Le Figaro Magazine

FANNY RODWELL, LA GARDIENNE DU TEMPLE

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Elle a été la seconde muse d’Hergé dès 1955, année de leur rencontre aux Studios Hergé, avenue Louise, à Bruxelles. Aujourd’hui, Fanny veille toujours sur l’oeuvre du créateur de Tintin avec grâce et déterminat­ion. L’âge n’a pas l’air d’avoir de prise sur elle, toujours élégante, douce et le regard pétillant dès qu’il s’agit d’évoquer leur relation. C’est elle qui a eu le désir de faire bâtir un musée Hergé à Louvain-la-Neuve. C’est elle qui a permis à un auteur harassé par tant de travail d’effectuer ces premiers grands voyages d’agrément, alors qu’il s’estimait menotté à sa table à dessin. Ce sera la Sicile en 1962, mais aussi le Dakota du Sud, au beau milieu d’une réserve indienne des Etats-Unis, les Bahamas, la Sardaigne, le canton du Valais en Suisse, sans oublier la rencontre avec Andy Warhol en 1972, à New York. Désormais épouse de Nick Rodwell, celle qui fut coloriste des albums de Tintin (notamment L’Affaire Tournesol) a ouvert les horizons d’Hergé. Avec Fanny, Hergé s’est délivré de Tintin pour vivre pleinement sa vie. C’est dans ces années-là qu’il découvre l’art contempora­in. Devenu collection­neur d’oeuvres abstraites, Georges Remi éprouve également l’envie de se frotter à la peinture.

« Ça a commencé à la maison, se souvient aujourd’hui Fanny. Hergé avait une pièce qui était son domaine à lui. Il y faisait ce qu’il voulait, discrèteme­nt, en privé. La peinture était un univers au-delà de ce qu’il avait commencé avec Tintin. » Dans cet appartemen­t bruxellois, Hergé et Fanny ont leurs habitudes. « Hergé s’y sentait libre, précise-t-elle. Souvent, quand

je passe dans la rue dans laquelle nous habitions, je lève les yeux et je me souviens. Il avait un chevalet dans une belle chambre lumineuse. La peinture, disait-il, il l’a faite en amateur. Mais je sais qu’il y a mis tout son coeur. C’était un autre aspect de lui-même, un autre aspect de son talent. Il admirait Miró.

Il était toujours très humble et se sentait un “peintre du dimanche”. Ses toiles, je les aime parce que ça explose dans tous les sens. Hergé avait envie de sortir tout ça de lui, alors qu’il avait parfois le sentiment qu’il s’était fait emprisonne­r dans ses propres cases de BD. Vous savez, Hergé était un homme plus intérioris­é, plus discret qu’on ne le croit. » Même si les peintures ont été longtemps tenues secrètes, les spécialist­es estimant qu’elles n’avaient pas franchemen­t de valeur artistique, certaines de ses toiles seront exposées au Grand Palais, et prouveront ainsi que le génie d’Hergé se sera également exprimé à travers l’art abstrait.

 ??  ?? Fanny Rodwell et son chien Ari dans le musée Hergé de Louvain-la-Neuve. Depuis 1983, elle veille avec douceur et déterminat­ion sur l’héritage du créateur de Tintin.
Fanny Rodwell et son chien Ari dans le musée Hergé de Louvain-la-Neuve. Depuis 1983, elle veille avec douceur et déterminat­ion sur l’héritage du créateur de Tintin.

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