ARGENT D’INFLUENCE
★★★★ WA$HINGTON, de Guillaume Debré, Fayard, 250 p., 18 €.
Dans ce livre, les chiffres donnent le tournis. S’il faut n’en retenir qu’un seul, gardons celui-ci : 3 milliards de dollars, l’estimation des dépenses que Hillary Clinton et Donald Trump auront engagées pour la campagne 2016. Soit le PIB du Burundi. Correspondant à Washington, Guillaume Debré y a enquêté en sollicitant des acteurs de premier plan. De ces superlatifs pécuniaires, il tire les leçons. Notamment que l’inflation des dépenses oblige à courtiser les plus riches. Exemple : quand George Clooney invite Hollywood pour dîner avec Hillary Clinton, l’assiette se paie 33 400 dollars et une place à la table de la candidate 353 000 dollars. Côté républicain, on lit qu’une poignée de candidats a subi un grand oral devant des milliardaires pour leur quémander des dollars. « Il n’est pas normal qu’un si petit nombre de riches puisse avoir une telle influence, confie une spécialiste du fundraising républicain. Le système est en train de dérailler. » Stephen Breyer, l’un des neuf juges de la Cour suprême, accuse. Avec l’arrêt dit Citizens United du 21 janvier 2010, la Cour a déplafonné les dons aux campagnes pour les individus et les entreprises. Ce jour-là, « la Cour suprême a ouvert les vannes », déplore Stephen Breyer qui avait voté contre. Wa$hington montre combien l’argent dévoie la démocratie américaine. Auteur de deux livres sur Barack Obama, Debré souligne que 56 % des ambassadeurs qu’il a nommés (contre 30 % pour George W. Bush) ne sont pas des diplomates mais des donateurs. En huit ans, il a invité à la Maison-Blanche 250 de ses 470 principaux soutiens. Celle ou celui qui gagnera en novembre ne dérogera pas. Hillary Clinton, qui a amassé entre 1,5 et 2 milliards de dollars notamment grâce à Wall Street, n’entreprendra rien contre la finance. Quant à Donald Trump, qui a dénoncé la corruption avant de ratisser entre un demi et un milliard de dollars, on ne l’imagine pas tourner le dos à l’argent roi une fois élu…