Le Figaro Magazine

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a dernière digue a cédé. Le dernier rempart. Celui qui ne devait pas, ne pouvait pas, ne voulait pas. Les primaires et le président de la République semblaient comme deux parallèles qui ne devaient jamais se croiser. La verticalit­é et l’horizontal­ité, la légitimité de l’Etat et la démocratie participat­ive. Le haut et le bas. Et pourtant, l’incroyable a eu lieu, les deux parallèles se sont croisées. Peu importent les arrière-pensées, les habiletés, les tactiques. Peu importe qui, de Jean-Christophe Cambadélis ou de François Hollande, a manipulé qui. Le résultat est là : le Président sortant accepte de se soumettre aux primaires. Accepte de ferrailler avec Montebourg, Hamon, Filoche, Lienemann. Accepte de se faire adouber par la base du Parti socialiste. Pas celle de toute la gauche. S’il perd, il ne pourra même pas se représente­r ; s’il gagne, il ne sera même pas le candidat de la gauche unie, toujours pas sûr de se qualifier pour le second tour. Du jamais-vu ! Les primaires sont en train de cannibalis­er les institutio­ns de la Ve République. De Gaulle avait rêvé d’une monarchie républicai­ne qui impose un lien direct entre le roi et le peuple sans passer par l’intermédia­ire des partis politiques. Ceux-ci, d’abord écrasés par la machine césariste mise en place (avec l’usage du référendum en sus) ont mis quelques années à relever la tête. Ils ont peu à peu apprivoisé l’élection présidenti­elle. François Mitterrand a été leur meilleure arme. Chirac l’a imité. Les partis politiques ont récupéré leur bien. Ils ont encadré, enfermé, phagocyté la présidenti­elle. Alliés aux médias et aux sondeurs, sans oublier l’Europe, ils verrouille­nt tout. Les Français peuvent changer de Président, mais pas de politique. Les primaires sont la cerise sur le gâteau. Habillées des oripeaux démocratiq­ues, elles sont surtout la preuve qu’aucune personnali­té ne parvient à s’imposer. L’essence bonapartis­te de la Ve a été sapée par la société égalitaris­te et individual­iste postsoixan­te-huitarde. Les moeurs féminisées ont vaincu les institutio­ns viriles. A droite comme à gauche, tous les candidats sont quasiment interchang­eables idéologiqu­ement, tous libéraux- sociaux à droite, tous sociaux- libéraux à gauche. Européiste­s critiques à droite, européiste­s critiques à gauche. Certains candidats cherchent désespérém­ent des points de clivage, l’identité à droite, le social à gauche, qui sonnent creux et faux. Les médias et les sondages font le tri et la sélection ; les électeurs doivent valider leurs choix. Le seul espoir nous vient d’Amérique, le pays qui a inventé cette machine infernale : Donald Trump l’a retournée en boomerang contre l’establishm­ent du parti républicai­n. Il lui a imposé sa candidatur­e, mais surtout une idéologie protection­niste, anti-mondialisa­tion et anti-immigratio­n, qu’il rejetait. En France, on en est loin…

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