MICHALIK, LE PANACHE
On ne comprendrait pas les spectateurs qui feraient la fine bouche en sortant du Palais-Royal après avoir vu le Edmond d’Alexis Michalik. On ne peut en effet imaginer divertissement théâtralplus consensuel, plus rafraîchissant, plus généreux. Il y a chez ce Michalik une énergie, une invention et une jeunesse fantastiques. On dirait qu’il n’a pas d’âge. Il se moque comme d’une guigne des codes, des conventions, des modes. Il donne le sentiment qu’il invente le théâtre, qu’il l’improvise avec une liberté et une innocence totales. Et pourtant quel travail, quelle précision, quelle discipline de troupe ! Une sorte de folie raisonnée. Edmond, c’est l’histoire de la création de Cyrano. Rostand n’a pas 30 ans. Son théâtre ne marche pas. Il désespère. Dernière chance : le grand Coquelin lui commande une comédie héroïque. Dans les pires conditions, au terme de pittoresques rebondissements, il termine la pièce le jour même de la première. Ce sera Cyrano. Un triomphe immense.
Ce qui intéressait au départ Michalik, c’était de raconter cette histoire de théâtre dans le théâtre par le truchement du cinéma. Il y a en effet dans la pièce de Rostand une étonnante prémonition du cinéma. Et l’idée astucieuse du metteur en scène était de relier au moyen de l’image l’épopée d’Edmond à celle du héros. Mais finalement il a décidé, et il a eu raison, de jouer ce parallèle au théâtre, avec les moyens moins spectaculaires mais plus authentiques, plus charnels du théâtre. Cela nous vaut des scènes d’un humour souvent désopilant qui illustrent ce constant contrepoint entre la vie de Rostand et les répétitions de la pièce. Mais d’une certaine façon le cinéma trouve son compte dans l’affaire. Car le rythme que donne Michalik à son spectacle est d’une rapidité étourdissante qui contribue largement à sa qualité. Séquences brèves et sans transitions, changements à vue, bref des méthodes propres au cinéma, maîtrisées ici comme rarement à la scène. Cette vivacité, cette allégresse doivent beaucoup aux comédiens. Ils sont douze seulement, en profonde empathie, très dévoués à la cause, exemplaires de l’esprit de troupe. Michalik ne réinvente pas le théâtre, et qu’est-ce que cela voudrait dire ? Mais il lui donne un coup de jeune. Au fond classique dans le respect de ses fondamentaux, il le dépoussière de ses lourdeurs contemporaines. Il l’aère. Il le libère sans complexe, simplement en le nourrissant de sa propre et fertile imagination. Ce faisant, il en élargit le public.
Un coup de jeune au théâtre