FRÈRES D’ÂME

★★★★ LÉGENDE, de Sylvain Prudhomme, Gallimard, 295 p., 20 €.

Au début, il n’y a rien. Juste une plaine. Celle de la Crau, du côté d’Arles, coincée entre pierrailles et mistral. Deux amis s’y retrouvent parfois. Le premier, un photographe, Nel, est d’ici, père et grand-père bergers ; le second, Matt, un anglais reconverti dans les toilettes sèches publiques, et à ses heures perdues, documentariste, aurait mérité de l’être. Matt veut tout comprendre, tout filmer, de ce pays d’âmes errantes, de ce Far West oublié. Il le fera en retrouvant la mémoire d’une boîte de nuit, « la Chu » (la Churrascaïa, pour les non initiés), imaginée par un manadier pour qui à sa façon aussi

« un autre monde était possible » , un monde d’hédonisme, de liberté, de frontières franchies et d’affranchis. Parmi eux, deux frères, Fabien, un Stewart qui sa vie durant joua à l’enfant terrible, et Christian, qui collectionnait les papillons à Madagascar. Deux frères, morts le même jour, dans la gloire de leur jeunesse, à 10 000 kilomètres de distance.

Avec Légende, l’histoire de ces deux frangins, de l’amitié entre Nel et Matt, de ce pays violent et beau comme un complot de colère, Sylvain Prudhomme a réussi quelque chose comme un roman parfait. Un livre d’histoire et de géographie au service de la poésie. Une éducation sentimentale qui en matière de sentiments ne tolère que les grands… Et le souvenir de deux garçons rôdant parmi les montagnes de Provence.