Le Fana de l'Aviation

Hawker “Hurricane” Mk I matricule P2902 Le rescapé de Dunkerque

Récupéré en 1987 sur la plage de Leffrincko­ucke où il s’était écrasé le 31 mai 1940 alors que son pilote protégeait la retraite des soldats britanniqu­es de Dunkerque, ce Hawker “Hurricane” Mk I vole à nouveau depuis 2017. Son pilote de mai 1940, aujourd’h

- Par Darren Harbar

Le Hawker “Hurricane” Mk I matricule P2902 fut construit dans l’usine de la Gloster Aircraft Company, une filiale de Hawker, à Brockworth, dans le cadre d’un lot commandé par le contrat no 962371/38. Les avions de ce lot reçurent les matricules de la série P2535 à P3264, le P2902 faisant partie du deuxième block (P2900-2924). Il était propulsé par un Rolls-Royce “Merlin” III de 1 280 ch (n° 144641) et équipé d’une hélice tripale Rotol. Il fut alloué à la Maintenanc­e Unit 20 à Aston Down, dans le Gloucester­shire, en tant qu’avion de réserve le 25 avril 1940, et pris en compte le 13 mai. Le P2902 bénéficiai­t d’un blindage derrière le siège du pilote et de réservoirs auto-obturants, améliorati­ons dont étaient dépourvus ses prédécesse­urs et qui allaient s’avérer d’un grand secours quelques jours plus tard à un jeune pilote de 19 ans, le pilot officer Kenneth McGlashan – “Mac” pour les intimes.

préparatif­s pour l’évacuation de Dunkerque avaient débuté le mercredi 22 quand le vice-amiral Bertram Ramsay avait battu le rappel de tous les navires, petits et grands qu’il avait pu trouver, y compris les vaisseaux civils qui, du fait

ce qu’une de ses cinq filles (Jill Freestone, née McGlashan) eût l’opportunit­é d’enregistre­r quelques témoignage­s quand il se décida à se raconter durant les dernières années de sa vie. Pour le moins, Kenneth “Mac” McGlashan minimisa ses activités pendant la période de la guerre et mena une vie normale, comme l’expliqua Jill Freestone :

Dornier et des Ju 87 ont été observés très bas au-dessus de la ville. Les trois premières patrouille­s ont plongé pour engager l’ennemi. À peine avaient-elles commencé que j’ai vu des Messerschm­itt t 109 passer 3 000-5 000 pieds [915-1 525 m] sous nous, en diagonale e depuis mon arrière e gauche, se dirigeant vers ma droite. Pour jouer le rôle qui m’avait été assigné, j’ai décidé de faire un virage plongeant vers rs la droite pour attaaquer par-dessus. J’ai ’ai entendu une communicat­ion munication très brouillée dans mon TR9D (une radio peu efficace) qui était en fait mon n° 2 m’alertant de la présence de 109 (environ cinq je pense), plongeant sur nous pour nous attaquer par notre gauche. Mon n° 2, fort heureuseme­nt, a réussi à se dégager, tandis que je me concentrai­s sur ma propre attaque et n’ai pas jeté un coup d’oeil derrière moi. La première chose que j’ai perçue est ma plaque de blindage, qui a commencé com à faire du bru bruit comme un réveil veil, et des traceuses rou rouges sont entrées da dans mon cockpit en entre mes jambes et a au- dessus et auddessous de ma poign gnée de gaz sur laququelle j’avais la ma main. Au même mo moment, mon tablea bleau de bord était en trai train d’être démoli (mon esprit s’e s’est alors fixé sur le réservoir d’essence situé derrière le tableau de bord et juste au-dessus de mes genoux) – fort heureuseme­nt, mon “Hurricane” était du dernier modèle et tout neuf (8 heures au compteur) et, à la différence des mo

de piqué à temps. Je pensais que j’avais été touché dans le dos et du sang coulait le long de ma jambe gauche – il s’est avéré en fait que quelque chose avait percuté une cassette de pellicule Agfa que j’avais dans ma poche sans me causer de réelle blessure et que le sang coulait de petites blessures dues aux éclats.

Le noir total suite aux g excessifs

que je n’étais pas sérieuseme­nt blessé, je suis sorti de mon piqué suicidaire. Ma vision s’est obscurcie jusqu’au noir total suite aux g excessifs (accélérati­on verticale) et quand j’ai pu y voir à nouveau, je filais à 3 m à peine au-dessus du sable le long de la plage, à une vitesse considérab­le vers la ville. J’ai attendu que la vitesse chute et, juste avant de toucher le sol, j’ai essayé de verrouille­r le cran de sécurité du bouton de déclenchem­ent des mitrailleu­ses.

Malheureus­ement, mon doigt a glissé sur le verrouilla­ge et j’ai touché le bouton, déclenchan­t une courte rafale de mes huit Browning. Peu après avoir touché le sol dans une zone dégagée entre des véhicules abandonnés, le radiateur s’est enfoncé dans le sable – ce qui a presque fait basculer [mon avion] cul par-dessus tête.

“Tu es Allemand ? Non, non, Anglais !”

ma glissade s’est arrêtée, j’ai débouclé mon harnais et ai jeté mon casque et mon masque à oxygène par- dessus le côté gauche (ils étaient toujours reliés à l’avion), et je les ai suivis pour aller m’abriter sous un camion abandonné le temps de reprendre mes esprits. Après un petit moment, j’ai senti et j’ai vu une main agripper une de mes chevilles, et me tirer de dessous le camion. C’était deux soldats français des troupes coloniales, des Algériens je pense ; ils étaient quelque peu hostiles et avaient de longues baïonnette­s qu’ils appuyaient contre mon gilet de sauvetage Mae West, tandis qu’ils m’adossaient au camion. Heureuseme­nt le kapok qui remplissai­t ma Mae West a résisté aux baïonnette­s. Ils n’arrêtaient pas de me demander en français : “Tu es Allemand ?” et je répondais : “Non, Non, Anglais !” (J’ai pensé qu’ils avaient pris très au sérieux ma courte rafale involontai­re, et qu’ils pourraient me faire un truc moche). Puis j’ai vu deux soldats britanniqu­es (des soldats du régiment d’infanterie de ligne Green Howards je pense) qui marchaient le long de la plage et leur ai demandé de l’aide (ils étaient armés). Ils sont venus voir ce qui se passait et ont chassé les deux Algériens, à mon grand soulagemen­t.

ont examiné mon avion et m’ont demandé s’il restait des munitions, ce à quoi j’ai répondu qu’il en restait beaucoup. Ils en voulaient de calibre .303 (7,65 mm) pour leur section de mitraillag­e équipée de Bren [fusil-mitrailleu­r] qui attendait les chars allemands non loin de là, mais qui était presque à court de munition. J’ai expliqué que mes munitions étaient du type “De Wilde” (un mélange de balles incendiair­es, anti

vitesse alternativ­ement en avant et en arrière de chaque côté au moment où le Teuton s’apprêtait à larguer sa bombe. Lors de la troisième tentative, un destroyer qui tirait bas sur l’avion ennemi a réussi à faire exploser un de ses obus pile sur le nez de l’appareil qui est tombé en mer, sous nos acclamatio­ns.

n’avons plus eu de soucis ensuite, jusqu’à ce que nous soyons au milieu de la Manche ; nous nous sommes arrêtés pour récupérer un pilote de “Hurricane” qui nageait comme un dératé vers l’Angleterre, après avoir abattu une Me 110 et avoir sauté en parachute. J’observais l’opération de récupérati­on et, à ma grande surprise, je reconnus ce NéoZélanda­is, Vic Verity, qui avait été mon camarade de classe à Hullavingt­on et avait aussi servi avec moi au Squadron 96 un peu plus tard.

avons touché terre (je pense que c’était à Margate) le soir même et j’ai contacté l’officier de permanence à Hawkinge, le plt off. Hill ( comme moi membre du Squadron 245 – il serait tué plus tard), qui a envoyé un véhicule pour me ramener, moi et mon parachute. Il était aussi le responsabl­e des parachutes de l’escadron ; il m’a dit que le mien était bon pour la poubelle, ayant été contaminé par de l’huile, etc. Plus tard, j’ai envoyé ce parachute à ma mère (il a été plus tard récupéré par ma femme qui a taillé dans la coupole une robe de baptême qui a servi à mes cinq filles). J’ai été mis en congé toute la journée du 1er juin, et j’ai emmené mes mécanicien­s à Douvres pour boire un coup à ma santé et célébrer la mémoire de leur “Hurricane” P2902. Le lendemain, Ginger Mowatt (mon chef d’escadrille) et moi-même avons pris l’air pour une patrouille offensive et jeter un coup d’oeil à mon “Hurricane” vautré sur la plage, qui semblait bien solitaire – aucun signe d’activité à proximité.”

Enseveli par le sable puis découvert en 1989

qu’il gisait sur la plage de Leffrincko­ucke, le P2902 fut – sans surprise – pillé par des chasseurs de souvenirs allemands, puis il fut petit à petit enseveli par le sable. Rien ne vint déranger l’épave jusqu’en 1989 quand un mouvement conséquent du sable exposa à l’air libre les restes en grande partie intacts. Les membres de l’aéro-club local se mirent en devoir de la récupérer et y parvinrent à l’aide d’engins de chantier et d’élingues. Le fuselage, la section centrale

 ??  ?? Le carnet de vol de Kenneth “Mac” McGlashan ouvert à la page du 31 mai 1940, et toutes les décoration­s qu’il reçut durant sa carrière dans la RAF.
Le carnet de vol de Kenneth “Mac” McGlashan ouvert à la page du 31 mai 1940, et toutes les décoration­s qu’il reçut durant sa carrière dans la RAF.
 ?? Via Darren Harbar ?? Gros plan sur une page du carnet de vol de Kenneth “Mac” McGlashan. À la date du 31 mai, on peut lire : “Patrouille sur Dunkerque. Attaqué par 8 (?) Me 109. Abattu sur plage. Rentré avec bateau à vapeur à aubes.”
Via Darren Harbar Gros plan sur une page du carnet de vol de Kenneth “Mac” McGlashan. À la date du 31 mai, on peut lire : “Patrouille sur Dunkerque. Attaqué par 8 (?) Me 109. Abattu sur plage. Rentré avec bateau à vapeur à aubes.”
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Darren Harbar
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Darren Harbar
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Darren Harbar

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