Le Figaro Magazine

MICHALIK, LE PANACHE

- DE PHILIPPE TESSON Edmond, d’Alexis Michalik. Mise en scène de l’auteur. Avec Guillaume Sentou, Anna Mihalcea, Christine Bonnard... Théâtre du Palais- Royal ( 01.42.97.40.00).

On ne comprendra­it pas les spectateur­s qui feraient la fine bouche en sortant du Palais-Royal après avoir vu le Edmond d’Alexis Michalik. On ne peut en effet imaginer divertisse­ment théâtralpl­us consensuel, plus rafraîchis­sant, plus généreux. Il y a chez ce Michalik une énergie, une invention et une jeunesse fantastiqu­es. On dirait qu’il n’a pas d’âge. Il se moque comme d’une guigne des codes, des convention­s, des modes. Il donne le sentiment qu’il invente le théâtre, qu’il l’improvise avec une liberté et une innocence totales. Et pourtant quel travail, quelle précision, quelle discipline de troupe ! Une sorte de folie raisonnée. Edmond, c’est l’histoire de la création de Cyrano. Rostand n’a pas 30 ans. Son théâtre ne marche pas. Il désespère. Dernière chance : le grand Coquelin lui commande une comédie héroïque. Dans les pires conditions, au terme de pittoresqu­es rebondisse­ments, il termine la pièce le jour même de la première. Ce sera Cyrano. Un triomphe immense.

Ce qui intéressai­t au départ Michalik, c’était de raconter cette histoire de théâtre dans le théâtre par le truchement du cinéma. Il y a en effet dans la pièce de Rostand une étonnante prémonitio­n du cinéma. Et l’idée astucieuse du metteur en scène était de relier au moyen de l’image l’épopée d’Edmond à celle du héros. Mais finalement il a décidé, et il a eu raison, de jouer ce parallèle au théâtre, avec les moyens moins spectacula­ires mais plus authentiqu­es, plus charnels du théâtre. Cela nous vaut des scènes d’un humour souvent désopilant qui illustrent ce constant contrepoin­t entre la vie de Rostand et les répétition­s de la pièce. Mais d’une certaine façon le cinéma trouve son compte dans l’affaire. Car le rythme que donne Michalik à son spectacle est d’une rapidité étourdissa­nte qui contribue largement à sa qualité. Séquences brèves et sans transition­s, changement­s à vue, bref des méthodes propres au cinéma, maîtrisées ici comme rarement à la scène. Cette vivacité, cette allégresse doivent beaucoup aux comédiens. Ils sont douze seulement, en profonde empathie, très dévoués à la cause, exemplaire­s de l’esprit de troupe. Michalik ne réinvente pas le théâtre, et qu’est-ce que cela voudrait dire ? Mais il lui donne un coup de jeune. Au fond classique dans le respect de ses fondamenta­ux, il le dépoussièr­e de ses lourdeurs contempora­ines. Il l’aère. Il le libère sans complexe, simplement en le nourrissan­t de sa propre et fertile imaginatio­n. Ce faisant, il en élargit le public.

Un coup de jeune au théâtre

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