NICOLAS REVEL, COEUR À GAUCHE ET TÊTE BIEN FAITE
Serviteur de l’Etat méconnu du grand public, Nicolas Revel a une mission clé : résorber le déficit abyssal de l’assurance-maladie.
C’est l’un des hommes les plus puissants de France, et pourtant peu de gens le connaissent. A la tête de la Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés (Cnamts), Nicolas Revel, 49 ans, veille sur la santé de près de 60 millions de bénéficiaires, soit 9 Français sur 10. Avec un défi kafkaïen à relever au quotidien : tenter de restaurer l’équilibre financier d’un système dans le rouge depuis… vingt-cinq ans ! En 2015, le déficit de l’assurance-maladie a atteint 5,8 milliards d’euros. C’est certes un peu mieux qu’en 2014 (6,5 milliards d’euros). Mais comme viennent de le souligner les magistrats de la Cour des comptes, l’amélioration est loin d’être suffisante : « L’assurancedoit être une priorité, au même titre que les retraites, insistent-ils. Il ne faut pas relâcher les efforts et, au contraire, les redoubler. »
Nicolas Revel, père de trois garçons, aurait pu choisir un destin moins périlleux ; devenir écrivain comme sa grand-mère Nathalie Sarraute, philosophe et éditorialiste comme son père Jean-François Revel, journaliste comme sa mère Claude Sarraute ou, pourquoi pas, moine bouddhiste à l’instar de son frère, Matthieu Ricard. Enarque brillamment sorti dans les rangs de la Cour des comptes, il avait, lui, la vocation du service public. C’est Jean Glavany qui le repère le premier, et en fait son conseiller technique au ministère de l’Agriculture en 2000. Trois ans plus tard, il rejoint Bertrand Delanoë à la Mairie de Paris, comme directeur de cabinet. Il l’épaulera pendant près de dix ans avant d’être appelé en mai 2012 à l’Elysée par François Hollande qui le nomme secrétaire général adjoint à la présidence de la République, en tandem avec Emmanuel Macron. Enfin, à l’automne 2014, il est promu directeur de la Cnamts, devenant de facto une sorte de ministre de la Santé bis.
Qu’importe que Nicolas Revel ne soit pas un expert de ces questions. Il a le coeur à gauche et la tête suffisamment bien faite pour dompter, espère-t-on en haut lieu, les pires hémorragies. Surtout, c’est un habile négociateur et cette qualité est précieuse pour discuter avec les syndicats, les médecins, les pharmaciens, les industriels du médicament… Soigner aussi bien en dépensant moins : voilà la pilule que Nicolas Revel doit faire avaler aux professionnels de santé qui savent que pour restaurer l’équilibre des comptes de la sécu d’ici à 2020, voire 2019, des réformes structurelles et contraignantes seront inévitables (harmonisation des assiettes des tickets modérateurs, limitation des taux de dépassements d’honoraires…). Heureusement, Nicolas Revel a pu annoncer, début septembre, une bonne nouvelle aux généralistes : ils bénéficieront d’une augmentation annuelle de 16 000 euros grâce, notamment, à la hausse du tarif de la consultation de 23 à 25 euros. A quelques mois de la présidentielle, il fallait bien trouver les arguments pour séduire l’électorat des médecins !