LA SOLITUDE DU GARDIEN DE PRISON
En son temps, Johnny Cash s’était rendu célèbre avec Folsom Prison Blues, une chanson décrivant, non sans humour, la détresse des détenus. Le genre est connu et a inspiré des dizaines de livres et de films, mais qui connaît le blues du maton ? Dans Métamorphose d’un crabe, variation sur celles du cloporte (Boudard) et du cafard (Kafka), le quidam découvre, ahuri, les parcours d’un solitaire débarqué du Nord durant les années qu’il passe, d’abord en tant que surveillant, puis en tant que gradé, à la prison de la Santé.
Ici, la vie est grise, sale, répétitive, monotone, à peine égayée par le bruit des cours de récréation des écoles voisines et, lorsqu’il fait nuit, les lumières du métro aérien. Les surveillants boivent du whisky au déjeuner, des couples se font et se défont, et on y trouve de tout : des pendus, des pistolets Beretta dans des slips sales, un détenu surnommé Hannibal Lecter et des sachets de cocaïne sous les matelas ( « Ned a tué deux personnes, dont la mère de ses enfants, mais il déçoit avec ses quatre sachets de cocaïne. On a des naïvetés de rosière. » ). Christo, amibe à l’intérieur de cette verrue urbaine, entamera sa métamorphose avant de devenir partie prenante de la prison. Ce roman glacial doit beaucoup à l’écriture impeccable de Sylvie Dazy, ex-éducatrice à la Santé, immensément douée pour décrire cette ville dans la ville, cette espèce de sousvie, cathédrale de délabrement qui n’épargne pas plus les détenus que ceux qui les gardent.
de Sylvie Dazy, Le Dilettante, 158 p., 15 €.