaires top secret du pays dans les provinces d’Arak, de Qom et de Bushehr et même lors des essais de missiles balistiques sur la base de Semnan.
Les « Tomcat » avaient pour mission d’assurer la sécurité des espaces aériens des régions, en particulier au cours de ces occasions importantes, notamment lors du chargement de combustible nucléaire dans les réacteurs. Il était courant que les sites de défense sol-air de la région observent des drones ou les « objets lumineux» au-dessus des sites la nuit. Le F-14A était le seul défenseur face à ces drones qui avaient une vitesse de Mach 7 à 10 Mach. Cependant ces derniers étaient protégés par leurs caractéristiques de vol inexplicables et leur système de brouillage avancé, mais la présence du F-14 fut efficace pour perturber leurs missions, en particulier à deux reprises en plein jour au-dessus du centre d’essai de missiles de Semnan en 2007 et 2008.
Dans un autre cas, en novembre 2004, l’équipage d’un F-14A armé de deux AIM-9J et de deux AIM-7E-2 appartenant au 82nd TFS a observé un objet lumineux au-dessus de Khandab, près d’Arak, après avoir été ravitaillé en carburant par un KC-707. Ils l’ont signalé aux sites du Commandement du renseignement et de la reconnaissance de l’armée iranienne, mais aucun d’entre eux ne l’avait sur ses écrans radar. Le pilote du F-14 a reçu l’autorisation de se rapprocher du drone espion pour l’identifier.
Rapidement, l’objet a commencé à manoeuvrer sous fort facteur de charge et lorsque le pilote du F-14A a finalement décidé d’abattre le drone avec ses missiles AIM-7E-2, son radar a été perturbé par le système de brouillage à haute puissance de l’objet. Finalement, il a disparu comme un météore et le F-14A a regagné Ispahan en toute sécurité. Cette nuit-là, les observateurs au sol de l’IRIAF ont accusé le corps des Gardiens de la révolution islamique d’avoir utilisé un drone au-dessus de Khandab. Le lendemain, lorsque les Gardiens de la révolution islamique annoncèrent que ce n’était pas leur drone, l’Iriaf réalisa qu’il appartenait aux États-Unis.
En 2005, la Russie et l’Iran ont signé un contrat d’étude sur les drones espions ou objets lumineux qui étaient apparus durant trois périodes en Iran, d’abord pendant un mois après la crise des otages de l’ambassade des ÉtatsUnis en 1979, la deuxième fois un mois
du 82nd TFS et deux MiG-29UB des 11th TFS et 22nd TFS ont participé à trois sorties DACT (Dissimilar Air Combat Training). Dans l’après-midi, une autre sortie DACT a été effectuée ce jour-là au moyen d’un MiG-29UB et d’un F-14A avec numéro de série 3-6036 entre 12h30 et 13h13, heure locale. Le deuxième jour, avant le début des sorties, un F-14A et un MiG29UB ont effectué une vérification météorologique visuelle de la zone de l’exercice tôt le matin. Puis, à 10h00, un MiG-29UB et un F-14AM ont effectué une sortie DACT au-dessus d’une série de troupes de la 65th Brigade des Forces spéciales aéroportées de l’IRIGF au champ de tir de Naeen.
Au total, cinq F-14A ont participé à l’exercice pendant deux journées.
En 2008, le commandant en chef de l’IRAFI, le Brig. Hasan Shah-Safi, a approuvé le lancement d’un projet nommé « Babaiee » par le vice-pré
sident de la recherche industrielle et de l’autosuffisance de l’armée de l’air iranienne (SSJ) pour améliorer le système d’armes des F-14A iraniens afin de restaurer leurs capacités de combat. L’objectif principal du projet était d’augmenter le nombre de F-14A pleinement opérationnels.
Les « Tomcat » jusqu’en 2030 ?
Il était relativement facile, par exemple, d’acheter des instruments, des moteurs et des pièces hydrauliques, mais il n’était pas possible de trouver des équipements pour les radars AN/AWG-9 et pour le système d’armes. Plusieurs entrepreneurs privés avaient la responsabilité de fournir systèmes, technologies et pièces de rechange nécessaires à ce projet. Il fallait des équipements ayant de meilleures performances que celles installées à l’origine sur les « Tomcat » avec la technologie des années 1960.
Un F-14A, dont le MTBO (temps moyen entre révisions) avait été atteint, a été retenu pour être utilisé comme prototype du programme de rénovation. Le « Tomcat » en question était le 3-6049 (BuAer 160347 pour l’Us Navy) qui était à l’époque en
partie opérationnel. L’avion a décollé de sa base d’attache du 8th Tactical Fighter Base à Ispahan pour arriver à l’aéroport international de Mehrabad, à Téhéran, le 30 décembre 2008. Les travaux sur le matricule 3-6049 ont commencé en janvier 2009.
Le rôle de l’IACI dans la refonte du 3-6049 était de vendre uniquement des pièces de rechange, y compris des pièces d’origine ou celles produites à l’intérieur du pays. Les pièces étaient principalement destinées aux moteurs, à la cellule et aux systèmes hydrauliques et pneumatiques ainsi qu’à la navigation et à l’avionique, mais sans aucunes pièces pour le système d’armes, indisponibles. Les entrepreneurs privés ont produit 843 pièces de rechange pour ces systèmes, parfois avec de meilleures performances. Après l’achèvement des travaux sur la mise à niveau du 3-6049, il a été nommé F-14AM (modernisé) et a été peint dans
un nouveau camouflage Asian Minor II et effectua à Mehrabad son premier vol de contrôle en présence du commandant en chef de l’IRIAF le 18 janvier 2012. Enfin, après trois vols de contrôle supplémentaires, il fut livré à nouveau au 81st TFS en mai 2012. Toute la procédure de modernisation et de mise à niveau des systèmes avioniques de l’avion a été répétée lors de la révision de cinq autres « Tomcat » du 8th TFB entre 2013 et 2019. Le dernier F-14AM amélioré a été perdu lors d’un vol d’essai le 15 mai 2019.
Une modernisation nécessaire
Aujourd’hui, l’IRIAF exploite 61 F-14 au total, dont 29 seulement sont opérationnels. Les autres sont cannibalisés pour leurs pièces ou attendent des budgets pour être modernisés. Ils dotent les 81st TFS et 83rd TTS au sein du 8th TFB. Trois des F-14A sont toujours en alerte QRA au 8th TFB à Ispahan. L’un d’eux est encore armé d’une paire d’AIM-9J, tandis que deux autres disposent de deux AIM-9J et deux AIM-7E (parfois des AIM-23B Fakkurs). La modernisation du programme Babaiee peut aider la flotte IRIAF F-14A à rester en service jusqu’en 2030.