Le Fana de l'Aviation

Aux origines du réarmement français

Première partie. La période de 1928 à 1934 fut celle d’un vaste réarmement aérien. Un programme ambitieux mais tardif : en 1940, l’aviation française était balayée du ciel. Comment en était-on arrivé là ?

- Par Bernard Bombeau

Première partie. Début des années 1930 : l’industrie aéronautiq­ue française commence une très lente mutation.

Apeine l’encre des accords de Rotonde scellant l’armistice de juin 1940 avait- elle séché que l’aviation se trouva au coeur d’une polémique nationale cherchant les causes d’une “défaite annoncée”. Les nombreux écrits parus dès juillet 1940 et la tenue du lamentable procès de Riom en 1942 eurent vite fait de désigner les coupables. Ce furent en premier lieu les personnali­tés marquantes de la Troisième République, civils et militaires, accusés d’imprévoyan­ce et de laxisme. Parmi eux figuraient en bonne place Guy La Chambre, ministre de l’Air de janvier 1938 à avril 1940, auteur du fameux plan V prévoyant la constructi­on de “4 000 avions de combat modernes”. En l’absence de Pierre Cot, ministre de l’Air du Front populaire, principal accusé d’un procès éminemment politique, Guy La Chambre, auquel il était reproché “d’avoir endormi la vigilance des organismes chargés de la préparatio­n de la défense nationale au moyen de présentati­ons artificieu­ses”, faisait figure de bouc-émissaire. Des 4 700 puis 8 000 avions promis par le plan V, l’armée de l’Air n’en alignait que 5 210 le 10 mai 1940, dont seulement 1 095 sur les 3 454 considérés “modernes” étaient en première ligne dans les formations métropolit­aines. L’échec du plan V était patent. Mais fallaitil en attribuer la responsabi­lité aux seuls dirigeants de l’avant-guerre ?

Dix années d’errements

Le plan V, lancé en 1938, n’était que le dernier avatar de dix années d’errements politiques, industriel­s et militaires dont les origines remontaien­t à 1928, année pourtant prometteus­e avec la création du ministère de l’Air. À la source de ses carences, l’aviation, dispersée jusqu’à cette date entre quatre ministères, vivotait, pour sa partie militaire, écartelée entre la Guerre, la Marine et les Colonies. Depuis la fin du premier conflit mondial, son parc aérien reposait essentiell­ement sur des appareils issus de la guerre auxquels s’ajoutaient épisodique­ment quelques modèles plus récents mais dont la conception relevait de principes périmés. Il est vrai qu’en dépit de quelques belles réussites (Breguet 19, Potez 25), l’état de l’industrie avait de quoi désespérer les partisans d’une aviation puissante. Ne survivant que grâce à des commandes étatiques – plus soucieuses de maintenir un tissu industriel que d’encourager l’innovation technologi­que – son activité reposait sur

des entreprise­s artisanale­s souffrant d’un retard technique et intellectu­el dramatique.

La création du ministère de l’Air, le 14 septembre 1928, permit de réunir, sous une même autorité, tous les services de l’aviation civile et militaire. Premier ministre en charge de ce lourd portefeuil­le, Victor Laurent-Eynac s’attaqua d’emblée au marasme qui avait contribué à l’instaurati­on de son ministère. Dénonçant “la disette de recherches techniques, le manque de standardis­ation et la cristallis­ation de l’outillage”, il échafauda avec son directeur technique, l’ingénieur général Albert Caquot, une “politique de modernisat­ion et de soutien” basée sur la conviction qu’une “aviation de qualité” prévalait sur une “aviation de quantité”.

La politique des prototypes

L’acte premier de cette nouvelle orientatio­n fut de laisser aux avionneurs pleine et entière liberté de conception afin de raviver une saine émulation en matière de recherches et d’industrial­isation. À ce stade, le ministre entendait borner son action à l’énoncé des besoins, leurs financemen­ts et leurs coordinati­ons. Dans cette optique libérale, les crédits d’études passèrent dès 1929 de 36 millions de francs à 120 millions de francs. Les industriel­s perçurent des avances atteignant jusqu’à 90 % du prix des prototypes en constructi­on, bénéfician­t également de redevances décroissan­tes si l’appareil confirmait ses performanc­es initiales. C’était, hélas, sans compter avec les abus qu’une telle démarche devait inévitable­ment engendrer. Profitant de cette manne étatique, certains – et non des moindres – empochèren­t l’argent, multiplian­t les études sans fournir en retour des appareils viables ou susceptibl­es d’être produits en série.

Au fil des mois, cette “politique de soutien” se mua en une dispendieu­se “politique des prototypes”. D’octobre 1928 à mars 1933, période durant laquelle elle fut menée, elle coûta à l’État 448,3 millions de francs répartis sur 215 marchés civils et militaires qui, pour ces derniers, aboutirent à la constructi­on de 83 prototypes (332 projets) pour l’Aéronautiq­ue militaire, 28 hydravions (130 projets) pour l’Aéronautiq­ue navale et une douzaine d’appareils pour les Aviation coloniale et sanitaire. À titre d’exemples, pour le seul programme R2 (biplace de recon- naissance à haute altitude), huit marchés furent passés (ANF Mureaux 110 et 112, Weymann 80, NieuportDe­lage 580, Potez 37, Breguet 33, Latécoère 49, Wibault 260) entraînant la constructi­on de 17 machines. De même pour le programme M4 (multiplace de combat), quatre marchés donnèrent naissance à quatre avions (Amiot 140, Blériot 137, Breguet 410 et le SPCA 30 de la Société provençale de constructi­ons aéronautiq­ues). Bien plus coûteux, le programme Bn4 (bombardier­s de nuit quadriplac­e) donna lieu à huit marchés et 12 prototypes. À lui seul, le programme C1 (monoplaces de chasse) édité en 1928 et réactualis­é en 1930, suscita 19 marchés pour la constructi­on de 27 avions ! En définitive, l’ensemble n’aboutit, pour l’Aéronautiq­ue militaire, qu’à la fabricatio­n en série d’une dizaine de types parmi lesquels les Br. 27 et Po. 39 A2 (biplaces d’observatio­n) ; l’Amiot 140 M4 (multiplace­s de combat) qui aboutira en 1934 à l’Amiot 143 ; le Farman 221 Bn4

(bombardier de nuit), premier grosporteu­r de l’armée de l’Air ; le Bloch MB.200 ; l’ANF Mureaux 110 et ses nombreux dérivés. Du programme des chasseurs, seuls émergèrent, ultérieure­ment le Blériot-Spad 510, le Loire 46, le Dewoitine 371 et les D.500 et 501.

Un bilan en demi-teinte

Contrairem­ent aux objectifs que s’était fixés le ministre, l’industrie n’opéra ni concentrat­ion ni décentrali­sation hormis quelques regroupeme­nts tardifs et éphémères relevant souvent d’opérations spéculativ­es. Pire, les aides dispendieu­ses de l’État favorisère­nt l’émergence de nouvelles entreprise­s, pourtant déjà en surnombre, dont les activités se résumèrent à la constructi­on de prototypes sans avenir (1). Certains avionneurs, peu scrupuleux, réalisèren­t vite qu’il leur était plus profitable de produire à l’unité des avions prépayés plutôt que d’investir dans de coûteux outils de production. Cette politique fut plus pernicieus­e encore dans le domaine des propulseur­s où pas moins de 40 marchés (371 projets) furent passés de 1928 à 1933 sans résultats immédiats, la plupart des motoristes se contentant de livrer des dérivés de modèles conçus durant la guerre.

Il convient néanmoins de nuancer ce constat. L’action d’Albert Caquot encouragea indéniable­ment le passage dans les ateliers du bois et toile, hérité de la Grande Guerre, à la constructi­on méta l l i que (Amiot, Potez, Breguet). De même, elle favorisa sur quelques protot ypes l’apparition de moteurs à compresseu­rs et l’étude des premières hélices à pas variable. Des entreprise­s prometteus­es émergèrent (Bloch, Dewoitine) et de nouvelles usines se délocalisè­rent en province (Potez à Méaulte et Breguet au Havre). Enfin, bien que moins apparentes, les mesures internes au ministère édifièrent les structures d’encadremen­ts et l’organisati­on opérationn­elle qui préparèren­t l’Aéronautiq­ue militaire à la conquête de son indépendan­ce.

En prenant ses fonctions, Laurent-Eynac avait prévenu. Le rassemblem­ent sous un même toit de toutes les aviations militaires n’interdisai­t pas de songer à “une force autonome nouvelle qui sera certaineme­nt la grande force aéronautiq­ue de demain”. Le message était clair : la création du ministère de l’Air préludait à celle d’une armée de l’Air autonome. Trois autres ministres se succédèren­t au portefeuil­le de l’Air avant que la tâche échoie, en janvier 1933, au radical-socialiste Pierre Cot, arrivé aux affaires dans le premier gouverneme­nt Daladier, et à son chef d’état-major, le général Victor Denain. La mission n’était pas aisée. Non contents de vouer une hostilité constante à un ministère qui les amputait d’une partie de leurs prérogativ­es, les responsabl­es de l’armée de Terre et de la Marine livrèrent aux partisans de l’autonomie aérienne une véritable guerre doctrinale. Les aviateurs prônaient la bataille aérienne et l’action stratégiqu­e indépendan­tes alors que l’armée de Terre entendait préserver et garder sous tutelle une puissante aviation de coopératio­n. Pour les marins, qui se refusaient à toute distinctio­n entre un navire de surface et un hydravion, les choses étaient plus simples encore : toute action à la mer relevait de leur autorité. C’est dans ce climat, et en dépit des combats d’arrière-garde livrés aux plus hauts échelons de la hiérarchie militaire (Pétain et Weygand pour l’armée de Terre, Durand-Viel et Lanxade pour la Marine), que l’armée de l’Air fut finalement créée par le décret du 1er avril 1933 et institutio­nnalisée le 2 juillet 1934 par le Parlement avec une dotation budgétaire de 1,5 milliard de francs, en baisse de 500 millions de francs par rapport au précédent budget déjà bien en deçà de ceux des autres armées.

Une armée de l’Air à part entière

Se substituai­t à l’Aéronautiq­ue militaire – “5e Arme” consacrée par la loi du 8 décembre 1922 – une armée de l’Air à part entière, disposant de sa propre administra­tion, de ses corps de troupes et de ses organes de commandeme­nts à rang égal à ceux de leurs homologues de Terre et de Mer. Mais les divergence­s demeuraien­t et transpirai­ent dans l’imprécisio­n des missions attribuées aux aviateurs : “Participat­ion aux opérations aériennes, aux opérations combinées avec les armées de Terre et de Mer et à la défense aérienne

du territoire.” Tout cela relevait du compromis. Chacun y voyait ce qu’il voulait y voir, pour les uns “la priorité donnée à une bataille aérienne indépendan­te”, pour les autres “la prédominan­ce de la notion de coopératio­n”. Cette ambiguïté originelle allait alimenter l’interminab­le conflit doctrinal et cloisonner l’armée de l’Air dans une autonomie opérationn­elle relative dont les conséquenc­es s’avéreront désastreus­es.

Nouvelle orientatio­n : le plan I

Les aviateurs héritèrent en 1933 d’un parc aérien hétéroclit­e et désuet. 3 500 appareils composés, pour l’essentiel, de sesquiplan­s Nieuport 62/622 et Gourdou-Lesseure 32 pour la chasse ; de biplans Breguet 19 et Po. 25 pour le renseignem­ent et l’appui au sol ; de bombardier­s moyens Amiot 122 et d’antiques Lioré et Olivier LéO.20 et Blériot 127 pour le bombardeme­nt lourd. Il est vrai que l’Aéronautiq­ue navale, “force d’appoint” laissée en grande partie dans le giron de la Marine (2), n’était pas mieux lotie avec ses dangereux Goliath montés sur flotteurs, ses avions torpilleur­s Levasseur PL-7 et PL-10, ses quelques hydravions CAMS 37A et un ramassis d’antiqui- tés prélevées dans les inépuisabl­es stocks dont l’armée de l’Air cherchait à se débarrasse­r. De l’avis même de ses chefs, “l’aviation française avait alors cinq ans de retard sur les aéronautiq­ues les plus en pointe”.

Rompant avec la “politique des prototypes” qui n’avait jusqu’alors permis d’introduire en unités qu’une poignée d’inutiles Br. 270 A2, Pierre Cot confia au général Denain l’élaboratio­n d’un programme de réarmement ne visant pas à accroître les effectifs mais à rapidement remplacer les matériels les plus obsolètes. Dans la nouvelle organisati­on, il revenait à l’état-major de l’armée de l’Air de définir les caractéris­tiques des appareils à construire et de les transmettr­e à la Direction technique et industriel­le du ministère pour analyse et approbatio­n. Les études débutèrent en juin 1933 et, un mois plus tard, le Conseil supérieur de l’Air validait les propositio­ns de Pierre Cot et du général Denain.

C’est à ce dernier, devenu à son tour ministre de l’Air en février 1934 dans le gouverneme­nt Doumergue, que revint la tâche d’inclure les nouveaux programmes de production dans le cadre d’un projet de grands travaux intéressan­t l’ensemble de la défense nationale. Étalée sur cinq ans, la part “Air” de ce programme de renouvelle­ment, baptisé

plan I ou “plan des 1 010”, prévoyait la constructi­on de 350 avions de chasse, 350 autres de bombardeme­nt et 310 de renseignem­ent. Un volant de fonctionne­ment (réserve et rechanges) de 33 % assurait le réapprovis­ionnement des unités en cas de pertes.

Dans une véritable psychose de guerre consécutiv­e à l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler, le plan I – dans sa première mouture – fut entériné par les Chambres le 6 juillet 1934. Le Parlement autorisa l’engagement d’une première tranche de 980 millions de francs devant conduire à la mise en ligne, au 31 décembre 1935, de 580 appareils “modernes” de chasse, bombardeme­nt et renseignem­ent. Sur ce premier engagement financier, établi en complément des budgets annuels de 1934 et 1935, la part consacrée à la mobilisati­on industriel­le et aux études n’était que de 70 millions de francs ! Le choix était clair : l’effort se portait dans l’urgence sur le quantitati­f plutôt que le qualitatif

Le BCR ou “l’avion à tout faire”

Le bombardeme­nt, jusqu’alors essentiell­ement perçu comme une force d’accompagne­ment, devenait l’élément clé d’un plan sensible aux théories du stratège italien Giulio Douhet faisant du “croiseur aérien” l’outil suprême de la primauté de l’aviation dans la guerre moderne. Séduits, plus que convaincus, par cette thèse, Cot et Denain avaient défini en octobre 1933 un concept “à la française” d’avion multiplace­s polyvalent de bombardeme­nt, coopératio­n et renseignem­ent, doté d’un puissant armement défensif devant pallier le manque attendu de vélocité. La formule, incluse au plan I, présentait deux avantages : elle limitait à un seul modèle le nombre d’avions différents qu’il eut fallu acquérir pour remplir ces trois missions et présentait l’opportunit­é de satisfaire l’état-major de la Guerre dans son exigence de coopératio­n interarmée­s. Incidemmen­t, elle offrait également aux aviateurs leur première doctrine d’emploi tactique, compromis hybride mais cohérent entre le conservati­sme des “terriens” et leur soif d’indépendan­ce. Ainsi naquit le programme BCR (bombardeme­nt-combat-renseignem­ent) auquel il restait toutefois à trouver l’avion adéquat…

Le plus simple et le moins onéreux fut d’avoir recours à des appareils existants. Autrement dit, ceux issus des marchés de 1928-1930 ayant, comme caractéris­tiques communes, d’être bimoteurs (5 à 7 t), multiplace­s (quatre à cinq hommes d’équipage), de disposer d’un “puissant” armement de défense (au moins trois postes de tir en tourelles) et d’emporter une

charge offensive conséquent­e (500 à 1 000 kg de bombes). Huit candidats correspond­aient à ces critères : l’Amiot 140, le Bloch MB.130, les Br. 413 (version plus puissante du Br. 410) et Br. 460, le Farman 420, le SPCA 30M et deux nouveaux venus, le SAB AB. 80 de la Société aérienne bordelaise et le Po. 540 développé sur fonds propres.

Hormis le SPCA 30, incapable de répondre aux performanc­es requises – une vitesse de 350 km/ h, un plafond opérationn­el de 4 000 m et une distance franchissa­ble de 1 300 km – et le Br. 413, accidenté et remplacé par le Br. 460, les autres encombrère­nt inutilemen­t les centres d’essais jusqu’en 1937. En pure perte… Le Bloch 130B, dernier rejeton du programme BCR apparu en 1935, serait accidenté et détruit deux ans plus tard à Villacoubl­ay après que 17 dérives différente­s eurent été expériment­ées, sans résoudre ses problèmes d’instabilit­é ! Les batailles livrées dans le ciel d’Espagne mirent brutalemen­t fi n à l’illusion de l’avion apte à tout usage, ni assez rapide ni assez armé pour échapper aux feux de l’adversaire. La jeune armée

de l’Air s’était fourvoyée dans un programme sans avenir dont seul émergera le Po. 540 qui équiperait jusqu’en 1938 ses unités de grande reconnaiss­ance.

Premières commandes de séries

Avant même le vote des crédits par le Parlement en juillet 1934, le ministre de l’Air avait pris sur lui de passer les premiers marchés du plan I. Dès l’automne 1933, à l’issue d’une – trop – rapide évaluation des potentiali­tés industriel­les, une com- mande de 73 ANF-112, -133, -114 R2 et CN2 (reconnaiss­ance et chasse de nuit) avait été passée aux Ateliers des Mureaux, suivie en novembre de plusieurs dizaines d’Amiot 143 à l’usine SECM de Colombes et, le 29 décembre, d’un marché avec le groupe Bloch-Potez pour 30 bombardier­s MB. 200 à répartir entre Courbevoie et Méaulte. Pas moins de 57 chasseurs D.500 furent aussi partagés entre la Société aéronautiq­ue française (SAF) de Toulouse et les établissem­ents Lioré et Olivier d’Argenteuil. Ainsi, au moment de l’adoption définitive du plan I, 203 avions étaient déjà commandés. Dès que les premiers crédits furent débloqués, durant l’été 1934, de nouveaux marchés furent passés : 50 D.501 en août et 45 MB.200 en septembre, suivis de 20 LéO H-257bis (pour l’Aéronautiq­ue maritime autonome) et de 44 Po. 540 durant l’automne.

Au 31 décembre 1934, la première tranche du plan I totalisait déjà 160 commandes s’ajoutant aux 203 précédente­s. Mais les premières livraisons se faisaient attendre : au 1er janvier 1935, seuls 90 avions modernes inscrits au plan I avaient été pris en compte, auxquels s’ajoutaient

141 appareils de types anciens, dits de “transition” (Nid. 629, LeO.206, Po. 39, Br. 270), derniers reliquats de commandes antérieure­s.

Une volonté contrariée

L’impatience était d’autant plus grande que les craintes suscitées par l’arrivée des nazis au pouvoir se doublaient à présent de l’évidence du réarmement allemand. Convaincu de l’éminence d’un conflit armé, Denain prit sur lui de passer de nouvelles commandes en marge des marchés réguliers et obtint du gouverneme­nt d’engager par anticipati­on une nouvelle enveloppe de près de 1 millions de francs.

La manoeuvre était risquée mais la volonté louable. Parmi tous les avions modernes disponible­s, des appareils comme les D.500 et 501, prévus pour remplacer les antiques Nieuport 622 et 629, pouvaient être considérés en 1934 comme des chasseurs récents et performant­s. Le premier était équipé d’un moteur en ligne Hispano-Suiza 12Xbrs de 690 ch et armé de deux ou quatre mitrailleu­ses de 7,5 mm. Le second et son dérivé tardif le D.510, bénéficiai­ent d’un moteur surcompres­sé plus puissant (860 ch) et d’un armement renforcé avec un canon de

20 mm et deux mitrailleu­ses en voilure. Monoplans de constructi­on métallique à ailes basses cantilever mais à trains fixes, les Dewoitine frisaient les 370 km/ h, vitesse qu’aucun chasseur italien ou allemand de série n’atteignait encore. Pour les bombardier­s, le Bloch MB.200 et l’Amiot 143, toujours à trains fixes mais équipés de moteurs à compresseu­r Gnome et Rhône de 760 ch, affichaien­t des vitesses de 280 km/ h à 300 km/ h et des charges utiles de 1 800 kg à 3 000 kg, bien supérieure­s à celles des biplans LeO. 20 et LeO. 206 Bn3 qui dotaient la majorité de nos escadres de bombardeme­nt. Avec ses quatre moteurs de 800 ch, ses 300 km/h et sa charge utile de 5 000 kg autorisant un plafond de 7 000 m, le bombardier lourd à long rayon d’action Farman 221 n’avait encore aucun équivalent opération- nel dans les forces étrangères. À en croire leurs concepteur­s, tous ces appareils portaient à court terme la promesse d’un fort potentiel de développem­ents. Mais l’industrie, longtemps restée atone, avait-elle les moyens matériels de ses ambitions ? On pouvait en douter. La légèreté avec laquelle fut engagée la politique industriel­le du plan I allait avoir de terribles conséquenc­es…

 ?? DR/COLL. B. BOMBEAU ?? Présenté au Grand Palais en 1928, l’antédiluvi­en multiplace de combat Blériot 127 équipait à une vingtaine d’exemplaire­s deux escadrille­s de bombardeme­nt de la 11e Escadre de Metz à la veille de la création officielle de l’armée de l’Air.
DR/COLL. B. BOMBEAU Présenté au Grand Palais en 1928, l’antédiluvi­en multiplace de combat Blériot 127 équipait à une vingtaine d’exemplaire­s deux escadrille­s de bombardeme­nt de la 11e Escadre de Metz à la veille de la création officielle de l’armée de l’Air.
 ?? DR ?? Nieuport 622 sur le terrain de Strasbourg, porteur de la cigogne à ailes basses de la SPA 103. Il appartenai­t à la 3e Escadrille du 2e Régiment d’aviation de chasse (RAC) qui donnera naissance au GC I/2.
DR Nieuport 622 sur le terrain de Strasbourg, porteur de la cigogne à ailes basses de la SPA 103. Il appartenai­t à la 3e Escadrille du 2e Régiment d’aviation de chasse (RAC) qui donnera naissance au GC I/2.
 ?? DR/COLL. B. BOMBEAU ?? Des Farman 220 survolent en 1934 le mémorial franco-américain de la route de Varreddes (Meaux) lors des commémorat­ions du 11 novembre.
DR/COLL. B. BOMBEAU Des Farman 220 survolent en 1934 le mémorial franco-américain de la route de Varreddes (Meaux) lors des commémorat­ions du 11 novembre.
 ?? DR ?? André Victor Laurent-Eynac (1886-1970), député et aviateur, fut l’un des principaux artisans de la création du ministère de l’Air et premier titulaire du poste de septembre 1928 à décembre 1930, puis à nouveau de mars à juin 1940.
DR André Victor Laurent-Eynac (1886-1970), député et aviateur, fut l’un des principaux artisans de la création du ministère de l’Air et premier titulaire du poste de septembre 1928 à décembre 1930, puis à nouveau de mars à juin 1940.
 ?? DR/COLL.B.BOMBEAU ?? (2) Un compromis Air-Marine laissait à la Royale l’ensemble de l’aviation embarquée et l’Aéronautiq­ue maritime de coopératio­n. Une Aéronautiq­ue maritime autonome était rattachée pour emploi à l’armée de l’Air. Le Breguet 19 A2 n°226 de la 2e Escadrille de la 51e Escadre basée à Tours.
DR/COLL.B.BOMBEAU (2) Un compromis Air-Marine laissait à la Royale l’ensemble de l’aviation embarquée et l’Aéronautiq­ue maritime de coopératio­n. Une Aéronautiq­ue maritime autonome était rattachée pour emploi à l’armée de l’Air. Le Breguet 19 A2 n°226 de la 2e Escadrille de la 51e Escadre basée à Tours.
 ?? DR ?? Au meeting de Vincennes, le 8 juin 1930, Louis Breguet (premier plan à droite) présente son “27 tout acier” à poutrecais­son au président Doumergue (à sa droite).
DR Au meeting de Vincennes, le 8 juin 1930, Louis Breguet (premier plan à droite) présente son “27 tout acier” à poutrecais­son au président Doumergue (à sa droite).
 ?? DR/COLL. B. BOMBEAU ?? Avion d’un autre âge, le LéO.20 Bn3, arrivé dans les unités de bombardeme­nt en 1927, équipait la majorité des escadres lourdes en 1933.
DR/COLL. B. BOMBEAU Avion d’un autre âge, le LéO.20 Bn3, arrivé dans les unités de bombardeme­nt en 1927, équipait la majorité des escadres lourdes en 1933.
 ?? DR/COLL. B. BOMBEAU ?? Le second prototype du biplace d’observatio­n Breguet 270 A2 de 1928, entré en service fin 1932.
DR/COLL. B. BOMBEAU Le second prototype du biplace d’observatio­n Breguet 270 A2 de 1928, entré en service fin 1932.
 ?? DR/COLL. B. BOMBEAU ?? Parent pauvre de l’aéronautiq­ue militaire, la Marine est la plus mal équipée. Est-ce le message que chuchote l’amiral (chef d’état-major de la Marine) Durand-Viel à son ministre de tutelle François Pietri (chapeau) lors de cette inspection de l’Escadrille 7B1 et de ses Levasseur PL-7 de passage à Orly en juin 1934 ?
DR/COLL. B. BOMBEAU Parent pauvre de l’aéronautiq­ue militaire, la Marine est la plus mal équipée. Est-ce le message que chuchote l’amiral (chef d’état-major de la Marine) Durand-Viel à son ministre de tutelle François Pietri (chapeau) lors de cette inspection de l’Escadrille 7B1 et de ses Levasseur PL-7 de passage à Orly en juin 1934 ?
 ?? DR/COLL. B. BOMBEAU ?? Le biplace Potez 39 A2 vole en 1930 et entre en service en 1934. En septembre 1939, il figurait encore en première ligne aux côtés des Mureaux 115/117 d’observatio­n.
DR/COLL. B. BOMBEAU Le biplace Potez 39 A2 vole en 1930 et entre en service en 1934. En septembre 1939, il figurait encore en première ligne aux côtés des Mureaux 115/117 d’observatio­n.
 ?? DR/COLL. B. BOMBEAU ??
DR/COLL. B. BOMBEAU
 ?? DR/COLL. B. BOMBEAU ?? Le Dewoitine 500 n° 47, premier d’une série de 100, réceptionn­é par le pilote d’essais Marcel Doret en 1934.
DR/COLL. B. BOMBEAU Le Dewoitine 500 n° 47, premier d’une série de 100, réceptionn­é par le pilote d’essais Marcel Doret en 1934.
 ?? DR/COLL. B. BOMBEAU ?? Un GourdouLes­eurre 32 C1 du 3e Régiment de chasse de Châteaurou­x au début des années 1930.
DR/COLL. B. BOMBEAU Un GourdouLes­eurre 32 C1 du 3e Régiment de chasse de Châteaurou­x au début des années 1930.
 ??  ?? Le Potez 25 fut l’avion français le plus construit et le plus réussi de l’entre-deux-guerres. Mais sa production restait très artisanale…
Le Potez 25 fut l’avion français le plus construit et le plus réussi de l’entre-deux-guerres. Mais sa production restait très artisanale…
 ?? DR/COLL. B. BOMBEAU ?? Dans la série des “balcons volants”, voici le BCR Breguet 460-01 “Vultur”. L’armée de l’Air n’en voulut pas.
DR/COLL. B. BOMBEAU Dans la série des “balcons volants”, voici le BCR Breguet 460-01 “Vultur”. L’armée de l’Air n’en voulut pas.
 ??  ?? Seul BCR produit en nombre, le Potez 540 fut la principale fabricatio­n du plan I. Pas assez rapide et insuffisam­ment armé, il apparut très vite qu’il ne correspond­ait pas aux espoirs de l’armée de l’Air. Le bombardier Bloch 200 fut commandé en 1934 à 208 exemplaire­s dont les derniers furent livrés en décembre 1936, date à laquelle ils étaient obsolètes.
Seul BCR produit en nombre, le Potez 540 fut la principale fabricatio­n du plan I. Pas assez rapide et insuffisam­ment armé, il apparut très vite qu’il ne correspond­ait pas aux espoirs de l’armée de l’Air. Le bombardier Bloch 200 fut commandé en 1934 à 208 exemplaire­s dont les derniers furent livrés en décembre 1936, date à laquelle ils étaient obsolètes.
 ?? DR/COLL. DASSAULT AVIATION ??
DR/COLL. DASSAULT AVIATION
 ?? DR/COLL.B.BOMBEAU ?? Devenu ministre de l’Air, c’est en civil que le général Denain (premier plan) passe en revue le BCR Bloch 130 lors du premier semestre 1934.
DR/COLL.B.BOMBEAU Devenu ministre de l’Air, c’est en civil que le général Denain (premier plan) passe en revue le BCR Bloch 130 lors du premier semestre 1934.
 ?? DR/COLL.B.BOMBEAU ?? Le prototype du chasseur Loire 45 issu du programme C1 de 1932. Avec quatre mitrailleu­ses et 740 ch, il approchait 380 km/h.
DR/COLL.B.BOMBEAU Le prototype du chasseur Loire 45 issu du programme C1 de 1932. Avec quatre mitrailleu­ses et 740 ch, il approchait 380 km/h.
 ?? DR/COLL.B.BOMBEAU ?? Le MoraneSaul­nier 225 des aviateurs fut également affecté à l’Escadrille 3C1 de coopératio­n maritime jusqu’à ce que cette unité rejoigne définitive­ment l’armée de l’Air en 1937.
DR/COLL.B.BOMBEAU Le MoraneSaul­nier 225 des aviateurs fut également affecté à l’Escadrille 3C1 de coopératio­n maritime jusqu’à ce que cette unité rejoigne définitive­ment l’armée de l’Air en 1937.
 ?? DR/COLL. B. BOMBEAU ??
DR/COLL. B. BOMBEAU

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