JARED KUSHNER, LE GENDRE IDÉAL
C’est un jeune homme élégant et discret qui préfère les jeux d’influence à la lumière des projecteurs. Ce trait de caractère aurait pu le tenir à distance respectueuse de son beau-père, le clinquant Donald Trump. Par bien des aspects, Jared Kushner vient d’un monde étranger à celui du candidat républicain à la Maison-Blanche. Mais les deux hommes se ressemblent assez pour s’être reconnus : Donald voit en son gendre une projection rajeunie de luimême ; Jared a trouvé en Donald une seconde figure paternelle à qui tout réussit.
Cette alliance a placé le mari d’Ivanka Trump – la fille préférée du milliardaire – dans une position unique : il est la puissance derrière le trône, un personnage clé pour accéder à Donald Trump, certains disent le directeur officieux de sa campagne. C’est lui qui a organisé sa visite surprise à Mexico fin août ; lui qui a pesé dans le choix de Mike Pence comme colistier au détriment du gouverneur du New Jersey, Chris Christie ; lui encore qui a organisé la réconciliation du candidat avec la communauté juive après un tweet aux relents antisémites ; lui enfin qui a présidé aux bouleversements de l’état-major et mis sur pied l’opération de levée de fonds sur internet.
Jared Kushner, 35 ans, n’a aucune expérience en politique. Ses connexions sont plutôt démocrates, une tradition familiale. Mais « Ivanka et lui sont investis à fond » , s’étonnent certains de leurs amis – un cercle dont fait partie Chelsea Clinton, la fille d’Hillary et Bill. Etrangement, nombre de leurs relations comme Rupert Murdoch, le propriétaire de Fox News, ont le double de leur âge. Béat d’admiration devant la créativité du grand Donald, Jared cite souvent son slogan, « Rendre sa grandeur à l’Amérique », en précisant : « Et c’est sorti comme ça de sa tête ! » Le jeune homme d’affaires a 24 ans lorsque son père, Charles, riche promoteur immobilier dans le New Jersey, est condamné à deux ans de prison par un certain Chris Christie, alors procureur de l’Etat (cela explique sa mise à l’écart lors du choix pour la vice-présidence). Le scandale est sordide : Charlie, qui a fait la fortune de ses frères et soeurs, est accusé par eux d’avoir détourné l’argent de l’entreprise pour courtiser des figures politiques locales. Il tentera de discréditer son beau-frère en louant les services d’une call-girl et en envoyant la cassette à sa soeur. L’affaire a laissé des traces dans cette famille de survivants de l’Holocauste, juifs orthodoxes très pratiquants.
Son père sous les verrous, Jared, à peine sorti de Harvard (une université à laquelle Charlie avait fait don de 2,5 millions de dollars l’année de son inscription), prend les rênes du groupe familial. Comme Trump trente ans plus tôt, il va tenter un coup de poker : traverser l’Hudson River pour prendre pied à New York. Il vend d’un coup les 22 000 appartements que la famille possède dans le New Jersey et achète un gratteciel, 666 Fifth Avenue, pour 1,8 milliard de dollars. Un record à l’époque.
En 2006, il s’offre aussi un journal connecté à la jet-set, le New York Observer, pour 10 millions de dollars. Entrée réussie dans la haute société new-yorkaise. Mais la crise immobilière est au coin de la rue : Jared évite de peu la faillite, il est contraint de céder la moitié de sa tour pour beaucoup moins que son prix d’achat. Aujourd’hui, ses affaires vont mieux : il participe à un projet immobilier de 2 milliards de dollars à Brooklyn.
Jared et Ivanka, d’un an sa cadette, s’attachent à projeter l’image d’un couple parfait. Leur idylle a commencé en 2005 mais s’est interrompue en 2008 sous la pression de la famille Kushner. Il a fallu qu’Ivanka se convertisse au judaïsme selon les règles exigeantes de « l’orthodoxie moderne » avant de pouvoir épouser Jared, en 2009. Ils ont trois enfants, évidemment parfaits eux aussi. Si les efforts de Jared Kushner portent leurs fruits, ils gambaderont l’an prochain sur la pelouse de la Maison-Blanche.
Ivanka et lui se sont investis à fond