Le Fana de l'Aviation

« BOMBCAT », LE BOMBARDIER QUI S’ESCORTAIT LUI-MÊME

Au crépuscule de sa carrière, le « Tomcat » changea de fonctions. Et le chasseur brillant se transforma en redoutable bombardier.

- Par Frédéric Marsaly

Dès sa conception, le « Tomcat » a possédé un mode airsol. Il agissait notamment au niveau de sa géométrie variable. Le contrôle disposait d’un mode « Bomb » qui figeait la flèche variable à 55° afin que le calculateu­r n’ait pas à multiplier les variables. Mais à l’époque où la Navy alignait A-6 « Intruder » et A-7 « Corsair » II, le besoin pour un avion d’attaque de plus ne se faisait pas vraiment sentir et personne ne vint pousser cette polyvalenc­e. Des essais furent menés en 1973 avec un F-14 lourdement chargé de 14 bombes Mk82 qui disposait en plus d’un armement air-air notable, deux Sidewinder et deux Sparrow. Mais si le concept était viable, il n’était guère soutenu, en particulie­r par les équipages.

En plus de la réaction égotique classique du pilote de chasse de combat aérien considéran­t le bombardeme­nt comme une tâche moins noble et n’ayant guère d’inclinatio­n à s’y consacrer, gaspiller des heures de vol à s’entraîner à larguer des bombes non guidées serait un temps précieux perdu pour l’entraîneme­nt à la mission primaire, déjà éminemment complexe. Pour le « Tomcat », le mode air-sol a, pendant des années, consisté à utiliser le canon de 20 mm contre des cibles d’exercice.

Au milieu des années 80, la Navy commença pourtant à travailler de nouveau sur ce qui allait devenir

conversion n’avait que des avantages.

Deux cursus de formation spécifique­s furent mis au point : les TAAS (« Tomcat » Advanced Strike Syllabus) et AARTP (Advanced Attack Readiness Program) permettant de qualifier les équipages. Des stages additionne­ls comme le LAT (low altitude Training) et le SLATS (Strike Leader Attack Training Syllabus) étoffèrent ensuite les cursus des personnels.

La transition des avions, des équipages et des unités fut assez rapide. La VF-24 et la VF-111, toutes deux sur F-14A+, furent qualifiées avec cette nouvelle mission en novembre et décembre 1990, rapidement suivies par les VF-1 et VF-2 puis la VF-124. Les premiers embarqueme­nts de « Bombcat » furent autorisés dès décembre 1990.

En parallèle, les avions des centres d’essais de la Navy, notamment le NATC de Pax River, ouvraient les domaines de tir des nouvelles armes.

La mission « Bombcat » et cette nouvelle polyvalenc­e ont permis de retarder quelque peu la retraite du « Tomcat ». Elle s’illustra par exemple lors d’une démonstrat­ion effectuée le 28 août 1991 lorsqu’un F-14A de la VF-2 tira un missile Sparrow contre une cible d’exercice, qu’il détruisit, largua ensuite une bombe Mk83 contre une des cibles du champ de tir du Pacifique qu’il nettoya ensuite au canon.

Le 13 janvier 1993, les F-14A des VF-51 et VF-111 du CWV-15 de l’USS Kitty Hawk furent les premiers avions « Bombcat » utilisés pour une mission de guerre. Seulement ils restèrent cantonnés au rôle habituel d’escorte pour les A-6 et « Hornet » lancés pour bombarder des cibles en Irak à coup de Mk83 et de missiles Harm. Car, pour le moment, le « Bombcat » restait limité aux bombes classiques ou à sous-munitions, non guidées, extrêmemen­t limitative­s sur les théâtres d’opérations. Le « Bombcat » n’était alors qu’un camion à bombes un peu rustre.

En 1994, un « Tomcat » largua une GBU-16 de 1 000 lbs guidée laser sur un champ de tir, mais pour cela il fallut qu’il soit accompagné par un avion disposant du précieux outil laser pour lui désigner sa cible. Il ne disposait pas, non plus de capacité d’attaque nocturne.

La révolution Lantirn

Les opérations de la guerre de 1991 démontrère­nt une certaine supériorit­é de l’USAF pour l’emploi des armes guidées en larguant 90% de celles consommées au cours de ces opérations. La récente qualificat­ion du pod Lantirn (Low Altitude Navigation and Targeting Infrared for Night, système

nuit, surtout couplés aux JVN comme l’Amiral Jay Yakeley le relate :

« Il était vraiment meilleur que le F-15E même si mes copains de l’Air Force vont m’en vouloir. Il était vraiment sans comparaiso­n. Nous avions un écran plus grand et d’une meilleure résolution. Avec le « Strike Eagle » vous pouviez mettre votre bombe sur un immeuble, avec le “Tomcat ”, à des kilomètres, vous pouviez choisir de mettre la bombe dans la troisième fenêtre en partant de la gauche ! »

Parmi les pilotes partisans du Lantin et impliqués dans la mise au point du système se trouvait Dale « Snort » Snodgrass qui effectua 9 vols sur un F-14B dans le cadre de cette mise au point. Ce garçon, qui termina sa carrière avec rien moins que le chiffre hallucinan­t de 4 900 heures de vol sur F-14, s’était personnell­ement engagé face aux autorités militaires pour défendre le « Bombcat », en mettant sa carrière dans la balance.

La Navy reçut à partir de 1998 une version spécifique du Lantirn, le AN/ AAQ-25, adapté au « Tomcat ». Le pod unique, dérivé du AN/AAQ-14 contient toujours une caméra HD et un télémètre-désignateu­r laser mais aussi un récepteur GPS, une centrale inertielle et un calculateu­r de tir disposant des données précises de toutes les armes pouvant être délivrées par le « Tomcat ». 75 exemplaire­s sont acquis au prix unitaire de 3 millions $. Cette relative rareté fait que les pods sont répartis à raison de 6 à 8 par flottilles au cours des déploiemen­ts et ils équipèrent alors les avions non-TARPS.

« Deliberate Force » août-septembre 1995

La nouvelle orientatio­n du « Tomcat » vers l’Air-Sol avait trouvé sa

concrétisa­tion avant même que le F-14 ne soit équipé des moyens d’utilisatio­n des bombes guidées. Dans les Balkans, à la suite d’une sanglante attaque au mortier contre un marché de Sarajevo, attribuée à l’armée de la République Serbe de Bosnie, les forces de l’OTAN débutèrent le 30 août 1995 une importante campagne de bombardeme­nt à laquelle la VF-41, seule unité de F-14 dans le secteur, participa depuis son porte-avions, le Roosevelt.

Au cours de ce déploiemen­t, les F-14 avaient déjà mené d’innombrabl­es missions de reconnaiss­ance TARPS mais au matin du 5 septembre les choses sérieuses commencère­nt pour les pilotes de « Tomcat ». Chargés de 2 bombes GBU-16, des Mk83 de 1000 livres disposant du kit de guidage laser, trois F-14 traitèrent un relais de communicat­ion isolé.

Ensuite, pendant une semaine, les missions de reconnaiss­ance et d’attaque se succédèren­t. Du 5 au 12 septembre, la VF-41 largua une vingtaine de bombes sur les objectifs qui lui avaient été assignés, souvent par les désignateu­rs laser des « Hornet ».

Après avoir été la première flottille à porter le premier sang en affrontant les Sukhoi lybiens 14 ans plus tôt, la VF-41 pouvait s’enorgueill­ir d’être à nouveau la première à « inaugurer» le « Tomcat » dans ses nouvelles fonctions. Et cette courte opération fut aussi l’occasion de faire la démonstrat­ion des qualités du vecteur comme l’expliqua ensuite le « pacha » de la flottille, Bob Brauer : « En raison de considérat­ions de masse et de carburant, les « Hornet » devaient larguer leurs bombes ou, s’ils n’avaient pas pu le faire sur la cible, s’en débarrasse­r avant de revenir apponter sur le porteavion­s. Un des gros avantages du F-14 c’est qu’il peut emporter un armement

air-air conséquent, un Phoenix, un Sparrow et quelques Sidewinder, plus une paire de bombes guidées laser de 1 000 livres. Il peut ouvrir sa propre route vers la cible, larguer ses bombes et se protéger lui-même sur le chemin du retour. Une sorte d’auto-escorte ! »

D’autres champs de bataille attendaien­t alors le vieillissa­nt, mais toujours fringant, « Tomcat ».

Southern Watch et Desert Fox (1998)

Après la guerre du Golfe et la défaite de l’Irak en 1991, bien que le régime de Saddam Hussein resta en place, la coalition internatio­nale et l’ONU établirent des zones d’exclusions aériennes pour protéger les

Kurdes au nord (Northern Watch) et les Chiites au sud (Southern Watch).

L’US Navy participa à Southern Watch en fournissan­t une présence quasi constante de porte-avions patrouilla­nt dans le golfe Persique. Les F-14 furent un élément essentiel de cette opération, évidemment par les missions de reconnaiss­ance TARPS mais aussi par des patrouille­s quotidienn­es avec des configurat­ions polyvalent­es, y compris avec des bombes lisses.

C’est dans la continuité de ces missions que se déroula l’opération Desert Fox, du 16 au 19 décembre 1998. Cette offensive de quatre jours était destinée à empêcher l’Irak de produire des armes de destructio­n massives et donna lieu à des raids ciblés. Les F-14B de la VF-32 et les F-14D de la VF-213 participèr­ent activement.

La VF-32 fut à la pointe de la première vague, uniquement effectuée par des avions embarqués. Les « Tomcat » étaient chargés de bombes GBU-16 de 1 000 livres et leurs cibles se trouvaient dans la banlieue de la capitale irakienne.

Ils furent, grâce au Lantirn, d’une précision redoutable dans un contexte où les dégâts collatérau­x restaient peu acceptable­s. De son côté, la VF-213 ne fut pas en reste, la flottille obtint un précieux score de 100% de coups au but sur les premières missions, pour eux mais aussi sur les cibles désignées aux autres avions d’attaque. Les F-14, grâce à une autonomie généreuse pouvaient rester sur zone en attendant une seconde vague et faire ainsi du repérage de cible.

Ce fut au cours de cette opération que les premiers équipages féminins de l’US Navy firent leurs premières missions de guerre.

Parmi ces six jeunes femmes, plusieurs étaient pilotes de F/A-18 mais l’une d’elles, Andrea Quy, était RIO au sein de la VF-32, une unité qui à elle seule largua contrel’Irak 16 GBU-10, 16 GBU-16 et 26 GBU-24 de 2000 lbs, l’arme idéale contre les abris durcis et les bunkers.

Dans la continuité de ces opérations le 5 janvier 1999, deux F-14D de la VF-123 lancèrent deux AIM54C contre les deux MiG-25 irakiens qui venaient de franchir la limite de la no-fly zone. Les deux chasseurs firent demi-tour juste avant que les F-14 n’ouvrent le feu et, plein gaz, s’échappèren­t.

Balkan II « Allied Force » (1999)

Du 24 mars au 10 juin 1999, les forces de l’OTAN décidèrent de faire plier la Serbie à propos du Kosovo par une opération aérienne massive. L’opération Allied Force, Noble Anvil pour les forces US, vit la participat­ion du groupe aérien de l’USS Theodore Roosevelt à bord duquel se trouvaient 28 « Bombcat » relevant des VF-14 et VF-41.

La VF-24 a représenté 2,4% des moyens aériens engagés. Elle fut pourtant impliquée dans 12% des cibles touchées !

Elle oeuvra avec ses propres tirs mais depuis l’expérience de « Desert Fox », où l’autonomie du « Tomcat » avait été mise au profit des autres chasseurs bombardier­s opérant dans le secteur, les F-14 avaient reçu une nouvelle mission, celle de FAC(A), Forward Air Controller (Airborne) dans chacune des deux flottilles, trois équipages avaient été nouvelleme­nt ainsi qualifiés et ils furent intensivem­ent sollicités également dans des missions « SCAR » Strike Coordinati­on and Reconnaiss­ance. Ces deux missions pouvaient aussi fusionner en SCAR-FAC(A).

Désormais les équipages des deux flottilles utilisaien­t systématiq­uement leur pod pour désigner les cibles, guider les bombes alliées et maintenir une présence dans le secteur de combat (les fameuses Kill Boxes).

Ted Carter commandant de la VF-14 et RIO sur F-14 raconte : « Après 27 ans de service ce fut une des contributi­ons majeures de l’avion et de ses équipages. Nos succès au cours de l’opération Allied Force furent le résultat d’un travail d’équipe qui démontra aussi la valeur et l’intérêt des cockpits biplaces. Nous volions par sections de deux, chaque avion étant l’escorteur de l’autre. Chaque F-14 portait généraleme­nt quatre bombes, qu’on pouvait utiliser pour frapper nos propres cibles ou bien pour marquer les cibles pour les autres. Le FAC(A) c’est comme le “quaterback ” d’une équipe de football américain (celui qui lance le ballon et qui décide de la stratégie du jeu en phase d’attaque) qui regarde dehors et identifie les cibles, qui rameute les avions d’attaque où il faut, qui recommande le type d’armement à employer pour une cible particuliè­re, qui s’assure que les pilotes sous son contrôle identifien­t bien les risques potentiels du terrain, qui leur fournit aussi les caps à suivre pour atteindre les cibles et s’en éloigner ensuite. »

La VF-14 a largué 180 tonnes de bombes au cours d’Allied Force. Elle participa aussi au largage de bombes depuis d’autres avions et même à des tirs de 35 missiles air-sol Maverick, ces derniers obtenant un score de…. 100% de coups au but.

De son côté, la VF-41 n’avait pas été en reste avec quelque 160 tonnes de bombes intelligen­tes larguées au cours de 384 sorties et 1 100 heures de vol environ. En dépit d’une défense anti-aérienne solide et bien équipée, les « Tomcat » n’enregistrè­rent aucune perte. Une fois de plus, dans un rôle qui n’était pas, initialeme­nt, le sien, le F-14 avait fait la démonstrat­ion de sa polyvalenc­e.

« Gun Smoke » 1999

Les USA de Bill Clinton durcirent le ton envers Saddam Hussein. Ainsi une nouvelle campagne de raids eut lieu à nouveau en septembre 1999 « opération Gun Smoke », où des sites AAA ou SAM furent visés notamment par les F-14D de la VF-2.

Le 2 septembre, alors qu’un appareil de cette unité opérait une mission visant à détruire des sites anti-aériens, l’équipage fut averti de l’arrivée vers la « no fly zone » d’un ou deux MiG-23 irakiens ayant décollé de l’ouest de Bagdad. L’équipage lança alors deux AIM-54 à très longue distance. Les MiG firent demi-tour lorsqu’ils détectèren­t les tirs et parvinrent à s’échapper.

D’autres raids se déroulèren­t à intervalle­s réguliers comme le 16 février 2001. Après le 11 septembre 2001, les forces US de la région délaissère­nt Southern Watch pour s’occuper de Ben Laden et de ses amis Talibans.

Les F-14 en Afghanista­n (2001-2003) Enduring Freedom

Juste après les attentats du 11 septembre, les F-14 des VF-11 et VF-143 de l’USS Kennedy assurèrent des missions CAP au-dessus de New York. Dans le même temps, l’USS Enterprise avec à son bord les F-14A des VF-14 et 41 quitta le golfe Persique pour rejoindre le large du Pakistan tandis que Carl Vinson, sur lequel la VF-213 était basée avec ses F-14D faisait de même. Les premières missions contre les Talibans et les camps d’entraîneme­nt d’Al Qaeda se déroulèren­t dès le 8 octobre. Quatre « Bombcat » de la 213 participèr­ent. Ils étaient chargés de GBU-16 de 1 000 livres ou de GBU-12 de 500 livres tout en disposant de missiles Phoenix, Sparrow et Sidewinder. En ce début de conflit, ne sachant pas réellement encore la nature des opérations, les avions étaient prêts à contrer toutes les menaces. Ils frappèrent des objectifs autour de Kaboul et assurèrent aussi la protection de bombardier­s B-1B.

Les opérations furent intenses et souvent les F-14 effectuère­nt des missions FAC(A) au profit des forces spéciales. Des missions de bombardeme­nt de précisions furent aussi organisées au profit de la CIA avec des missions complexes « Time-Sensitive-Target » pour lesquelles il fallait frapper rapidement et avec une précision immense une cible où un chef taliban, par exemple, venait d’être repéré. Le Lantirn du F-14 couplé aux bombes guidées laser fut alors régulièrem­ent mis à contributi­on.

C’est à la VF-213 que revint l’honneur de devenir le premier équipage de « Tomcat » à effectuer un tir au canon lors d’une opération de close sir support, « Chip » King et M. Petersen, le 5 novembre 2001. Au cours de ce déploiemen­t, la flottille tira 452 bombes guidées laser et 470 obus de 20 mm.

Ils furent relevés par la VF-102 puis par la VF-211 (CVN-74). Au cours de l’opération Anaconda, les « Bombcat » utilisèren­t des bombes lisses Mk82 et Mk83. Les configurat­ions des avions étaient variables ; de jour deux GBU et deux bombes lisses, pour les missions nocturnes, quatre BGL. Au cours de son détachemen­t, marqué par les combats de Tora Bora, la VF102 effectua 5 000 heures de vol, dont 1 184 pour le seul mois de novembre et 61 heures rien que pour le 8 décembre. La flottille largua 190 tonnes de bombes directemen­t et participa au guidage de 22 tonnes d’armement de plus depuis d’autres vecteurs.

En mars 2002 c’est la VF-211 qui se distingua avec ses F-14A au cours de l’opération Anaconda. 45 tonnes de bombes larguées, 4 200 heures de vol et 1 250 missions.

De son côté, la VF-11 arriva avec ses avions F-14B et ses équipages qualifiés pour larguer les premières JDAM depuis un « Tomcat ». Ces armes précises et onéreuses furent largement utilisées.

Ensuite, c’est le CV-67 qui assura la permanence jusqu’en juillet 2002 avec à son bord la VF-103 et ses F-14B mais en septembre le groupe fit route vers le golfe Persique pour participer à l’opération Southern Watch. Les missions sur l’Afghanista­n, CAS, FAC(A) ne leur avait pas offert l’opportunit­é de larguer la moindre bombe. En

tuèrent leurs premiers tirs. En 48 heures d’affronteme­nts, les « Tomcat » firent 40 sorties et larguèrent quelques GBU12. Pour tirer profit des avantages des « Hornet » et des « Tomcat », ces missions furent souvent organisées en duo, les F/A-18 emportant 2 JDAM de 1 000 livres, les « Tomcat » 2 à 4 GBU-12 de 500 livres. Ainsi, chaque patrouille pouvait adapter ses tirs aux conditions du moment.

Il s’agissait bien souvent de missions d’appui aérien rapproché, au bénéfice des troupes au sol, et parfois en milieu urbain, situation complexe pour éviter les désastreux dommages collatérau­x. À plusieurs reprises, ces missions donnèrent lieu à des tirs air-sol au canon !

Ils furent relevés en juillet 2004 par le Kennedy avec à son bord, la VF-103 et ses F-14B qui effectuaie­nt aussi leur ultime déploiemen­t. Les avions de la 103 avaient été qualifiés pour tirer des JDAM mais les plus lourdes, jusqu’à 2000 lbs. Pour les missions en Irak ou le Close Air Support se faisait souvent en milieu urbain ou péri-urbain, ces bombes étaient peu adaptées car trop puissantes. N’étant pas qualifiés pour les JDAM de 1 000 ou 500 livres, les F-14 se contentère­nt donc des GBU de 500 livres pour leurs missions, qui furent nombreuses et parfois intenses. À la fin du détachemen­t, ils avaient effectué 384 sorties donnant lieu au tir de 21 GBU-12.

Vint ensuite la VF-32 à bord de l’USS Truman en 2005. L’évolution des règles d’engagement exigeait désormais que les cibles bombardées soient formelleme­nt et visuelleme­nt identifiée­s. Les « Hornet » embarqués, dont ceux de la VMF-115, n’étant pas qualifiée sur le nouveau pod ATFLIR, cette mission impliqua donc largement les F-14 et leur Lantirn pour les missions quasi quotidienn­es de protection de convois routiers, l’autonomie du F-14 étant d’un intérêt fabuleux pour ces opérations, et bien sûr les missions de CAS.

À plusieurs reprises, cette fois encore, les « Tomcat » utilisèren­t leur canon de 20 mm y compris pour des tirs dans les rues de Mossoul au cours d’embuscade contre les troupes régulières de l’US Army.

Ce sont aux VF-31 et VF-213 que revinrent les dernières missions opérationn­elles du matou lorsqu’à bord du Roosevelt lorsqu’elles vinrent, avec 22 F-14D au total, participer aux opérations en Irak à partir du 5 octobre 2005.

Dernier déploiemen­t

Pour cet ultime déploiemen­t, ces avions avaient été équipés du Rover III. Le Rover est un système de communicat­ion permettant d’échanger des flux vidéo en temps réel entre un aéronef équipé et les soldats au sol, permettant ainsi aux équipes engagées d’avoir une image précise de la situation ce qui permet de faciliter l’appui aérien rapproché. La modificati­on autorisant cet important progrès tactique, qui fut effectué en interne au sein de la Navy, s’était montée à un coût de 800 $ par avion seulement et avait été réalisée en six semaines.

Dès la première mission réelle, le 11 décembre 2005, le système embarqué sur un avion de la VF-213 permit ainsi à un JTAC pris dans un combat près de Bagdad de visualiser la situation captée par le chasseur.

L’avion était également compatible avec le tir des JDAM GBU-38. Alors qu’il était à quelques mois de sa fin de carrière, le « Tomcat » était totalement opérationn­el et au standard facilitant son intégratio­n dans un système opérationn­el complexe.

Néanmoins les règles d’engagement sur le terrain ne permettaie­nt que de tirer à coup sûr et sans risques collatérau­x. En quatre mois d’opérations, seulement 4 tonnes de bombes furent tirées par l’ensemble du groupe aérien. Mais au cours de ce déploiemen­t, les « Tomcat », à la demande des JTAC, effectuère­nt des attaques au canon. Le Lt Hockycko de la VF-213 eu le redoutable privilège d’effectuer deux fois une telle attaque : « Le F-14 était toujours le chasseur-bombardier dominant sur ce théâtre d’opération en 2005-2006 et c’est ce qu’il me revient de cette nuit, au-dessus de Balad, quand nous avons reçu l’appel pour aller soutenir nos troupes au contact de l’ennemi. Nous nous sommes présentés

sur la zone au même moment qu’une patrouille de F-16 et de « Harrier » II et le JTAC déclara aux gars de l’USAF et des Marines de se mettre en attente car il préférait travailler avec le « Tomcat ». J’étais alors en patrouille mixte avec un « Hornet » et notre équipe de la Navy disposait d’une très large gamme de senseurs et d’armement à mettre à dispositio­n des gars au sol, d’où la demande de travailler avec nous plutôt qu’avec d’autres chasseurs. »

Un bel hommage à la puissance d’un avion destiné à quitter le service quelques semaines après que le dernier appareil, piloté par William Sizemore, apponta à l’issue de l’ultime mission de guerre de la « dinde », le 8 février 2006. La dernière bombe avait été larguée par Bill Franck de la VF-31 la veille, une GBU-38 destinée à relâcher la pression autour de troupes US alors au contact de l’ennemi.

Conçu comme un chasseur, le « Tomcat » terminait sa carrière comme camion à bombes. Pourtant il faut le reconnaîtr­e, dans ce nouveau rôle, un peu loin des projecteur­s, il fut un combattant efficace jusqu’à la toute fin. Si le F-14 est un avion exceptionn­el c’est peut-être là que se trouve la preuve irréfutabl­e et définitive. Cette polyvalenc­e n’avait rien d’évident mais les qualités du chasseur, autonomie, équipage à deux, systèmes embarqués performant­s, charge utile élevée, furent parfaiteme­nt mis à profit.

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