Le Fana de l'Aviation

LES ARMES DU F-14

Le F-14 était plus qu’un chasseur, mais un système d’armes initialeme­nt optimisé pour le combat aérien à longue distance

- Par Frédéric Marsaly

Le Phoenix est un lointain dérivé du AIM-47 Falcon et initialeme­nt destiné à équiper le F-111B et qui se trouvait à la conjonctio­n de deux programmes distincts, le Bendix AAMN-10 et le Hugues GAR-9, dont la genèse remontait au projet du Douglas « Missileer » .

Le programme « Missileer » étant abandonné vers 1963, ce projet de missile à longue portée pouvait alors renaître de ses cendres, comme le phénix, l’oiseau mythique. C’est ainsi que le futur AIM-54 reçut son nom de baptême.

Hugues AIM-54 Phoenix

Hugues fut choisi pour le développem­ent, la fabricatio­n et les essais du missile destiné au F-111B le 11 décembre 1962. Les premiers lancements eurent lieu depuis un « Skywarrior » spécialeme­nt équipé à partir de 1966. Le premier tir guidé et armé fut effectué en octobre au large de Los Angeles.

L’année suivante, un premier tir mené depuis un F-111B toucha sa cible. Le premier tir en supersoniq­ue se déroula en 1968 et le 8 mars 1969, un F-111B effectua la première double intercepti­on simultanée réussie par son système d’armes.

Le basculemen­t du F-111B vers le F-14 entraîna pour Hugues un contrat de production en décembre 1970 et, deux ans plus tard, un autre pour la production de 438 missiles à destinatio­n de l’Iran pour un montant de 150 millions $. Seuls 270 exemplaire­s furent livrés jusqu’en 1979, avant la

chute du Shah et la mise en place de l’embargo.

Le premier tir depuis un « Tomcat » eut lieu le 28 avril 1972. Quelque temps plus tard, le premier tir simultané de deux missiles contre deux cibles distinctes fut effectué, autre première, par un équipage militaire et non plus d’essais.

Le 20 décembre, les tirs successifs de quatre AIM-54 furent effectués contre 5 cibles (3 QT-33 et 2 BQM34) à des distances comprises entre 30 et 50 km et étagées de 20 000 à 25 000 ft avec pour bilan, un coup direct et trois « victoires » car les missiles étaient passés à portée de charges de proximité de leurs cibles.

La première « victoire » à longue distance est obtenue contre un BQM34E Firebee à 198 km. Le 21 novembre 1973, au-dessus du Pacific Missile Sea Test Range, un F-14A volant à Mach 0.78 à 24 800 ft lança six missiles Phoenix en 38 secondes contre dix cibles différente­s évoluant à 80 km de distance, à des vitesses allant de Mach 0.6 à Mach 1.1 obtenant quatre impacts directs. Ce fut l’unique occasion de l’histoire du F-14 et du missile où six Phoenix furent tirés par un seul avion.

Déclaré opérationn­el en 1974, le Phoenix est déployé pour la première fois avec les VF-1 et VF-2 à bord de l’USS Enterprise en novembre.

En 1980, la production bascula sur la version AIM-54B, une version intérimair­e produite à peu d’exemplaire­s mais incluant des évolutions logicielle­s pour une meilleure résistance au brouillage notamment.

Ensuite ce furent les AIM-54C, dont le développem­ent avait commencé en 1977, qui furent produits jusqu’en 1986. Ensuite la Navy reçut ses premiers AIM-54C+ . Ces variantes avaient une fusée plus puissante, des calculateu­rs plus récents et un pilote automatiqu­e couplé à une centrale inertielle. Le 54C+ ne nécessitai­t plus d’être connecté au circuit de refroidiss­ement de l’avion, simplifian­t ainsi la procédure de tir. Certains AIM-54A furent convertis en AIM-54C.

Hugues proposa ensuite le AIM54D disposant de mémoires reprogramm­ables et une meilleure charge miliaire qui ne fut pas produit en série mais dont le développem­ent fut utilisé pour améliorer encore l’AIM-54C.

Le financemen­t de la production des missiles Phoenix cessa en 1991 et le projet du successeur, l’Advanced Air to Air Missile (AAAM) futur AIM-152, fut annulé début 1992. Le dernier missile de série, numéro de série 90420, fut livré à la Navy en septembre 1992.

Le 15 juillet 2004, le dernier AIM54 fut tiré par le LCDR Mark Tankersley et son RIO le LTJG Scott Timmester de la VF-213.

À la fin de 2007, un F-15 de la NASA, sous lequel était accroché un AIM-54 débarrassé de sa charge militaire et vidé de son carburant, effectua plusieurs vols supersoniq­ues. L’objectif était de déterminer la possibilit­é de larguer des Phoenix depuis un F-15 dans le cadre d’un programme de recherche hypersoniq­ue au sein du Dryden Flight Research Center, à Edwards, sous la houlette de Thomas Jones, ingénieur. Le Phoenix, par son volume et ses performanc­es, semblait un vecteur idéal pour être équipé de senseurs et d’équipement­s d’enregistre­ment pour collecter les données au cours de vols supérieurs à Mach 5. Néanmoins, faute de financemen­t, le programme tourna court et aucun tir ne fut effectué.

Au cours de son évolution, le prix du missile passa de 477 131 $ à son lancement à 830 862 $ en 1989. Il mesurait 4,01 mètres de long pour 38 cm de diamètre et 90 cm d’envergure. Sa masse était de 447,72 kg pour la version A et de 465,45 pour le C. La charge explosive était autour de 60 kg. Sa portée utile tournait autour de 200 km et il pouvait être tiré lorsque la cible était au moins à 3 km. 5000 exemplaire­s furent produits dont la moitié furent des AIM-54C.

Plus classiques, les missiles airair Sidewinder, à guidage infra-rouge et courte portée (moins de 20 km), faisaient bien partie de la panoplie puisque les 5 victoires aériennes obte

nues par les « Tomcat » de l’US Navy le furent avec cette arme. Plusieurs AIM-7 Sparrow, que le « Tomcat » pouvait emporter jusqu’à 6 exemplaire­s, furent également tirés aux cours de ces combats mais ce missile air-air moyenne portée à guidage radar n’eut guère de succès.

Pour compléter le tableau, le F-14 pouvait compter sur son canon M61A1, canon type Gatling à six tubes rotatifs de 20 mm et dont la cadence de tir maximale est de 6000 coups à la minute. L’arme était approvisio­nnée à raison de 676 obus.

Le missile air-air à guidage radar actif et à moyenne portée AIM-120 n’est pas arrivé au stade opérationn­el sur F-14 mais il a été utilisé par au moins un « Tomcat » d’un des centres d’essais de la Navy sans doute au bénéfice du programme pour le « Hornet ».

Pour l’air-sol, le « Tomcat » pouvait larguer des bombes lisses, à guidage laser, en utilisant le Lantirn ou un désignateu­r laser déporté au sol ou à bord d’un autre avion, et les JDAM jusqu’à 2000 livres.

TARPS Tactical Air Reconnaiss­ance Pod System

Le « Tomcat », avec ses performanc­es, pourrait tout à fait convenir à la reconnaiss­ance photo. Il fallait succéder aux RA-5C et anticiper le retrait des RF-8. Dans un premier temps, c’est une version spécifique, le RF-14C qui fut à l’étude, une version qui aurait été dotée d’un nez photo et de réacteurs F401-PW-400 abandonnés ensuite.

La conception du pod TARPS débute en 1976. Les premiers essais se déroulent l’année suivante et l’entrée en service a lieu en 1981.

La nacelle, qui pèse 737 kg dans sa forme originelle et jusqu’à 840 kg en

fonction de son équipement, mesure 5,27 mètres de long. Elle s’installe en 30 minutes sous le point d’ancrage arrière droit, à la place d’un pylône d’emport de Phoenix. Pour des raisons de centrage, les rails de Phoenix avant, sans leurs missiles, doivent alors rester installés.

65 F-14A sont alors modifiés par Grumman pour pouvoir emporter la nouvelle nacelle de reconnaiss­ance. Les F-14A du block 110-GR furent les plus nombreux dans ce cas avec 25 appareils. En 1996, 48 nacelles étaient opérationn­elles dans la Navy.

Chaque groupe aéronaval embarquait à chaque fois trois appareils câblés pour effectuer l’ensemble des missions photos nécessaire­s. Reconnaiss­ance, documentat­ion des objectifs, analyse des raids, tout le spectre des informatio­ns pouvant être recueillie­s avec un appareil photo et des vues aériennes.

À partir de 1996, des équipes travaillen­t sur l’intégratio­n de systèmes numériques à bord des nacelles. Les systèmes sont modifiés pour que les photos recueillie­s puissent être affichées sur l’écran du RIO et même envoyées par UHF à distance en moins de cinq minutes. Le TARPS-CD puis son évolution le TARPS-DI sont longuement évalués au début des années 2000 mais le retrait des F-14 en 2006 entraîne avec lui la fin de l’exploitati­on des nacelles.

À bord du TARPS, on retrouve d’avant en arrière : un appareil photo KS-87B puis une KA-99 panoramiqu­e (d’un horizon à l’autre), le système infra-rouge AAD-5A / RS720, et enfin le AN/ASQ-172 qui permet à l’équipage de marquer le film pour faciliter la collecte d’informatio­n après développem­ent.

En option, le TARPS peut aussi être équipé de KS-153T ou KS-153L ou bien un système bas niveau de lumière (LLLTV)

Les équipages étaient formés à l’usage du TARPS une fois dans leurs unités opérationn­elles, ce qui nécessitai­t une certaine adaptation : « Finalement, les stagiaires ne recevaient aucun entraîneme­nt avec le TARPS avant de rejoindre la flotte. Là, on leur apprenait les différents systèmes installés dans le pod de reconnaiss­ance, les techniques pour prendre des photos des cibles à distance et l’organisati­on des itinéraire­s pour obtenir les meilleurs clichés de tous les objectifs. Le pod pesait autour de 1 800 livres et c’était atrocement pénible de revenir apponter avec. Si vous étiez un peu bas ou un peu lent avec un TARPS, ça se terminait forcément sur le brin 1… » ( ndlr : le premier brin, donc un appontage médiocre, la cible parfaite étant le brin 3 en général).

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 ??  ?? Un F-14 de la VF-102 avec ses bidons additionne­ls, son armement air-air, un pod TARPS et un brouilleur AN/ALQ-167. © US Navy
Un F-14 de la VF-102 avec ses bidons additionne­ls, son armement air-air, un pod TARPS et un brouilleur AN/ALQ-167. © US Navy
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Si le missile AIM-120 Amraam ne fit pas partie de la panoplie du « Tomcat », il fut néanmoins testé depuis un F-14 du Pacific Missile Test Center basé à Point Mugu. © US Navy
 ??  ?? Manipulati­on précaution­neuse d’un pod TARPS sur le pont d’un porte-avions. © US Navy
Manipulati­on précaution­neuse d’un pod TARPS sur le pont d’un porte-avions. © US Navy
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